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Les Américains s'imaginent de nouvelles années folles (et économiquement flamboyantes) post Covid. L'Europe, elle, pourrait revivre ses propres années 20…
©Joe Scarnici / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / Getty Images via AFP

Années 20

Les économistes de l'université de Californie (UCLA) prédisent que l'économie américaine connaîtra un hiver morose à cause du Covid-19 et un printemps exubérant grâce au vaccin, suivi d'une croissance robuste pendant plusieurs années.

Erwann  Tison

Erwann Tison

Erwann Tison est le directeur des études de l’Institut Sapiens. Macro-économiste de formation et diplômé de la faculté des sciences économiques et de gestion de Strasbourg, il intervient régulièrement dans les médias pour commenter les actualités liées au marché du travail et aux questions de formation. Il dirige les études de l’Institut Sapiens depuis décembre 2017.

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Atlantico : Des chercheurs de l’Université de Californie prévoient pour les Etats-Unis des années 20 flamboyantes (roaring twenties) aussitôt que la campagne de vaccination aura produit ses effets. Cette vision très optimiste est-elle crédible ? Et sur quels indicateurs se basent-elles ?

Erwann Tison : Oui il est tout à fait envisageable d’avoir une croissance forte après la période de récession quasi-inédite que nous venons de vivre. La crise n’ayant pas eu de racines endogènes, il ne faut pas y voir un mouvement naturel du balancier des cycles économiques, mais bien un redémarrage en trombe d’une économie qui aura su évoluer et se transformer sous l’impératif sanitaire. Le Covid aura eu un effet polarisant assez important sur l’économie. Certains secteurs comme l’aviation, le tourisme, la restauration et la culture auront subi de plein fouet la pandémie et l’arrêt brutal de l’activité. Mais de l’autre côté, le secteur digital a connu une explosion folle de son activité, précipitant ses acteurs sur un nouveau plan, leur faisant gagner 5 à 10 ans de croissance et de développement. De nombreuses entreprises se sont appropriées ces outils et ces nouveaux process pour assurer une continuité de leur activité. Or la littérature économique nous enseigne que le digital est un grand pourvoyeur de gains de productivité, qui est l’un des principaux facteurs de la croissance économique. Une récente étude de Gilbert Cette estime que « l’emploi de spécialistes TIC en interne et l’utilisation de big data améliorent la productivité du travail d’environ 23 % et la productivité globale des facteurs d’environ 17 % ». Donc dans le cas où la campagne de vaccination serait efficace et rapide, l’économie pourra alors redémarrer sur les chapeaux de roues, en utilisant ces nouveaux procédés et outils qui assureront un important choc de productivité et donc de croissance.

Il ne faut pas oublier non plus que le Président Biden prépare, avec son administration, un plan de relance budgétaire pharamineux, qui veut soutenir la croissance de la prochaine décennie, tout en transformant profondément l’économie américaine. 

Les économistes s’accordent à dire que si une relance est à prévoir en 2021, l’hiver sera rude. Un hiver bien négocié est-il la condition sine qua non d’une reprise économique ? Se poursuivra-t-elle sans accroc pour toute la décennie ? 

Si 2020 nous a appris une chose, c’est qu’il est très difficile de pouvoir anticiper finement les chocs exogènes. Il serait donc très hasardeux d’affirmer que si reprise il devrait y avoir, elle se ferait sans accroc sur toute une décennie. Il en est de même pour les prévisions réalisées pour les prochains mois. Une reprise stable et durable est totalement conditionnée à la vaccination massive des populations. Sans ce bouclier immunitaire nous resterons à la merci de la circulation alternée du virus, et seront donc potentiellement victimes de nombreuses phases de « stop & go » qui font si mal aux commerçants et entreprises concernées. La meilleure façon de passer c’est de vacciner au plus vite le plus grand nombre de citoyens. En attendant, il faut maintenir les mesures de soutien à notre tissu économique pour qu’il soit à même d’être prêt à redémarrer lorsque la reprise débutera.

Quant à l’Europe, pourrait-elle revivre des années 20 florissantes en termes de croissance ?

C’est là aussi tout à fait envisageable.  « Après la pluie la vient le beau temps » n’est pas qu’un adage économique mais aussi une estimation économique. Lors de nombreuses crises exogènes nous avons connu de puissantes reprises qui ont généré d’importantes périodes de prospérité. Si nous négocions bien la sortie du virage COVID, il n’est donc pas impossible que les 10 prochaines années européennes soient fleurissantes, si l’on est épargné par de nouveaux chocs exogènes dans ce genre. Mais ce sera à plusieurs conditions. La première est celle de la relance. Il faut que le secteur public assure son soutien au service privé pour favoriser le redémarrage de l’économie. Cela passe par deux choses : des co-investissements ciblés et des gels d’augmentation d’impôts dans les prochaines années. La reprise post-crise 2010 avait été affaibli par l’austérité fiscale, il ne faut refaire cette même erreur. La deuxième est celle de l’innovation. Si les entreprises et les ménages se sont acculturés aux outils numériques durant cette crise, il reste encore beaucoup de chemin à parcourir pour embrasser tout le potentiel de la révolution digital. Robots dans l’industrie, véhicules autonomes, 5G, Fab-Lab, Big Data, technologie quantique, nous sous-estimons encore largement le potentiel de toutes ces innovations majeures. Elles seront pour les moteurs de la croissance à venir, et de leur diffusion dépendra notre prochain cycle de croissance économique et social. La troisième enfin est celle de la coopération. Cette crise à encore une fois démontrer que nous ne pouvons plus continuer à parler à plusieurs voix en Europe. Il faut des mécanismes de coopérations plus étroits entre les pays, notamment en ce qui concerne les politiques budgétaires et les politiques en R&D et leurs applications.

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