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Les femmes n’ont pas toujours vécu plus vieilles que les hommes
©Reuters

Vieux os

Aujourd'hui, dans la majorité des pays, les femmes vivent plus longtemps que les hommes, ce qui n'était pas forcément le cas avant. L’écart d’espérance de vie entre les sexes s’est creusé au XIXe siècle dans les pays développés. Les facteurs tels que le tabagisme et le stress de la vie professionnelle arrivent en tête de liste, mais d'autres paramètres tels que la différence d'alimentation, de mode de vie, de génétique ou de corpus sociologique interviennent.

Serge Guérin

Serge Guérin

Serge Guérin est professeur au Groupe INSEEC, où il dirige le MSc Directeur des établissements de santé. Il est l’auteur d'une vingtaine d'ouvrages dont La nouvelle société des seniors (Michalon 2011), La solidarité ça existe... et en plus ça rapporte ! (Michalon, 2013) et Silver Génération. 10 idées fausses à combattre sur les seniors (Michalon, 2015). Il vient de publier La guerre des générations aura-t-elle lieu? (Calmann-Levy, 2017).

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Atlantico : Une étude de l'Organisation Mondiale de la Santé a pu déterminer les changements dans les différences d'espérances de vie entre hommes et femmes entre 1800 et 1935. Au début du 19ème siècle, le ratio de personnes qui mourraient à 60 ans était de 1,2 (120 hommes pour 100 femmes). Un siècle plus tard, il passe à 2,2, avec un pic qui s’opère autour de 1880. Comment l’expliquer ?

Serges Guérin : A partir de l’avènement de la société industrielle au 19ème siècle, les modes de vie ont évolué, et cela explique l’écart de l’espérance de vie entre les hommes et les femmes. Les hommes se sont mis à travailler à l’usine, souvent des travaux très durs physiquement. Ils se sont mis à se retrouver entre hommes, ce qui entraîne des comportements à risque comme le tabagisme ou l’alcoolisme. Avant, la majorité de la population travaillait aux champs, il y avait donc moins d’écart. De plus, il faut compter l’impact des guerres chez les hommes.

Les progrès de la médecine à la fin du 19ème siècle ont eu pour effet de réduire de manière importante la mortalité des femmes en couche. La mortalité infantile s’est énormément réduite aussi, et donc à partir du moment où tous les enfants survivent, on prend soin de tous, alors que dans les sociétés ancestrales, on prennait surtout soin de la vie des garçons. L’exemple de la Chine et de la politique de l’enfant unique montre bien cette priorité donnée aux garçons dans beaucoup de société à la culture un peu rude.

Les chercheurs de l’étude avancent deux facteurs : le tabagisme et les maladies cardiovasculaires, auxquels les hommes seraient plus exposés. Qu’en pensez vous ?

Comme je l’ai indiqué, les hommes ont eu plus tendance à se retrouver entre eux, et à avoir des comportements compétitifs, à jouer de leur prestance social en buvant et fumant, donc le facteur tabac est vraiment important. C’est d’ailleurs toujours la première cause de mortalité aujourd’hui dans les pays développés. Autrefois, il était très mal vu culturellement pour une femme de boire ou fumer, sauf pour les femmes de "mauvaise vie", elles ont donc été préservées de ces facteurs de risques. Génétiquement, les hommes font également plus d'accidents cardiovasculaires.

Les chercheurs avancent d’autres pistes : une différence d’alimentation, du mode de vie, ou encore le stress. Qu’en pensez-vous?

Les femmes sont culturellement plus tournées vers leur foyer. Ne serait-ce que parce qu’elles peuvent porter la vie, les femmes ont sociologiquement plus tendance à prendre soin de leur santé. Ainsi, même si les femmes de la nouvelle génération fument et boivent plus, elles ont quand même tendance à plus surveiller leur alimentation, leur environnement et leur mode de vie.

Alors qu’aujourd’hui les femmes fument autant voire plus que les hommes, et que la majorité d’entre elles sont désormais aussi exposées à un stress professionnel, peut-on imaginer une rencontre voire une inversion des courbes ?

J’ai tendance à dire à mes étudiants qu’à moyen terme, dans environ deux générations, les courbes d’espérance de vie entre hommes et femmes risquent de se rencontrer. Les femmes de la nouvelle génération fument autant voire plus que les hommes effectivement. La prévention en la matière est insuffisante, et a eu tendance à cibler les hommes, et non pas les femmes. Ainsi, alors qu’on assiste à une baisse du tabagisme chez les CSP+, les catégories sociales plus modestes ainsi que les femmes ne sont pas vraiment visés par les campagnes de prévention, qui, depuis 1974, jouent mal leur rôle avec un aspect très moralisateur, donc ratent leur cible. 

On sait aussi qu’à tabagisme égal et consommation d’alcool égale, les femmes développent plus de maladies, sont plus sensibles aux effets néfastes. Elles ne réagissent pas physiquement de la même manière.

Il y a-t-il une part de génétique, qui ferait que les femmes vivent plus longtemps, quelques soient les autres facteurs ?

Il y a sans doute également des paramètres génétiques ou hormonaux : hommes et femmes sont de toute façon très différents dans leur métabolisme. C’est un peu tiré par les cheveux de parler de “sexe faible” en parlant des femmes :elles semblent plus résistantes et endurantes face à la maladie, sans doute car elles ont plus de volonté et de force vitale, certainement lié à un inconscient social qui leur sous-entend de rester en vie le plus longtemps possible pour prendre soin de leurs enfants et de leurs parents. C’est intégré sociologiquement dans un corpus culturel.

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