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Les limites de la stratégie Juppé face aux roueries sarkozystes
©Reuters

Lendemains difficiles

Alain Juppé et Nicolas Sarkozy devraient se rencontrer ce mercredi 3 décembre pour discuter de la proposition du nouveau président de l'UMP de créer un comité d'anciens Premiers ministres au sein du parti. Le maire de Bordeaux ayant déjà prévenu qu'il refuserait d'intégrer un "comité naphtaline".

Jean Garrigues

Jean Garrigues

Jean Garrigues est historien, spécialiste d'histoire politique.

Il est professeur d'histoire contemporaine à l' Université d'Orléans et à Sciences Po Paris.

Il est l'auteur de plusieurs ouvrages comme Histoire du Parlement de 1789 à nos jours (Armand Colin, 2007), La France de la Ve République 1958-2008  (Armand Colin, 2008) et Les hommes providentiels : histoire d’une fascination française (Seuil, 2012). Son dernier livre, Le monde selon Clemenceau est paru en 2014 aux éditions Tallandier. 

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Atlantico: Après avoir été élu à la tête de l'UMP, Nicolas Sarkozy a proposé la création d'un comité d'anciens Premiers ministres pour l'épauler. Alain Juppé a pour sa part estimé qu'il s'agissait d'un "comité naphtaline". Quels sont les risques pour le Maire de Bordeaux à refuser de participer à la direction de l'UMP ?

Jean Garrigues : Le risque pour Alain Juppé est d'apparaître comme un diviseur, comme quelqu'un qui refuse de jouer le jeu. Néanmoins, dans la mesure où il n'est pas le seul à refuser cette proposition le risque est moindre. Si cette proposition ne rencontre pas l'assentiment des anciens Premiers ministres, elle apparaitra comme un piège (ce qu'elle est). En acceptant, Alain Juppé accepterait ce marquage du passé qui est induit par la proposition de Nicolas Sarkozy. Il apparaitrait comme un homme du passé, dans une position qui le subordonne à l'ancien président de la République mais également comme un homme qui n'est pas à la hauteur de la compétition pour les futures primaires à droite.

Quels sont les écueils à éviter pour le maire de Bordeaux dans l'optique de 2017 et plus particulièrement maintenant que Nicolas Sarkozy se trouve à la tête du parti ?

Les pièges sont évidemment nombreux. L'un des pièges essentiels, serait de se couper de la base militante de l'UMP alors que cette réalité s'est prononcée à 64% pour Nicolas Sarkozy. Mais seuls 58 % des militants ont participé à cette élection, donc en valeur absolu, Nicolas Sarkozy n'est pas majoritaire. Le défis pour Alain Juppé est de rester proche des militants qui ne se sont pas prononcés pour l'ancien président de la République. Beaucoup d'entre eux se reconnaissent déjà en Bruno Le maire qui incarne le renouveau, la jeunesse. L'espace des non-sarkosystes est un espace politique compliqué car il est occupé par Bruno Le maire et plus largement par Hervé Mariton et Xavier Bertrand pourrait être amené à jouer un rôle. En matière de sécurité et d'identité, Alain Juppé va devoir faire preuve d'habilité car ce sont les thèmes forts du discours sarkozyste.

Un grand rassemblement avec le centre, comme le voudrait Nicolas Sarkozy, lui serait-il favorable ?

Nicolas Sarkozy prône effectivement un grand rassemblement qui reprendrait l'origine de l'UMP. Alain Juppé faisait partie des créateurs de l'UMP, pour autant, il se dirige aujourd'hui plutôt vers une alliance qui n'intègrerait pas le centre. C'est justement parce que les idées du maire de Bordeaux sont proches des centristes que le risque est énorme. Intégrer les centristes, c'est risquer pour Alain Juppé que ses idées se banalisent. Car contrairement à ce que l'on pourrait penser, intégrer les centristes à une grande formation politique ne créerait pas un espace pour une alliance Juppé-Lagarde. Car on sait que les centristes ne pèseraient pas autant que la droite et que la droite de l'UMP ne réagirait pas favorablement à une telle configuration. Il faut qu'Alain Juppé puisse continuer à incarner une forme de droite républicaine, modérée, ouverte, assez progressiste aussi sur le plan sociétal. Cet espace politique est proche du centre et c'est pour cela qu'il doit être seul à l'incarner. Organiquement, cela n'empêche pas que les centristes doivent demeurer ses alliés dans une l'optique de 2017.  

Comment Alain Juppé peut-il s'imposer comme contrepoids alors que Bruno Le maire bénéficie du soutien de 30% des militants ?   

Les choses sont assez claires dans la mesure où Alain Juppé s'est positionné par rapport aux primaires, Bruno Le Maire a semblé promettre de ne pas jouer la compétition des primaires. La légitimité d'Alain Juppé repose sur son expérience de Premier ministre et sur la popularité qui est la sienne aujourd'hui. Sa stratégie doit précisément viser à se différencier de Bruno Le maire. Non pas sur les idées, car cet espace est trop restreint, mais sur son âge. Il doit apparaître comme un recours de sagesse, de pondération, qui reflète la tradition de la droite républicaine alors que Le Maire incarne quant à lui le renouveau. Dans une période de crise, cette image d'expérience, de pondération peut être payante.

Si cette image peut-être payante auprès de l'opinion, l'équation est-elle la même auprès des militants de l'UMP ?

C'est toute la difficulté de la position d'Alain Juppé. Car l'enjeu de l'élection à la présidence de l'UMP était important. Mais comme la victoire de Nicolas Sarkozy n'a pas été  écrasante, l'ambiguïté de l'élection c'est qu'elle a dégagé deux candidats proclamés du renouveau. D'une part, Nicolas Sarkozy qui prétend à une renaissance en politique et Bruno Le Maire qui incarne de manière générationnelle et à travers ses idées, cette image de renouveau. L'aspiration au renouveau étant importante, il faut concilier image de sagesse et nécessité de renouveau.

Propos recueillis par Carole Dieterich 

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