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Les mystères médicaux autour de l’affaire de la nouvelle formule du Levothyrox
©JACQUES DEMARTHON / AFP

Bonnes feuilles

Claude Pigement publie "Levothyrox : une scandaleuse négligence" (ed. de L’Archipel). Claude Pigement a vécu l'affaire Levothyrox au coeur des autorités de santé, de son déclenchement en août 2017 à son départ de l'agence fin novembre 2018. Il a été un témoin privilégié des multiples dysfonctionnement. Extrait 1/2.

Claude Pigement

Claude Pigement

Médecin gastro-entérologue et hépatologue, Claude Pigement a été vice-président du conseil d'administration de l'Agence Nationale de Sécurité du Médicament (2012-2018) et responsable national aux questions de santé du Parti socialiste durant 23 ans. Pour l'affaire du Levothyrox, il a régulièrement été interrogé par les médias.

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Les deux premières charges, à travers l’interview dans Libération et mon attitude au conseil d’administration, ne sont qu’un rendez-vous qui en appelle d’autres. Une manière de prendre date pour l’avenir, en attendant que les événements viennent rendre encore plus pressant ce besoin de transparence scientifique. L’année 2017 s’achève ainsi, sur cet augure renforcé par une annonce d’Agnès Buzyn début décembre. De nouvelles données de pharmacovigilance « seront présentées en janvier », fait savoir la ministre dans la matinale de BFMTV-RMC. Dans cette interview, elle tente aussi de déminer l’information rapportée par le nouvel hebdomadaire Ebdo (qui disparaîtra quelques semaines plus tard) selon laquelle « 14 décès de patients sous Levothyrox ont été enregistrés dans la banque nationale de données recensant les effets secondaires en France », dont « des morts fœtales survenues à un stade avancé de la grossesse ». 

L’article, paru dans le « numéro zéro » d’Ebdo, fin novembre, est présenté de façon fallacieuse : le ton d’esclandre qu’il emploie laisse entendre que les autorités taisent un scandale. Or, corrélation n’est pas causalité. Rien n’indique que ces décès sont liés à la prise du médicament, et il est presque mathématique que, parmi le nombre très important de patients ayant fait un signalement, certaines personnes décèdent. Mais l’information, volontairement anxiogène, oblige l’ANSM a réagir. « Aucun lien n’est aujourd’hui établi », écrit l’Agence sur Twitter. Agnès Buzyn en remet une couche. « Quand quelqu’un prend douze médicaments, est insuffisant cardiaque, et entre autres prend du Levothyrox, le lien n’est pas évident à établir [avec un décès] à 86 ans. Or, la plupart des profils des personnes décédées sont des personnes très âgées et très malades. » Cette nervosité s’immisce cependant dans l’absence de réponse scientifique donnée par les autorités à cette crise – et montre que, sans éclaircissement, les suspicions les plus graves peuvent être portées.

Depuis deux mois, les alternatives à la nouvelle formule ont heureusement permis de faire baisser la tension. Si l’installation de ces médicaments en octobre a été heurtée, tant la demande était forte, un rythme de croisière a été trouvé. La L-Thyroxin Henning de Sanofi a été massivement importée d’Allemagne, avec une arrivée de 300 000 boîtes en octobre puis 400 000 en décembre, alors que 650 000 boîtes devaient être à nouveau acheminées début 2018. Le laboratoire a régularisé la situation du médicament en obtenant une autorisation de mise sur le marché (AMM) française (délivrée par l’ANSM) en janvier 2018 au motif qu’il souhaite une « mise à disposition pérenne » dans l’Hexagone – un moyen comme un autre de grignoter les parts de marché de son concurrent allemand Merck KGaA. 

À partir de décembre, une autre alternative est arrivée, avec le générique Thyrofix, du laboratoire Unipharma – qui annonce la mise à disposition de 688 000 boîtes. Enfin, la lévothyroxine en capsule molle Tcaps, produite par le laboratoire français Genevrier, sera homologuée par l’ANSM en février, portant à cinq le nombre d’alternatives à la nouvelle formule du Levothyrox – avec les gouttes pour enfants L-Thyroxine Serb et l’équivalent de l’ancienne formule acheminé par Merck KGaA, l’Euthyrox. Le laboratoire allemand avait importé 198 000 boîtes d’Euthyrox début octobre – celles qui avaient suscité la polémique sur leur répartition. Le groupe va accepter une seconde fois d’en acheminer pour décembre, à raison de 215 000 boîtes, tout en prévenant que c’est uniquement en quantité limitée. L’industriel semble craindre d’être condamné à faire plaisir aux pouvoirs publics en pérennisant ces livraisons d’ancienne formule. « Il faut être clair : c’est qu’on ne va pas éternellement réimporter », prévient le directeur général de la filiale pharmaceutique française de Merck KGaA, Thierry Hulot, lors d’un petit déjeuner avec des journalistes mi-décembre.

Extrait du livre de Claude Pigement, "Levothyrox : une scandaleuse négligence", publié aux éditions de L’Archipel

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