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Les allergies alimentaires se multiplient mais voilà pourquoi il est difficile d’y voir clair sur le sujet
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Santé publique

En constante augmentation dans le monde, les allergies alimentaires peuvent être un grand risque pour les populations voire même fatales.

Stéphane Gayet

Stéphane Gayet

Stéphane Gayet est médecin des hôpitaux au CHU (Hôpitaux universitaires) de Strasbourg, chargé d'enseignement à l'Université de Strasbourg et conférencier.

 

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Atlantico.fr : Comment expliquer que les allergies alimentaires soient à la hausse ?

Stéphane Gayet : L’allergie est la quatrième maladie chronique mondiale, selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), qui estime qu’au milieu du XXIe siècle, un être humain sur deux en sera atteint. Cette maladie commence souvent lors les premières années de la vie. The World allergy organization (l’Organisation mondiale des maladies allergiques) a défini en 2003 l’allergie comme une hypersensibilité dans laquelle un mécanisme immunologique était en cause. Cette maladie se caractérise donc en premier lieu par un dysfonctionnement du système immunitaire. Ce dernier a deux principales composantes : l’immunité dite à médiation humorale - de loin la plus connue en raison d’une schématisation habituelle des phénomènes immunitaires qui les résume à des anticorps – et l’immunité dite à médiation cellulaire. La première procède par production d’anticorps ou immunoglobulines ; la deuxième par mobilisation des différents leucocytes ou globules blancs dont les lymphocytes T sont les coordinateurs tout en participant à son effectuation. Les immunoglobulines (abréviation : Ig) sont classifiées en cinq classes désignées par les lettres A, D, G, M et E. On connaît assez bien le rôle des Ig A, des Ig G et des Ig M qui sont identifiées comme des acteurs de premier plan dans la lutte antimicrobienne (les Ig A sont plus particulièrement présentes à la surface des muqueuses) ; les Ig D et les Ig E sont incomplètement comprises, mais sont reconnues comme impliquées dans des dysfonctionnements immunitaires : les Ig D interviennent dans les phénomènes d’auto-immunité (maladies dites auto-immunes : diabète de type 1, lupus érythémateux disséminé…) et les Ig E dans les phénomènes d’allergie aiguë.

L’hypersensibilité « Ig E dépendante » caractérise un « terrain atopique », c’est-à-dire une tendance – influencée par l’hérédité – à développer des allergies. Un allergène est une substance qui est capable d’initier un processus allergique (sensibilisation) et de déclencher une réaction allergique. En cas d’hypersensibilité Ig E dépendante, des substances biologiques courantes de l’environnement se comportent comme des allergènes, tandis que des substances polluantes et non allergisantes (gaz, particules…) peuvent jouer le rôle de facteurs favorisants ou cofacteurs.

Si l’hérédité joue un rôle incontestable - un enfant qui naît dans une famille dont l’un des membres de la famille nucléaire (père, mère, frère ou sœur) est allergique, est dit à risque atopique -, la génétique n’explique pas tout. L’augmentation de la prévalence (fréquence à un moment donné dans une population donnée) des maladies allergiques liées à l’atopie implique une autre explication : le système immunitaire du nourrisson - actuellement moins exposé à certaines bactéries du fait de notre acharnement à vouloir éliminer les microorganismes -, en particulier dans les premiers mois de la vie quand la tolérance naturelle à l’environnement se met en place, s’orienterait par défaut vers une réponse immunitaire de type allergique. Ce phénomène s’est emballé à la fin du XXe siècle. L’environnement microbien, en particulier le microbiote du tube digestif, s’est modifié en quelques décennies dans les pays développés. De plus, l’allaitement maternel et surtout sa durée ont énormément chuté. L’allergie est ainsi plus fréquente chez les enfants citadins que chez les enfants ruraux, surtout s’ils vivent à la ferme. Elle est plus fréquente dans l’ancienne Allemagne de l’Ouest qu’elle ne l’est dans l’ancienne Allemagne de l’Est.

Atlantico.fr : Quelles sont les allergies les plus répandues ?

Stéphane Gayet : En France, 20 à 25 % de la population générale souffre d’une maladie allergique.

Les allergies respiratoires sont au premier rang des maladies chroniques de l’enfant. La prévalence de l’asthme allergique augmente : elle était de 2 à 3 % il y a 15 ans, contre 5 à 7 % actuellement. Les rhinites allergiques sont stabilisées à 6 % chez les enfants, mais sont retrouvées chez 12 à 25 % des adolescents. Près de 2 000 décès sont enregistrés chaque année, du fait d’un asthme allergique.

Les dermatologues français estiment que près de 15 % des enfants et 4,2 % des adultes vus en consultation sont allergiques.

Surtout destinés à soulager les manifestations allergiques, les antihistaminiques sont ainsi prescrits à 6,3 % des patients se rendant à une consultation de dermatologie libérale.

Les allergies commencent dans la plupart des cas chez les jeunes enfants de 4 à 5 ans. Les manifestations évoluent avec l’âge : le nourrisson atopique est principalement sensibilisé au lait de vache ; l’allergie aux acariens (poussière de maison), aux poils de chien, de chat et à d’autres allergènes de l’air intérieur se développe ultérieurement, et apparaît ainsi plus fréquente à l’âge préscolaire et scolaire ; la rhinite allergique saisonnière (rhume des foins) et la sensibilisation aux allergènes des pollens s’installent à ce moment-là.

