Les chiffres qu’on cache et qui prouvent que la France est le pays de l’Union européenne le plus socialisé<!-- --> | Atlantico.fr
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Assemblée nationale.
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©JOEL SAGET / AFP

Economie de la France

Tout s’explique. Selon Eurostat, la France est le pays de l’Union européenne où la part des dépenses publiques par rapport au PIB est la plus importante : 59,2%. Mais la France fait aussi partie des pays européens les plus endettés. On est donc très socialistes, mais soumis à nos banquiers.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Aucune raison de cacher les chiffres qui fâchent sous prétexte qu’ils seraient compliqués à expliquer. Ils sont très simples et violents. 

La France est aujourd‘hui le pays membre de l’Union européenne où les dépenses publiques sont les plus lourdes : près de 60 % (59,2 % en 2022), mais c’est aussi l’un des cinq pays les plus endettés, plus de 110% du PIB… 

Ces deux seuls chiffres montrent à quel point dans la conjoncture actuelle, l’économie française est fragile et sans doute incapable d’assumer les réformes qui lui seraient nécessaires. 

Ces deux chiffres signifient deux choses. 

La première, c’est que nous sommes devenus un pays où la culture de l’économie de marché, c’est-à-dire de l’économie privée, de la concurrence - sans doute le meilleur facteur de progrès, sont en train de disparaitre. Pour une raison très simple : quand plus de la moitié des richesses créées (le PIB) est englouti dans des dépenses publiques et sociales, les acteurs du système (vous et moi), nous avons plus intérêt à chercher des aides de l’Etat ou des organismes sociaux, obtenir des subventions ou plus généralement des revenus de redistribution qu’à travailler et à créer de la valeur. C’est d’une logique évidente. La plus grande partie de la population n’a aucune raison, aucun intérêt à innover, inventer, fabriquer, travailler et vendre. Marx avait très bien expliqué cette évidence. Il faut créer de la valeur et la réaliser. Les Français ont plus intérêt à se débrouiller avec des aides publiques et sociales. C’est plus rentable et plus efficace. 

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Le résultat de cette situation est qu’on a pris l’habitude de charger l’État du fonctionnement du système. Puisque l’État dépense beaucoup, il fait aussi tout et il est responsable de tout, et d’abord de ce qui ne marche pas : l’école, l’éducation, la santé, la propreté publique, l’ordre, la justice  etc. ... 

Le résultat est que peu d’acteurs économiques prennent des risques, innovent. Nous préfèrerons faire faire aux autres et importer le résultat, d’où d’ailleurs un déficit commercial important. 

On ne produit pas, mais on consomme ce qu’on ne produit. D’où notre dépendance à un certain nombre de fournisseurs. En période normale et pacifique, on ne s’en inquiète pas. En période de crise internationale grave (Covid ou guerre en Ukraine), on panique et on doit accepter l’inflation, qui est une façon de payer notre dépendance aux autres. 

La deuxième chose que ces chiffres bruts mesurent, c’est notre dépendance aux autres. L’inflation, on la ressent évidemment dans notre vie quotidienne, mais notre endettement public de l’État exerce une pression considérable sur nos capacités d’adaptation. Nous sommes - en subissant une dette qui avoisine les 120 % du PIB - sous perfusion des marchés financiers et monétaires. D’un côté, les fonds de pensions ou d’investissement. De l’autre, les taux d’intérêt. Depuis 2021, les taux d’intérêt des emprunts publics sont passés de zéro à 3%. Quand les taux étaient à zéro, c’eut été une grave erreur de ne pas s’endetter, surtout pour protéger des actifs qui de toute façon, se remettraient à produire. Mais s’endetter à un cout qui sera supérieur à la croissance, c’est organiser la mort lente par épuisement des ressources. 

Pour sortir de cette double contrainte. D’un côté, la soumission des dépenses publiques et la soumissions aux marchés, la réforme des retraites ne représentait qu’une des briques du chantier de rénovation

Ce dont le pays aurait besoin et c’est un peu en filigrane des propos d’Emmanuel Macron, c’est évidemment une remise à plat du système pour restaurer la responsabilité individuelle et les initiatives privées. Mais encore fallait-il prévenir et expliquer. 

Remise à plat des dépenses publiques et privées pour en alléger le cout. C’est évidemment indispensable mais ça va être très difficile à faire passer sans un soutien politique sur le projet. Ça passerait d’abord par une réorganisation du management, la fonction publique n’est pas exonérée de faire des gains de productivité, mais ça passerait surtout par l’introduction des méthodes du privé pour augmenter la performance. Ca peut aller de la mise en concurrence des acteurs (dans la santé ou l’éducation, c’est évidemment possible) jusqu’à la privatisation. La France a besoin, comme dans les années 1980, d’une vague de privatisations dans l’industrie, le secteur de l’énergie et les services. 

Remise à plat des endettements publics, notamment tous les endettements qui servent à financer des dépenses de fonctionnement. 

L’Etat a le droit et même le devoir de s’endetter, à condition que ces dettes servent à l’investissement à moyen et long terme. 

La France va avoir des investissements considérables à organiser pour financer la transition digitale, énergétique et environnementale. C’est typiquement les investissements qu’il faut financer par emprunt. 

Or, notre capacité d’emprunt est aujourd’hui fléchée sur les dépenses de fonctionnement (salaires et frais de l’administration.) Donc on a deux solutions 

Ou bien, on s’enfonce dans le déclin.

Ou bien on trouve la capacite d’emprunt là où elle est actuellement, c’est-à-dire dans l’épargne. 

Le paradoxe de l’époque que nous traversons est que l’État est ruiné et la majorité des Français sont blindés d’épargne qu’ils n’utilisent pas.

Les besoins de financement sont énormes et les moyens de financement sont bloqués dans les compte d’épargne disponible, épargne de précaution, épargne liquide... Cette épargne (livret A, compte bancaire, trésorerie des entreprises, et surtout assurance vie) représente près de 3000 milliards d’euros en France, c’est-à-dire l’équivalent de ce que l’Etat a emprunté. C’est d’ailleurs grâce à ce matelas d’épargne de précaution que les marchés acceptent de nous prêter autant d’argent. A un prix encore modeste. 

La tentation est très grande chez certains politiques de mettre la main sur ces pactoles, soit en augmentant la pression fiscale, ce qui serait une bêtise parce que ça ferait fuir les détenteurs de capitaux. Soit en captant par emprunt cette épargne publique. 

Mais pour réussir ce type de transferts, il faut non seulement faire la promesse d’ouvrir un chantier de réformes mais il faut aussi offrir une crédibilité politique que la gouvernance actuelle n’a pas.

Les chiffres qui fâchent :  les dépenses et les dettes. 

  1. Dépenses des administrations publiques dans l'Union européenne en 2021 

  2. Poids de la dette publique dans l’union européenne

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