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Les progressistes ne savent pas faire autre chose que de créer des villes mortes
©ANDREW CABALLERO-REYNOLDS / AFP

Disraeli Scanner

Lettre de Londres mise en forme par Edouard Husson. Nous recevons régulièrement des textes rédigés par un certain Benjamin Disraeli, homonyme du grand homme politique britannique du XIXe siècle.

Disraeli Scanner

Disraeli Scanner

Benjamin Disraeli (1804-1881), fondateur du parti conservateur britannique moderne, a été Premier Ministre de Sa Majesté en 1868 puis entre 1874 et 1880.  Aussi avons-nous été quelque peu surpris de recevoir, depuis quelques semaines, des "lettres de Londres" signées par un homonyme du grand homme d'Etat.  L'intérêt des informations et des analyses a néanmoins convaincus  l'historien Edouard Husson de publier les textes reçus au moment où se dessine, en France et dans le monde, un nouveau clivage politique, entre "conservateurs" et "libéraux". Peut être suivi aussi sur @Disraeli1874

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Edouard Husson

Edouard Husson

Universitaire, Edouard Husson a dirigé ESCP Europe Business School de 2012 à 2014 puis a été vice-président de l’Université Paris Sciences & Lettres (PSL). Il est actuellement professeur à l’Institut Franco-Allemand d’Etudes Européennes (à l’Université de Cergy-Pontoise). Spécialiste de l’histoire de l’Allemagne et de l’Europe, il travaille en particulier sur la modernisation politique des sociétés depuis la Révolution française. Il est l’auteur d’ouvrages et de nombreux articles sur l’histoire de l’Allemagne depuis la Révolution française, l’histoire des mondialisations, l’histoire de la monnaie, l’histoire du nazisme et des autres violences de masse au XXème siècle  ou l’histoire des relations internationales et des conflits contemporains. Il écrit en ce moment une biographie de Benjamin Disraëli. 

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Hughenden, 
le 17 janvier 2021, 
Mon cher ami, 

2020, l'année des villes désertées

Je regardais cet après-midi des photos du centre de Washington barricadée en attendant l'inauguration de Joe Biden. Barricadée, pleine de check points, et vide ! Et tout d'un coup, cela m'est apparu comme une évidence. Qu'avons-nous pu constater tout au long de l'année 2020? Des villes rendues vides par le confinement. Ou bien par les émeutes de Black Lives Matter. Ou bien - je pense à votre rue de Rivoli sans circulation, dont les commerces périclitent - parce que des maires exaltés décident de faire des "villes vertes". 
En ce moment, je suis à Hughenden. Et je ne veux pas en bouger. Non seulement parce que je veux éviter d'avoir à me retrouver à une réunion présidée par Boris. Mais aussi parce que je ne supporte Londres soumise au confinement. Nous avons une ville qui est l'une des plus vivantes du monde en temps normal. Et je ne pardonne pas à Boris de s'être laissé entraîné par le Docteur Ferguson - et ses prévisions apocalyptiques -  dans une politique de confinement drastique. Vous et moi sommes assez vieux pour avoir visité les démocraties populaires et nous nous souvenons de ces centres-villes déserts, de ces couvre-feux, de ces visages tristes. Je me rappelle Unter den Linden ou le Pont Charles sans touristes. Je me rappelle aussi cet ami est-allemand arrivant pour la première fois à Londres  après la chute du Mur de Berlin, et me demandant de ne pas venir le chercher à la gare car il voulait prendre le métro, se plonger dans la foule. 

Telles des villes soviétiques

Qui nous aurait dit que 35 ou 40 ans plus tard, nous verrions, au printemps 2020, Paris, Londres ou Rome vides comme des villes du bloc soviétique. Que nous aurions, dans nos gares, des haut-parleurs nous répétant, toutes les 5 minutes, des slogans hygiénistes, nous enjoignant de ne pas trop nous approcher de nos concitoyens ou de respecter, dans une langue de bois digne des pays communistes, les "gestes-barrière"? Hier encore, je me suis trouvé dans une gare semi-déserte, à prendre un train presque complètement vide. Il n'est pas gênant de traverser la campagne anglaise. Mais tout le mouvement de la civilisation nous conduit vers les villes. La ville, ce sont des marchés, des carrefours, des maisons densément bâties, des lieux de spectacles, des jardins qui vous rappellent la nature mais pour vous donner l'envie de retourner voir vos semblables. Ce sont des églises qui sont pleines, bondées d'une foule fervente. la ville moderne, c'est de la cohue, du bruit, des voitures, des jurons, des rires, les flashs qui crépitent de touristes en groupe. ce sont des magasins, des ateliers, des bureaux. C'est une vie de travail, avec la respiration de la fin de semaine, lorsqu'on a la possibilité de regarder les bâtiments que l'on ne voit pas durant la semaine tant on est concentré sur autre chose. De tout cela, des gouvernants sinistres, des technocrates imbus de leur ignorance, des journalistes sans imagination, des militants gauchistes qui ne savent que pousser des borborygmes ou casser ce qui ne leur appartient pas, tous veulent nous priver. 
L'expression qui m'est revenue, c'est celle de la "ville morte". Nous sommes face à une opération "ville-morte" qui est d'échelle planétaire. Je pense que cela en révèle beaucoup sur ce que les progressistes ont dans le cerveau et dans le coeur. Là où des médecins de ville ou de grands chercheurs nous offraient, en mars dernier, le moyen de maintenir nos villes en pleine activité tout en soignant rapidement les gens tombés malades, nous avons vu débarquer une série de bureaucrates de la médecine qui n'avaient pas vu de patients depuis des années, d'experts auto-proclamées des données. Nous avons vu des gouvernants qui ont depuis longtemps perdu l'habitude de se promener au milieu des foules et de visiter leurs propres villes qui nous ont enfermé chez nous de manière autoritaire. 