Dans de nombreux cas, ces manifestations se chevauchent ou s’associent (schéma ci-dessous).

Atlantico.fr : Comment peut-on rester en sécurité face à une augmentation des cas d'allergies alimentaires ?

Stéphane Gayet : Une fois l’allergène identifié, l’éviction est la première mesure à prendre. Mais s’il est envisageable de ne pas prendre de pénicilline en cas d’allergie à cet antibiotique ou d’éviter le contact des chats lorsqu’on est allergique à leurs poils, il est souvent difficile d’être certain que notre nourriture est dépourvue d’un allergène donné, comme l’arachide par exemple. Or, l’arachide est responsable de l’une des allergies alimentaires les plus fréquentes et surtout les plus sévères : elle peut être à l’origine d’un choc anaphylactique, une réaction très grave potentiellement mortelle.

La seule parade à ce choc est l’injection d’adrénaline, et des stylos auto-injecteurs sont d’ailleurs prescrits à certaines personnes à risque – comme les allergiques aux venins d’abeille ou de guêpe – qui doivent les garder sur eux en permanence.

Hormis ce cas particulier du choc anaphylactique, les traitements de première ligne de l’allergie sont symptomatiques. Étant donné que l’histamine est la substance majoritairement impliquée dans la réaction allergique, des antihistaminiques sont administrés pour la bloquer. Des médicaments agissant sur l’inflammation comme les corticoïdes peuvent être prescrits en complément.

Cette combinaison de traitements peut considérablement atténuer les manifestations. Mais elles réapparaitront lors d’un contact ultérieur du patient avec l’allergène. En cas d’allergie sévère, un traitement curatif existe pour certaines allergies, qu’on nomme « désensibilisation » : il s’agit de rendre l’organisme tolérant à l’allergène en administrant au patient sur plusieurs semaines, voire plusieurs mois, et parfois à vie, de petites doses de cet allergène, par injection ou par voie sublinguale. C’est une thérapie efficace mais contraignante, encore toute débutante pour les allergies alimentaires.

Atlantico.fr : Beaucoup de personnes pensent avoir des allergies alimentaires alors qu'en fait, il s'agit d'une intolérance alimentaire. Comment faire la différence ?

Stéphane Gayet : Les allergies alimentaires (vraies) exposent à des risques d’accident aigu grave (hypersensibilité immédiate majeure : choc anaphylactique pouvant conduire au décès) et à des maladies prolongées (hypersensibilité retardée) et parfois sévères touchant surtout l’intestin grêle et le côlon (gros intestin). La méconnaissance d’une hypersensibilité immédiate alimentaire peut être responsable d’un décès ou d’un séjour en réanimation se soldant par des séquelles graves ; celle d’une hypersensibilité retardée conduit à laisser un individu (souvent un enfant) avec une inflammation chronique du tube digestif qui perturbe gravement la vie (fatigue, douleurs, troubles du développement, carences, maigreur, saignements, occlusion intestinale, cancérisation).

Les intolérances alimentaires n’ont pas la gravité des allergies, excepté la maladie cœliaque qui est une intolérance au gluten (complexe protéique des céréales) de type immunitaire, mais sans hypersensibilité (ce n’est pas une vraie allergie).

À part la maladie cœliaque qui est grave dans sa forme majeure, les intolérances alimentaires sont plutôt bénignes et leurs manifestations sont en général limitées à l’appareil digestif. Les signes et symptômes varient dans leur intensité en fonction de la quantité de l’aliment ingéré et de la façon (accompagnement) dont il est consommé.

La maladie cœliaque, ou intolérance au gluten, est une entéropathie (maladie de l’intestin grêle) « auto-immune », provoquée par l’ingestion de gluten (fraction insoluble des protéines de blé, d’orge et de seigle ; l’avoine garantie sans gluten est en général tolérée) chez des individus génétiquement prédisposés ; elle est deux fois plus fréquente chez la femme que chez l’homme ; elle doit être distinguée de l’allergie aux protéines de blé (impliquant des immunoglobulines de type E). La maladie cœliaque touche environ 1 % des populations d’Europe, du continent américain, d’Afrique du Nord et du sous-continent indien.

Les intolérances enzymatiques résultent de la déficience d’un système enzymatique, ce qui empêche l’assimilation d’un aliment et donne lieu à une prolifération bactérienne particulière et anormalement forte, provoquant des ballonnements, des douleurs et une fatigue après le repas. Par exemple, l'intolérance au lactose (sucre du lait) est due à une insuffisance en lactase, l'enzyme intestinale qui scinde le lactose en galactose et glucose, deux sucres simples facilement assimilés à la différence du lactose.

Les intolérances pharmacologiques sont liées à des substances pharmacologiquement actives (comme des médicaments) qui sont présentes dans certains aliments. Par exemple, le thon rouge peut contenir de l’histamine qui est un vasodilatateur (malaise, rougeur, chute de tension).

Il existe bien d’autres intolérances alimentaires, comme celles aux additifs des aliments transformés de conserve. Leur mécanisme n’est pas bien connu et leur étude est complexe, tant les additifs sont nombreux. Elles sont en général bénignes.

Par ailleurs, il faut savoir que tout aliment, quel qu’il soit, dès l’instant où il est ingéré en très grande quantité, est susceptible de donner une intolérance par concentration anormalement élevée de l’un de ses composants, soit dans l’intestin, soit dans le sang ou dans un autre organe.

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