Les galaxies elliptiques plus habitables que celles en spirale : "notre" Voie Lactée loin d’être l’endroit de l’univers le plus favorable à la vie<!-- --> | Atlantico.fr
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Les chercheurs lancent une nouvelle piste pour répondre à la question du vivant dans l'univers.
Les chercheurs lancent une nouvelle piste pour répondre à la question du vivant dans l'univers.
©Courtesy of CalTech

Le meilleur des mondes

Les recherches en astrophysique connaissent un développement sans précédent avec le développement des instruments d'études de l'univers : alors que nous sommes désormais en mesure de dater sa naissance, en sommes-nous les seuls organismes vivants ?

Olivier Sanguy

Olivier Sanguy

Olivier Sanguy est spécialiste de l’astronautique et rédacteur en chef du site d’actualités spatiales de la Cité de l’espace à Toulouse.

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Atlantico : Les chercheurs lancent une nouvelle piste pour répondre à la question du vivant dans l'univers: les galaxies de formes elliptiques seraient plus aptes à réunir les conditions favorables au vivant que les galaxies en spirale comme la voie lactée: qu'est ce qui leur permet de l'affirmer ?

Olivier Sanguy : Il s’agit d’une étude d’une équipe de scientifiques du Royaume-Uni qui s’est basée notamment sur le Sloan Digital Sky Survey, une cartographie du ciel et donc de certaines galaxies avec leur propriétés spectrales (analyse de la lumière). Ils ont ainsi remarqué que les galaxies dites elliptiques, qui sont généralement très vastes et de forme elliptique (d’où leur nom), ont plus de chances d’avoir d’avoir des planètes favorables au vivant pour des raisons de probabilité. En effet, par leur nature, ces galaxies exhibent une plus forte proportion d’éléments lourds (carbone, oxygène, métaux), indispensables à la vie. De plus, il y a moins de supernovas dans ces galaxies et ces étoiles qui explosent peuvent irradier les système stellaires autour d’elles et ainsi y détruire une éventuelle vie. Enfin, et c’est l’argument le plus simple, ces galaxies elliptiques sont géantes et contiennent donc plus d’étoiles, donc plus de possibilités de systèmes planétaires dont certains sont peut-être favorables à l’émergence du vivant. C’est un peu comme la personne qui joue 10 grilles de loto au lieu d’une. Pour résumer, plus étoiles dans un environnement jugé globalement plus favorable. Les scientifiques estiment que de telles galaxies contiendraient 10 000 fois plus de planètes habitables que notre propre galaxie, la Voie Lactée.

D'après les connaissances dont nous disposons aujourd'hui, qu'est ce qui explique alors la réussite de la vie sur Terre? Et pourrait-on la qualifier d'erreur historique?

On sait que pour que la vie apparaisse sur une planète, il faut un ensemble de conditions comme la présence des briques de base chimiques du vivant (à base de carbone), de l’eau sous forme liquide, une atmosphère et un champ magnétique qui protègent des radiations, etc. Même si c’est une recette très centrée sur notre cas, on sait qu’elle a marché donc on la prend comme base de réflexion. La planète doit donc notamment être ni trop près ni trop loin de son étoile. Trop près il fait trop chaud, trop loin il fait trop froid. Mais il faut aussi du temps. Plus exactement une stabilité des conditions sur une période longue, des dizaines à des centaines de millions d’années, pour que les mécanismes d’apparition du vivant aient le temps d’agir. Il faut un système planétaire stable où les mondes ne changent pas d’orbite, ou du moins restent sur leur orbite suffisamment longtemps. Dans notre propre système solaire, on a démontré qu’il y avait eu migration de orbites des planètes, mais fort heureusement tout a fini par se stabiliser sur une période suffisamment longue pour que la vie se développe sur Terre. Des planétologues avancent même que la présence d’une lune est fortement souhaitable puisqu’elle stabilise certains paramètres orbitaux. C’est ainsi le cas pour notre planète et sa lune. Cet ensemble de conditions fait que la communauté scientifique est divisée sur la possibilité d’une vie en dehors de notre planète. Certains, tenants de l’hypothèse dite de la Terre rare (Rare Earth en anglais) avancent que les conditions à réunir sont contraignantes au point que seule notre planète a eu les chances de les avoir. D’autres font remarquer que les éléments pour la vie sont présents ailleurs et qu’il y a tellement de systèmes planétaires qu’il est du coup peu probable que nous soyons le seul ayant réuni les conditions. Comme je le dis souvent, on peut comparer cette interrogation sur la vie dans l’Univers à l’EuroMillions où les chances de gagner sont très faibles (1 sur 116 millions environ). Je joue et je ne gagne pas donc je pourrais dire qu’il est impossible de gagner ! Pourtant, il y a bien des gagnants, alors comment concilier ces deux faits ? La réponse est que chaque semaine beaucoup de gens jouent, donc il finit par y en avoir un ou plusieurs qui ont rempli la bonne grille. Au niveau de la vie dans l’Univers, on peut estimer qu’obtenir la bonne grille est peu probable, mais l’Univers joue aussi un nombre de fois énorme ! Songez que notre seule galaxie compte 100 à 200 milliards d’étoiles et qu’on estime qu’il y a environ 100 milliards de galaxies dans ce qu’on peut observer ! N’est-il pas alors présomptueux de penser que nous sommes les seuls à avoir bénéficié des conditions idéales ?

