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Les infirmiers hommes mieux payés que leurs collègues féminines : la statistique qui en disait très long sur les inégalités salariales entre les sexes
©Reuters

Ça date pas d’hier

Entre un cadre infirmier et un cadre infirmière, les inégalités de salaires peuvent aller jusqu'à 30%. Ce sont pourtant les mêmes services et compétences qui sont fournis pare les deux sexes. Une réalité qui s'explique par la permanence de notre fond culturel gréco-latin, qui entre lui-même en contradiction avec notre héritage celtique.

Xavier  Camby

Xavier Camby

Xavier Camby est l’auteur de 48 clés pour un management durable - Bien-être et performance, publié aux éditions Yves Briend Ed. Il dirige à Genève la société Essentiel Management qui intervient en Belgique, en France, au Québec et en Suisse. Il anime également le site Essentiel Management .

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Atlantico : Si les femmes souffrent déjà de discrimination dans les emplois qualifiés où elles sont en minorité, la tendance s'applique également pour des emplois moins qualifiés où elles sont pourtant majoritaires (comme dans le domaine médico-social par exemple). Qu'est-ce que cette inégalité homme-femme y compris dans les métiers dits "féminins" révèle des mécanismes discriminatoires sur le salaire entre les deux sexes ?

Xavier Camby : Il me semble très important d'éclairer le contexte culturel particulier de notre civilisation occidentale. Les celtes, dont nous descendons en grande majorité, vivaient une réalité qui faisait alors horreur aux méditerranéens (grecs, romains, étrusques...). Ils avaient inventé l'égalité de l'homme et de la femme. Plus encore, certaines de leurs femmes pouvaient exercer seules la magistrature souveraine qu'est le commandement et le gouvernement d'une tribu. La célèbre "princesse" de Vix en France en atteste, pareillement à d'autres découvertes archéologiques plus récentes dans le sud de l'Allemagne.

Nous avons donc un double héritage, hélas antagoniste. D'un côté, nous sommes porteur d'une tradition inconsciente et très ancrée d'égalité native entre les deux sexes. Par exemple le libre choix d'un nom matrimonial ou patriarcal, dans les cultures d'origines portugaises, espagnoles et françaises... constitue un marqueur ethnographique important, qui atteste de cette traditionnelle égalité. De l'autre côté, nous sommes tous baignés dès l'enfance d'un patriarcalisme archaïque, hérité des pratiques sexistes des grecs et des romains, réimplanté notamment par l'institution juridique d'un code napoléonien machiste, dès après la révolution française.

Les 19ème et 20ème siècles généralisèrent ensuite une ségrégation qui n'existait guère auparavant : entre filles et garçons, l'école devenue obligatoire servit aussi à les orienter vers des silos professionnels pré-programmés ; dans le couple, la loi donnant le droit de vote aux seuls maris (ni au couple, en tant qu'entité juridique, ni à la femme, en tant que personne...)... Une compréhension erronée de l'héritage judéo-chrétien, pendant la même période, a renforcé ces dysfonctionnements.

Nous ressentons tous très profondément l'injustice de cette réalité qu'est la discrimination au travail entre l'homme et la femme. Mais hélas nous portons aussi de profondes croyances qui la renforcent. Ces croyances fondent le mécanisme discriminatoire, le plus souvent inconscient. Si on ne peut nier que nos différences physiques et psychologiques orientent nos sensibilités, nos préférences et donc nos choix, il importe d'affirmer qu'il n'existe pas de métiers masculins ou féminins par nature.

Quelles sont les qualités que l'on trouvera systématiquement chez un homme pour le payer plus (même quand elles sont inutiles), dont on reprochera l'absence à une femme ?

C'est bien dans l'ordre de nos croyances inconscientes qu'on trouvera les prétextes injustes et les extrapolations manipulatrices qui engendrent le mécanisme discriminatoire. A titre d'exemple, il y a habituellement 4 fois plus de managers hommes que de managers femmes dans nos entreprises. Sans-doute croit-on que l'homme sait mieux manager des collaborateurs ? Cependant, dans les faits, s'ils sont mal formés (et c'est hélas 80 % des managers de nos organisations), managers masculins et managers féminins dysfonctionnent tout autant, même si très différemment, avec cependant les mêmes dangereuses conséquences.