Une vraie culture de mort

Je ne veux pas enjoliver la réalité urbaine. Pour beaucoup de nos concitoyens, une ville ce sont des embouteillages, de longs moments de transport en commun, des lieux de travail sans gaîté ou des immeubles aux longs couloirs tristes. Et pourtant, la plupart d'entre eux vous diront qu'ils préfèrent la vie qui est la leur en temps normal à rester enfermé dans un petit appartement, être privé de la vie sociale au travail ou devoir rentrer sans avoir eu le temps de faire soi-même ses courses. Ce à quoi nous soumettent nos gouvernants depuis des mois est tout à fait inhumain. On reconnaît un arbre à ses fruits. On découvre le vrai visage d'un homme politique aux conséquences de la politique qu'il met en oeuvre. La plupart des gouvernants, depuis un an, mettent en oeuvre ce que le grand pape saint Jean-Paul II appelait une "culture de mort". Lui-même savait de quoi il parlait: il avait vécu dans Cracovie occupée par le régime le plus barbare de l'histoire; il avait ensuite subi, durant trente ans, le communisme. Nazisme et communisme ont produit des villes mortes à la pelle. quelquefois ils ont même détruit l'architecture ancienne pour reconstruire des bâtiments à l'image des habitants-zombie qu'ils entretenaient dans la peur de la terreur et le bourrage de crâne. Chez nous, le mal est moins avancé mais c'est bien dans la même direction que tendent un Emmanuel Macron ou un Joe Biden, un Giuseppe Conte ou un Xi Jiping. Boris nous a procuré le Brexit mais il n'a pas réfléchi au fait que nous devions abandonner plus que la bureaucratie de l'UE: il nous faut aussi rejeter des visions politiques délétères.  
Je regardais, mon cher ami, les maquettes qui montrent les Champs-Elysées tels que Madame Hidalgo voudrai les verdir, les piétonniser, les cycliser. En fait, c'est exactement comme la théorie du communisme: des lendemains heureux, des lieux pleins de verdure. mais la réalité du paris d'aujourd'hui est différente: d'immenses "autoroutes à vélo" la plupart du temps vides tandis que les voitures à la queue leu-leu sont plongées dans des embouteillages monstres; des rues crasseuses; des milliers de pauvres obligés de dormir dans la rue; les familles qui fuient la ville devenu inhabitable; les personnes âgées regroupées dans des maisons sinistres que l'on ne sait plus désigner autrement que par leur sigle bureaucratique, EHPAD. Le contraste est le même entre cette réalité et les plans grandioses des planificateurs écolos qu'entre la vie dans les pays communistes et les pages utopiques des théoriciens marxistes. L'écologie n'est que le dernier avatar du gauchisme. C'est un retour à Rousseau, le père de quelques-unes des plus grandes catastrophes totalitaires qui ont accablé l'Europe et le monde. Le Paris de Madame Hidalgo décline vite, il perdra progressivement ses emplois. je sais bien qu'elle vient de lancer l'idée d'un revenu universel pour les Parisiens. Elle est cohérente. 

Ubi solitudinem faciunt....   

Mon cher ami, je sais que mercredi, quand nous apercevrons quelques images de Washington transformée en ville-morte pour accueillir Palpatine, nous aurons le même pincement au coeur, le même sentiment d'un immense gâchis causé par les nôtres, nos cousins conservateurs d'outre-Atlantique qui ont cru, comme des écervelés, que Trump exagérait quand il dénonçait l'effet délétère des confinements et reprochait à son parti de ne pas être plus ferme face à Black Lives Matter. Voici que le parti des Impériaux a repris le contrôle de la capitale. Il est libre d'en faire une ville déserte. Soudain me revient à l'esprit la phrase que Tacite met dans la bouche d'un chef calédonien, Galgacus, qui va affronter l'armée romaine et veut galvaniser ses troupes: "Ubi solitudinem faciunt, pacem appellant" - "Là où ils créent un désert, ils disent qu'ils font  la paix".  Eh bien, je sourirai, au moins, en imaginant Donald en accoutrement de chef barbare et déclarant aux siens: "Ubi solitudinem urbanam faciunt, libertatem et salutem appellant" : "Là où ils créent une ville morte, ils proclament la liberté et la santé". 
Bien fidèlement à vous 
Benjamin Disraeli

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