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"Les raisins de la colère" de John Steinbeck à retrouver au théâtre Michel.
"Les raisins de la colère" de John Steinbeck à retrouver au théâtre Michel.
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La complainte de l’Amérique profonde résonne toujours à nos oreille.

Rodolphe  de Saint Hilaire pour Culture-Tops

Rodolphe de Saint Hilaire pour Culture-Tops

Rodolphe de Saint Hilaire est chroniqueur pour Culture-Tops.

Culture-Tops est un site de chroniques couvrant l'ensemble de l'activité culturelle (théâtre, One Man Shows, opéras, ballets, spectacles divers, cinéma, expos, livres, etc.).

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THÈME

  • Tous ceux qui aiment le jazz et le chant country connaissent (surtout s’ils écoutent TSF JAZZ) Jean Jacques Milteau, le pape français de l’harmonica jazzy. Juste pour souligner que le thème de cette adaptation vivante du livre de John Steinbeck est avant tout musical, et que c’est le fruit de cet harmoniste de premier ordre. 

  • Le spectacle nous narre l’exode quasi-biblique de la famille Joad, métayers en Oklahoma, pendant la Grande Dépression du début des années 1930. Il est transposé en une sorte de road movie soutenu et animé par la folk et la country musics, avec les arrangements des standards par J. J. Milteau.

  • Les Joad sont contraints d’abandonner leurs terres, suite à une grande sécheresse et à la rapacité des banques saisissant les biens des fermiers surendettés. Dans leur fuite, ces Oakies (natifs de l’ Oklahoma) vont emprunter, dans leur camion bondé, la fameuse route 66 (« from Chicago to LA » chantée par Nat King Cole) direction La Californie, la terre promise. 

  • Les passagers sur le toit touchent le ciel, mais hélas le grand père le rejoindra avant le terme du voyage, dans un moment d’émotion intense. Le voyage est jalonné, on peut le dire sans « spoiler », de temps forts en musique et en paroles au fur et à mesure que la colère gronde : les retrouvailles de Ma avec son fils Tom, le rebelle, l’hymne aux pêches, l’ostracisme violent dont sont victimes ces migrants d’Oklahoma, sont pareillement émouvants. 

POINTS FORTS

  • Disons le tout de suite, ces Raisins de la colère, régal pour les oreilles comme pour les yeux, nous prennent aux tripes, tout d’abord grâce à la mise en scène, ou plus exactement grâce à l’absence de mise en scène. Quelques bottes de paille simplement jetées sur la route, des vieux cageots, deux lampes à pétrole et quelques accessoires, comme ce micro circulaire sur pied délicieusement vintage, voilà qui suffit à exprimer l’extrême dénuement dans lequel vivent les Joad...                                                                                                                                            

  • Il y a aussi les trois musiciens sur scène - basse, deux guitares ou banjo, et la chanteuse – qui nous transportent dans cette épopée musicale sur des airs comme The Wayfaring strangerOld man tucker ou The Ghost of Tom Joad (le héros) de Bruce Springsteen, le tout sur une tempo parfait. Ils interprètent une musique country envoûtante et rythmée, digne de Bob Dylan. Trois musiciens « de route » constamment debouts tels des troubadours, répondent en écho aux histoires et contes du narrateur (Xavier Simonin).

  • La formidable interprétation du conteur dans un rôle sur mesure taillé pour lui, jusqu’à sa casquette plate ! Ici le verbe est à l’unisson de la musique : la puissance des mots de Steinbeck est restituée par un narrateur impressionnant d’agilité, qui va interpréter une quinzaine de personnages  et nous conter les tribulations de ces pauvres Oakies.

  • L’adaptation fidèle du chef d’œuvre de Steinbeck, pour la première fois mis en scène au théâtre, avec la restitution de phrases chocs comme : « Plus ils  crèvent de faim, moins on est obligé de les payer » !

QUELQUES RÉSERVES

Aucune réserve.

ENCORE UN MOT...

Les souffrances des protagonistes et les discours véhéments du narrateur résonnent dans l’actualité : réchauffement climatique, fracture sociale, violence… Simonin l’explique : « Je souhaitais restituer cette histoire d’hier qui résonne aujourd’hui comme un présage pour demain. »

UNE PHRASE

  • « Un immense camion de transport était arrêté devant le petit restaurant au bord de la route. C’était un camion neuf d’un rouge étincelant avec des lettres sur le côté de 12 pouces “Home city transport services“. Une odeur de soupe flottait dans l’air,  de porc grillé grésillant dans l’huile bouillante, de pain chaud et l’odeur pénétrante de café bouillant dans un pot nous attendait.
    “Hello, tu veux savoir autre chose ? Je m’appelle Joad, Tom Joad… »

  • « En route, on va pouvoir enfin travailler. Les fermes disparaissent vite par les temps qui courent. »

  • « Tom regarda sa mère, Ma leva les yeux de sa poêle et sa fourchette tomba sur la planche.
    Ta mère avait la sale expression de quelqu’un qui ne te reverrait jamamais.
    Nous devons partir. La route 66 c’est la graaaande route de l’immigration, la route de la fuite. »

  • Et ce commentaire du metteur en scène :
    « Parlons de sujets graves avec la lumière nécessaire pour y voir plus clair.
    Notre lumière sera la musique offrant la faculté d’éclairer la tragique histoire des Joad
    et de nous transporter par des voies sensibles tout au long de la route 66 » 
    Xavier Simonin (m.e.s.)

L'AUTEUR

• John Steinbeck, figure légendaire de la littérature américaine, est né en 1902. En compétition avec Jean Anouilh et Lawrence Durell, il recevra le prix Nobel de littérature 60 ans plus tard  « Pour à la fois son humour sympathique (!) et une perception sociale aigue. » Précédemment, en 1940, il avait reçu le prix Pulitzer pour «The Grapes of Wrath »  qui nous intéresse ici. Soixante-quinze ans plus tard, 15 millions d’exemplaires avaient été diffusés dans le monde ! Autres ouvrages à succès et de grande qualité et portés au cinéma : « Des souris et des hommes » ou « A l’Est d’Eden »

Injustice sociale et oppression des fermiers et de la classe ouvrière par des hommes d’affaires sans scrupules sont les fils conducteurs de son œuvre, et la Californie, son champ d’inspiration.

• Xavier Simonin, adaptateur et metteur en scène, a mis trois ans pour faire aboutir ce projet et emporter la conviction des ayants droits. Auparavant, il avait réalisé  la belle mise en scène de L’Or de Blaise Cendrars, avec l’aide de son complice J.J. Milteau. L’Or contait la « Merveilleuse histoire du général Johan August Sutter, originaire du Saint Empire romain germanique, mais qui mourut citoyen américain après avoir amassé une fortune foncière considérable dans la Californie mexicaine des années 1840, et qui fut complètement ruiné par des chasseurs d’or indélicats et des notaires véreux. Xavier Simonin préside également l’association GLOBE dédiée à la protection de l’environnement et à la lutte contre la rareté de l’eau. Il a fondé le festival A Sahel ouvert.

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