Législatives partielles : les Français dans l'attente d'un grand règlement de comptes électoral<!-- --> | Atlantico.fr
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La victoire du candidat de LFI en Charente sera interprétée comme le désaveu flagrant de la politique gouvernementale.
La victoire du candidat de LFI en Charente sera interprétée comme le désaveu flagrant de la politique gouvernementale.
©Thomas SAMSON / AFP

Affrontement politique

Ces élections législatives partielles ont clairement joué en faveur de l’opposition de gauche.

Luc Rouban

Luc Rouban

Luc Rouban est directeur de recherches au CNRS et travaille au Cevipof depuis 1996 et à Sciences Po depuis 1987.

Il est l'auteur de La fonction publique en débat (Documentation française, 2014), Quel avenir pour la fonction publique ? (Documentation française, 2017), La démocratie représentative est-elle en crise ? (Documentation française, 2018) et Le paradoxe du macronisme (Les Presses de Sciences po, 2018) et La matière noire de la démocratie (Les Presses de Sciences Po, 2019), "Quel avenir pour les maires ?" à la Documentation française (2020). Il a publié en 2022 Les raisons de la défiance aux Presses de Sciences Po. 

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Atlantico : Les électeurs de la 2e circonscription de la Marne, de la 1ère circonscription de Charente et de la 8e circonscription du Pas-de-Calais étaient appelés ce dimanche aux urnes. Quel bilan tirer des résultats de ces élections législatives partielles de dimanche ? Entre la Nupes, le Rassemblement national ou Renaissance, quel parti sort réellement grandi de cette élection ?

Luc Rouban : Il est toujours difficile et délicat de tirer des leçons générales d’élections législatives partielles. Ces dernières débouchent le plus souvent sur des résultats indiquant une opposition à la majorité gouvernementale du moment. Cette « leçon » d’histoire semble s’être à nouveau confirmée puisque sur trois élections, deux ont été emportées par des candidats de la NUPES : dans la 8e circonscription du Pas-de-Calais, Bertrand Petit (apparenté PS - NUPES) l’emporte très clairement avec 66,5% des suffrages exprimés alors qu’il était opposé à Auguste Evrard candidat du RN. Mais il est vrai qu’il était déjà arrivé très largement en tête à l’issue du premier tour avec 46,1% des suffrages exprimés contre 23,9% seulement pour le candidat du RN. Et il est également vrai que Bertrand Petit l’avait déjà emporté facilement au second tour de juin 2022 avec 55,8% des suffrages. Dans la 1ère circonscription de la Charente, en revanche, le duel entre le candidat d’Horizons, Thomas Mesnier et celui de LFI, René Pilato, était très attendu car le premier n’avait devancé le second au premier tour que de 42 voix. Le succès de René Pilato est un coup dur pour Horizons qui jouait gros dans cette élection car on pouvait y voir un choix décisif en faveur ou non de la réforme des retraites lancée par le gouvernement. Édouard Philippe, d’ailleurs, s’était même déplacé à Angoulême pour soutenir son candidat. Les résultats dans la 2ème circonscription de la Marne, en revanche, viennent modérer cette avancée de la gauche puisque Laure Miller devient la 170ème député de Renaissance en battant la candidate du RN, Anne-Sophie Frigout, qui était arrivée en tête à l’issue du premier tour avec 34,8% des suffrages exprimés. Il s’agissait d’un test important pour le RN. Marine Le Pen et Marc Fesneau, le ministre de l’agriculture, étaient venus à Reims soutenir leur candidat respectif. Il semble que l’échec du RN ait été la conséquence d’un barrage républicain puisque le candidat de la NUPES, éliminé au premier tour, avait appelé à voter en faveur de Laure Miller.

Si l’on doit donc faire un bilan rapide de ces trois élections, on peut dire qu’elles jouent clairement en faveur de l’opposition de gauche. Si le RN a perdu la bataille de la Marne, il faut néanmoins rappeler que sa candidate a progressé entre le premier tour de 2022 et le premier tour de janvier 2023 de 12,8 points, ce qui confirme une caractéristique du RN à savoir celle de progresser sans pouvoir franchir pour les seconds tours le plafond de verre que lui oppose l’union de ses adversaires.

