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Les hommes préhistoriques parlaient-ils basque ?
©AFP

Bonnes feuilles

Tout ou presque semble avoir été découvert en science. Pourtant, à bien y regarder, elle fourmille de propositions insolubles - à ce jour - mais vraies, d'énigmes millénaires et de casse-tête pas toujours aussi saugrenus qu'on pourrait l'imaginer... Extrait de "Insoluble mais vrai !" de David Louapre, publié chez Flammarion. 1/2

David  Louapre

David Louapre

David Louapre est chercheur en physique et vulgarisateur scientifique.

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Une langue isolée

Le basque, que ses locuteurs appellent euskara, est parlé par environ 700 000 personnes , soit un gros quart du peuple basque, réparties entre l’Espagne et la France. C’est ce qu’on appelle une langue isolée : on ne lui connaît ni relation ni proximité avec aucune des autres langues parlées dans le monde. Le basque est composé de cinq dialectes et possède quelques structures grammaticales bien spécifiques. Par exemple, les verbes peuvent avoir une conjugaison pluripersonnelle, c’est-à-dire qu’ils ne s’accordent pas seulement en fonction du sujet, comme c’est le cas en français, mais aussi en fonction des compléments d’objet. Par exemple, pour dire « J’ai mangé la pomme », on dit « Sagarra jan dut » (Sagarra, « la pomme » ; Jan, « mangé » ; Dut, « j’ai »). Mais pour dire « J’ai mangé les pommes », on dit « Sagarrak jan ditut » : le verbe « dut » a été changé en « ditut » du fait du pluriel du complé- ment d’objet direct. Le basque est également une langue dite ergative, dans lequel l’accord du sujet diffère entre les verbes transitifs et les verbes intransitifs, c’est-à-dire qu’en basque, on utilisera le pronom « ni » ou « nik » pour dire « je » selon le type du verbe. On pourra dire « Nik sagarra jan dut » pour « J’ai mangé la pomme » mais « Ni handia naiz » pour « Je suis grand ». Peu de langues partagent ces caractéristiques inhabituelles ; on peut citer le géorgien, certaines langues mayas, le ganda – parlé en Ouganda – et certaines langues amérindiennes. Mais aucune relation de proximité n’a pu être démontrée entre ces langues et le basque…

Les hommes préhistoriques parlaient-ils basque ?

L’histoire de l’étude du basque est émaillée de nombreuses controverses concernant son origine. Un linguiste a prétendu démontrer sa relation au dogon, parlé au Mali, mais n’a pas été suivi par les autres spécialistes. Dès le I er siècle avant notre ère, le Grec Strabon, dans sa Géographie, avait proposé que la langue basque soit apparentée à l’ibère, une langue aujourd’hui disparue, mais qui était encore parlée à l’époque dans la péninsule. Comment espérer élucider le mystère de l’origine du basque sans se poser la question plus vaste de l’origine du peuple basque et l’étudier sur le plan historique ? On sait que l’histoire des peuples européens a été forgée par les vagues successives de migrations, en particulier celles qui ont accompagné la diffusion de l’agriculture, et le passage d’un mode de vie de chasseurscueilleurs à une organisation sédentaire. L’hypothèse dite « native » concernant l’origine des basques considère qu’ils seraient antérieurs à l’arrivée de l’agriculture dans la région. La langue basque trouverait alors son origine dans la période paléolithique. Certains auteurs ont même été plus loin, en proposant qu’avant l’arrivée de l’indo-européen, partout en Europe, on parlait une proto-langue basque. Le linguiste Theo Vennemann ira jusqu’à écrire : « Il n’est pas exagéré de dire que tous les Européens sont basques. » Une théorie contestée aujourd’hui par la plupart des spécialistes du sujet.

La génétique vient à notre aide

Tendance récente, les méthodes génétiques aident aujourd’hui les linguistes à élucider les origines des langues et des peuples qui les parlent. Concernant les basques, la génétique a été très éclairante. On sait par exemple qu’ils possèdent dans leur population une part inhabituellement élevée de groupe sanguin O, supérieure à 50 %, et presque pas de groupe B. Cette situation n’est pas unique, on la retrouve dans plusieurs groupes étant restés relativement isolés des migrations pendant de longues périodes : les Islandais, les Aborigènes d’Australie ou encore certaines tribus amérindiennes. Souvenez-vous, le basque possède plusieurs similarités grammaticales avec un autre langage européen : le géorgien. Pour les linguistes, ces similarités ne sont en général pas considérées comme suffisamment probantes pour conclure à une origine commune. Bien vu, puisque cette hypothèse a pu définitivement être écartée grâce à des analyses génétiques. Les Basques et les Géorgiens sont trop éloignés génétiquement pour qu’ils puissent disposer d’ancêtres communs suffisamment récents ayant disséminé une proto-langue commune. Exit le géorgien… En 2015, une nouvelle étude a permis d’en apprendre un peu plus sur l’origine des Basques (figure 3). L’analyse ADN de huit squelettes, ayant appartenu à des fermiers de la région vivant il y a environ 4 500 ans, a conclu qu’ils étaient génétiquement proches des Basques actuels. Le scénario aurait été le suivant : des émigrants fermiers seraient venus dans la région se mêler aux chasseurs-cueilleurs qui vivaient sur place, formant les premiers ancêtres du peuple basque. Ces populations au sang-mêlé seraient ensuite restées relativement isolées des autres Européens du fait de la géographie du lieu, préservant à la fois leur langue mais aussi certaines de ses caractéristiques génétiques.

Au fur et à mesure des développements des méthodes de caractérisation génétique, il est probable que la linguistique fasse de plus en plus usage de ces techniques pour aider à la reconstitution de l’évolution des langues dans le passé. Et peut-être qu’un jour, les Basques connaîtront enfin la vérité sur leurs ancêtres…

Extrait de "Insoluble mais vrai !" de David Louapre, publié chez Flammarion

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