C'est très paradoxal, mais les pires d'entres-eux sont souvent des femmes qui, pour s'imposer et diriger, singent -inconsciemment mais réellement- les comportements masculins. C'est donc alors un double dysfonctionnement, contre-nature, qui crée une très contagieuse détresse psychique.

Des croyances infondées existent aussi dans l'autre sens : par exemple, les hommes seraient mono-tâches et les femmes, multitâches. C'est idiot et complètement infondé. Nous sommes tous parfaitement mono-tâches (faire une seule chose à la fois, pour la faire bien). Mais il semble assez vrai qu'une femme peut montrer une meilleure flexibilité mentale, une plus grande agilité.

J'ignore quelles qualités on peut bien vouloir attribuer à un homme pour essayer de justifier un salaire injuste, mais je sais que les femmes portent généralement une merveilleuse qualité, plus affirmée chez elles que chez les hommes, qui oriente souvent très heureusement leurs choix professionnels et détermine leurs réussites : elles sont bien davantage altruistes et bien plus naturellement portées à la bienveillance ! De même, elles peuvent montrer plus de pragmatisme et davantage de bon sens.

Dans tous les métiers, la logique initiale pour moins payer une femme peut avoir un fond rationnel (risque d'absence pour grossesse, investissement familial réduisant la flexibilité horaire, éventuellement mobilité pour suivre un conjoint...). A quel moment - et pourquoi - passe-t-on de ces logiques cyniques mais pas totalement absurdes, à la discrimination systématique et sans fondement ?

Je constate de plus en plus souvent qu'une pseudo-rationalité ou une fausse logique servent à justifier l'injustifiable. Tout salaire est créé par la génération d'une valeur ajoutée économique et sociale utile. A même création de valeur, même salaire ! Sans création de valeur, pas de salaire. Le reste n'est qu'enfantillages, mesquineries ou idéologies mensongères.

La réalité des faits permet seule ce retour au réel qui éradique nos croyances.

Mais la discrimination sexiste au travail n'est pas seulement salariale !

  1. La majorité du monde occidental développé subit cette logique. Comment rompre le cercle ? Si cela doit passer par les femmes elles-mêmes... pourquoi n'est-ce pas encore le cas ? Y a-t-il finalement une acceptation tacite derrière une indignation de façade ?

Nous sommes tous uniques et différents. Actuellement 7 milliards d'êtres humains authentiquement différents. La première de nos différences est aussi la toute première de nos complémentarités : deux sexes interdépendants.

Je sais pour moi-même que je peux créer un peu, même isolé sur mon île déserte. Mais c'est un fait d'expérience essentielle : c'est toujours la rencontre de 2 différences ou de divergences qui permet de créer beaucoup et d'inventer toujours plus.

L'altérité sexuelle est donc une incroyable richesse, source potentielle d'infiniment d'autres. Pour lutter contre toute discrimination, au travail comme ailleurs, il importe que des hommes s'investissent et qu'avec des femmes, ils militent ensemble pour les vraies avantages de la diversité, de la différence et de la complémentarité de leurs talents.

Ainsi donc, Mesdames, pour vous-même et pour le bonheur de tous, je vous en prie, soyez bien telles que vous êtes réellement.

Comme bien d'autres, je milite activement pour qu'il y ait davantage de femmes, de vraies femmes avec toute la riche valeur de leur pleine féminité, dans les comités de direction comme dans les équipes dirigeantes.

Elles peuvent y apporter beaucoup -sauf à vouloir imiter les hommes- et y jouer harmonieusement de leurs talents uniques pour développer très positivement ceux de leurs collègues masculins.

J'ai la joie de connaître aussi des femmes dirigeantes, des femmes comme il y a peu d'hommes. Elles président à des réussites exceptionnelles et admirables, où leur altruisme bienveillant catalyse l'altérité créatrice de richesses.

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