Les bourses mondiales sont euphoriques, l'économie américaine fonctionne à plein régime, mais l’Europe s’enfonce dans le déclin<!-- --> | Atlantico.fr
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"L’euphorie manifestée par les bourses du monde entier tranche singulièrement avec la lourdeur du climat géopolitique", estime Jean-Marc Sylvestre.
"L’euphorie manifestée par les bourses du monde entier tranche singulièrement avec la lourdeur du climat géopolitique", estime Jean-Marc Sylvestre.
©JOHANNES EISELE / AFP

Atlantico Business

Pour le monde des affaires, la semaine s'ouvre sur l'euphorie des bourses mondiales, l'envolée de l’économie américaine et le déclin de l’Europe. Trois questions auxquelles les démocraties occidentales réagissent très mal.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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La semaine s’est terminée avec trois séries de questions auxquelles les pouvoirs politiques auront  beaucoup de mal à apporter des réponses ou des analyses dans les jours qui viennent, preuve du décalage des pouvoirs politiques par rapport à la réalité économique et sociale.

1e point : L’euphorie manifestée par les bourses du monde entier tranche singulièrement avec la lourdeur du climat géopolitique. Alors que le conflit entre Israël et le Hamas ne trouve ni accalmie ni solution, alors que la guerre en Ukraine durcit encore davantage les rapports entre l'est et l’ouest, les marchés boursiers sont littéralement euphoriques dans le monde entier et notamment à Wall Street et sur toutes les places européennes, à tel point que certains analystes s’inquiètent des risques de bulle financière. Aux États-Unis, le Dow Jones et surtout le S&P 500 ont battu leur record historique (à plus de 5000 points). En Europe, le CAC 40 a touché la barre de 7700. Les bourses asiatiques n’atteignent pas ces niveaux mais ne sont pas déprimées pour autant. En fait, les investisseurs sont assez indifférents aux mouvements de taux d’intérêt ou aux risques inflationnistes (alors que l’inflation est plus élevée en Amérique que prévue en janvier). Ils sont aussi in différents aux risques qui pourraient peser sur la mondialisation. En réalité, les investisseurs sont dopés par les bons résultats des entreprises et les perspectives prometteuses de l'intelligence artificielle. Les géants de la tech américaine ont déjà fait des prouesses puisque malgré une forte capitalisation, elles ont déjà gagné plus de 12% en moyenne, avec des records pour Meta (groupe Facebook) et Nvidia, les spécialistes de l'intelligence artificielle, qui ont gagné 35 et 45% en quelques jours. La valeur de Meta, par exemple, est devenue très emblématique de ce qui va se passer puisqu'elle a gagné plus de 200 milliards de dollars en une journée. Le grand tournant de la semaine dernière, c’est la conviction partagée par tout le monde des affaires que l’intelligence artificielle allait révolutionner l'ensemble des systèmes de production. Le CIO de Alphabet. ( Google) est sorti de son silence dans un entretien au journal Les Échos mais repris dans le monde entier a tenu à rassurer. Pour lui, « l'intelligence artificielle va impacter notre vie avec une ampleur plus importante que la découverte de l’électricité ou de l’internet ». Dans ces conditions, il faudra évidemment réglementer son usage mais rien n'empêchera les gains exceptionnels en productivité que l'IA va générer dans tous les secteurs d’activité. Cette déclaration a déclenché l'euphorie des investisseurs, parce que les gains de l'IA ne profitent pas seulement aux « magnifiques », surnom donné aux Gafam, mais à toutes les entreprises, dans tous les pays. Y compris en Europe où les potentiels de hausse sont encore plus grands qu’aux États-Unis compte tenu du retard pris. Du coup, les capitaux affluent en Europe où les entreprises ont encore des capitalisations inférieures qu’aux États-Unis. Aux États-Unis, on capitalise 30 à 40 fois les bénéfices. En Europe, les entreprises capitalisent deux fois moins.

2e point : Sur le terrain de l'économie réelle en revanche, les évolutions ne sont pas aussi homogènes. L’Amérique caracole en tête avec des taux de croissance entre 3 et 5% par an, un taux de chômage quasi nul, alors que l'activité en Europe est très poussive. L'année 2024 va être véritablement très compliquée pour tout le monde. Les Allemands sont en récession et la France va tomber aux alentours de 0,9% contre une prévision budgétée de 1,4%. Pour Bruno Le Maire, l'annonce ne va pas être facile à faire, surtout qu’il est ministre de l’économie dans un pays déjà endetté et dont la situation politique aura du mal à accepter soit une hausse d’impôts, soit une chirurgie lourde sur les dépenses publiques.

3e point : Ce qui préoccupe les analystes, c’est bien sûr de savoir pourquoi il y a un tel décalage entre la bonne santé américaine et le déclin européen. Cette décorrélation date de la crise financière, la crise Covid et la guerre en Ukraine ont encore accru le différentiel d’évolution entre les États-Unis et l’Europe. En bref, les Américains ont réussi à redevenir très compétitifs et indépendants sur l'énergie alors que l'Europe a payé très cher l'arrêt des approvisionnements en gaz russe et surtout pour la France, les difficultés et les incertitudes sur le nucléaire. Ajoutons à ces facteurs structurels deux phénomènes.

Le premier, c’est la décision du gouvernement américain d'engager un plan d'investissement pour relancer l'industrialisation et la mutation écologique, alors que l'Europe, qui se révèle ambitieuse dans les objectifs, s'avère incapable de dépasser les rivalités nationales pour appliquer une politique commune.

Cela dit, deuxième phénomène ,il existe évidemment des différences culturelles entre l'Amérique et l'Europe. L'Amérique cultive le culte du travail et de l'innovation comme aucun autre pays dans le monde, alors que l'Europe a choisi collectivement de privilégier la protection sociale au détriment du travail et de la responsabilité individuelle. Les Européens paient très cher ces choix par un déclin qui semble inéluctable et qui fait le lit des mouvements populistes et souverainistes. Ces mouvements ne travaillent ni pour le progrès, ni pour l'innovation, ni pour l'unité européenne et, au final, ni pour la paix.

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