Les conséquences de ce vote vont-elles avoir une influence au sein de l’Assemblée nationale alors que les débats vont débuter ce lundi sur la réforme des retraites ?

Il est vraisemblable que la NUPES va se sentir galvanisée et verra dans ces résultats la confirmation d’une large adhésion populaire à son opposition et même le fait que l’opinion soutient bien plus l’opposition de gauche sur les questions sociales que l’opposition offerte par le RN. Mais on sera alors davantage dans la construction d’un récit politique que dans une projection rationnelle puisque les élections législatives partielles ne s’insèrent pas dans le cadre d’un débat national et s’inscrivent dans des enjeux très territorialisés avec des électorats aux sociologies bien différenciées. En d’autres termes, il faut rester prudent même si, globalement, le signal envoyé est celui d’une opposition à la réforme des retraites. À  ce titre, la victoire du candidat de LFI en Charente sera interprétée comme le désaveu flagrant de la politique gouvernementale.

La stratégie et la communication du gouvernement sur la réforme des retraites ont-elles eu une influence ou de lourdes conséquences au regard des résultats de ces élections législatives partielles ?

Il est certain que la communication du gouvernement a eu pour effet de montrer que les amendements éventuels à la réforme des retraites ne pourraient être acceptés qu’à la périphérie du dispositif. Élisabeth Borne vient de rappeler clairement que le recul de la limite d’âge à 64 ans ne pourrait être en aucun cas l’objet d’une négociation. Le climat est donc clairement à l’affrontement d’autant plus que toutes les enquêtes montrent que les deux tiers des enquêtés mais plus de 80% des enquêtés actifs sont opposés à cette réforme. Il faut également tenir compte du fait que si la posture du gouvernement est intransigeante, les forces politiques qu’il entend mobiliser semblent s’effriter puisque plusieurs députés LR ont des état d’âme et cherchent à raccrocher désespérément le libéralisme économique de leur parti à de nouvelles préoccupations sociales, que François Bayrou vient d’indiquer sur France Inter dimanche 29 janvier que si cette réforme était indispensable pour des raisons économiques et morales il fallait encore prendre en considération la réalité du rapport au travail et de la mobilité sociale en France et que même certains députés Renaissance commencent à hésiter. Au total, ces signes de faiblesses associés à une communication très ferme ne peuvent qu’encourager les oppositions.

Quels sont les principaux enseignements de ces élections sur l’état démocratique du pays alors que le climat social est dominé par la mobilisation contre la réforme des retraites et que la perspective d’un référendum ou d’une dissolution de l’Assemblée séduit certains citoyens ?

Il faut tout d’abord rappeler que ces trois élections législatives partielles ont été marquées par un très fort taux d’abstention : au premier tour, 71% en Charente, 76% dans la Marne, 70% dans le Pas-de-Calais. Même si l’on peut s’attendre à une légère progression de la participation pour le second tour, et sans que l’on ait pour l’instant les chiffres officiels, on peut penser que l’abstention a été également massive. Ceci n’est pas un détail car, même s’il s’agit d’élections partielles, on voit que la mobilisation électorale est vraiment très faible, ce qui peut témoigner de plusieurs réactions. Soit une indifférence politique liée à une forme de résignation devant une réforme rejetée par l’opinion mais qui sera votée à l’Assemblée nationale d’une manière ou d’une autre, par voie législative ordinaire ou par le 49.3, soit l’attente d’un recul du gouvernement devant un blocage du pays par des grèves reconduites, notamment dans les transports ou les raffineries, soit encore la perspective sinon d’un référendum, du moins d’une éventuelle dissolution suite à un échec à l’Assemblée nationale qui serait dramatique pour le gouvernement. De toute évidence, la force des tensions sociales actuelles crée l’attente d’un grand règlement de compteS électoral dont on ne sait pas encore qui sera le gagnant.

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