Les instruments dont nous disposons aujourd'hui nous permettent-ils d'analyser et d'interpréter suffisamment de traces pour lancer des hypothèses précises quant à l'existence de la vie ailleurs que sur Terre?

Des pistes sérieuses oui. Mais ce secteur de la science avance très vite. Les télescopes au sol ou spatiaux ont déjà montré la présence des éléments chimiques de base pour le vivant ailleurs que dans notre système solaire. De l’eau, des éléments lourds et de la chimie au carbone ont ainsi été détectés dans les nuages de gaz interstellaires à partir desquels naissent les étoiles et leur cortège de planètes. On ne cesse de découvrir des planètes autour d’autres soleils et certaines sont dans ce qu’on appelle la zone habitable, soit la bonne distance pour que l’eau existe à la surface du monde, etc. Mais arrêtons-nous sur ce dernier point. On détecte donc, sans les voir directement, des mondes bien placés autour de leur étoile mais la limite des instruments ne nous permet pas encore d’analyser à distance par spectroscopie l’atmosphère de ces planètes dites exoplanètes avec suffisamment de précision pour trancher ne serait-ce que la question de l’habitabilité. Habitabilité : pas la question de savoir si c’est habité. La notion d’habitabilité concerne le fait de déterminer si un monde possède ou a possédé les conditions favorables à l’émergence du vivant. Ce qui ne veut pas dire que ça a marché ! Un exemple concret ? Le rover Curiosity sur Mars a démontré par ses mesures que la planète rouge avait été autrefois, voici plus de 3 milliards d’années, habitable ! Cela signifie que Mars réunissait les conditions pour que la vie s’y développe. Mais on ne peut pas encore savoir si tel a été le cas. Toutefois, avec des télescopes plus puissants, on peut espérer dans le futur analyser par spectroscopie (décomposition de la lumière) l’atmosphère de certaines exoplanètes et y trouver ce qu’on appelle des biomarqueurs, des molécules dont la présence constituent de sérieux indices en faveur de la vie comme le méthane, le dioxyde carbone ou pourquoi pas carrément la chlorophylle, typique du règne végétal. Dans notre système solaire, la NASA envisage une future mission avec un rover afin de chercher des traces de vie microbienne passée sur Mars. L’agence Spatiale Européenne, avec sa mission ExoMars en 2018, veut envoyer un rover capable de forer à plusieurs mètres sous la surface pour analyser le sous-sol et vérifier si des niches microbiennes pourraient exister. D’autres projets de sondes vers les lunes des planètes géantes permettront de vérifier si certaines de ces lunes sont habitables puisqu’on pense qu’elles ont, sous une couche de glace, un ou des océans. Plus on trouvera dans notre système solaire des endroits habitables, même s’ils sont non-habités, et des exoplanètes bien placées, plus on pourra estimer que la Terre n’est plus une exception. Certains scientifiques avancent même que la question de la vie ailleurs que sur Terre pourrait être tranchée d’ici 10 ou 20 ans.

Au-delà de la curiosité naturelle, quelles sont les raisons qui incitent les chercheurs à partir en quête des espaces habitables et habités? 

Tout d’abord, la curiosité naturelle est à elle seule une raison suffisante. C’est cette pulsion qui fait qu’aujourd’hui nous comprenons mieux l’Univers qui nous entoure et que nous bénéficions de progrès scientifiques et technologiques tellement intégrés à notre vie qu’on les oublie. Si on pouvait d’un coup de baguette magique, qui serait maléfique en fait, faire disparaitre tout ce qui a été possible grâce à cette curiosité naturelle, j’ail le sentiment que nous reviendrions à l’époque de nos ancêtres grands singes ! De plus, au cœur de cette recherche, on retrouve des interrogations essentielles comme notre propre origine et cette interrogation ultime face à l’immensité de l’Univers : sommes-nous seuls ? Nous pensions auparavant être les habitants du seul monde et que tout le reste tournait autour de nous. Littéralement, nous étions au centre de la création du Cosmos… Puis nous avons admis que nous tournions autour du Soleil et qu’il existait d’autres mondes. C’était la révolution copernicienne et elle a bouleversé notre civilisation. Ensuite, il a été évident que le Soleil n’était pas au centre et que les étoiles étaient d’autres soleils avec leur cortège de planètes ! Notre galaxie n’est pas particulière, ni située à un endroit privilégiée de l’Univers. La prochaine étape pourrait bien être celle de constater que nous ne vivons pas sur la seule planète dotée de la potentialité du vivant, puis peut-être aussi d’acquérir la conviction, voire la preuve, que la vie s’est développée ailleurs. Notre curiosité, par la voie de l’astronomie au sens large, nous aura alors apporté une leçon d’humilité de plus.

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