"Les abeilles grises" d'Andreï Kourkov : un apiculteur ukrainien et ses abeilles se sauvent mutuellement de la guerre. Tendresse, poésie, humour… un superbe conte<!-- --> | Atlantico.fr
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"Les abeilles grises" d'Andreï Kourkov est publié aux éditions Liana Levi.
"Les abeilles grises" d'Andreï Kourkov est publié aux éditions Liana Levi.
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"Les abeilles grises" d'Andreï Kourkov est publié aux éditions Liana Levi.

Marie De Benoist pour Culture Tops

Marie De Benoist est chroniqueuse pour Culture-Tops.

Culture-Tops est un site de chroniques couvrant l'ensemble de l'activité culturelle (théâtre, One Man Shows, opéras, ballets, spectacles divers, cinéma, expos, livres, etc.).

 

 

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"Les abeilles grises" d'Andreï Kourkov

Liana Levi
Parution le 3 février 2022
Traduit du russe ( Ukraine) par Paul Lequesne
400 pages
23 euros

Notre recommandation : EXCELLENT

THÈME

Sur la ligne de front entre la République populaire du Donetsk et l’Ukraine, seuls, deux habitants sont restés dans leur village. Ils survivent comme ils peuvent depuis trois ans dans cette zone grise sans électricité, sans eau, au son des canonnades. Ennemis d’enfance, ils acceptent tout de même de se parler et de s’entraider. Sergueï, l’apiculteur, se sent responsable de ses abeilles en hivernage dans sa grange. Abandonné par sa femme et sa fille, il ne vit que pour elles. Il proposait d’ailleurs à des clients de passage, avant la guerre, des siestes apaisantes sur ses ruches ! Inquiet de cet hiver interminable et dangereux pour ses abeilles, il décide de partir en Crimée pour retrouver un certain Athem, un Tatar, rencontré autrefois lors d’un congrès d’apiculteurs dans cette région. Après une étape idyllique grâce à Galia, il découvre avec bonheur la Crimée, un « lieu de douceur au goût de miel », un paradis pour ses abeilles et donc pour lui aussi. Cependant la présence menaçante et la surveillance permanente de l’occupant russe lui rappellent qu’il est considéré comme un étranger … Il retournera chez lui après avoir abandonné quelques « abeilles grises ».

POINTS FORTS

Au-delà de ses apparences bourrues, un personnage principal touchant, plein d’attention et d’amour pour ses abeilles, sa raison de vivre. Capable d’élans du cœur, il sait attirer la sympathie d’un artilleur ukrainien, des femmes qu’il respecte et même de son pire ennemi d’enfance. Il est prêt à rendre service à ceux qui l’accueillent, victimes des dissensions religieuses, en affrontant les policiers russes, malgré sa « peur glacée ».

Le lecteur est plongé dans cette guerre fratricide si complexe. Tout le monde se méfie de tout le monde. Il est difficile de repérer, parmi les soldats, les séparatistes, les ukrainiens patriotes et les milices qui se trouvent entre les deux, dans cette fameuse zone grise. Le « silence de la guerre » est fort bien évoqué grâce à ces explosions lointaines, ces cratères d’obus ou ces incendies rougeoyants qui enflamment l’horizon. 

Pour cet « habitant de la guerre », comment échapper à cet enfer qui dure depuis trois ans ? Il survit à sa solitude angoissante en pensant à la beauté de sa femme et à ses robes excentriques, il se réfugie dans la nostalgie de quelques souvenirs heureux ou drôles, et lors de son voyage en Crimée, il contemple la douceur de la nature à travers une vie harmonieuse avec ses abeilles et il se laisse bercer par le silence paisible de l’été. Pourtant, même s’il connaît des moments de répit avec Galia ou avec la famille de son ami Tatar, il reste hanté par les images des morts ou des occupants russes dans ses cauchemars ou ses rêves prémonitoires.

QUELQUES RÉSERVES

La complexité des noms propres et de la géographie exacte des lieux peut représenter une difficulté pour le lecteur.

ENCORE UN MOT...

Sans doute écrit en 2017, ce roman d’une grande humanité, d’une poésie bouleversante et d’une tendresse touchante nous plonge au cœur de l’actualité, en nous permettant de mieux comprendre les enjeux d’une guerre fratricide, qui martyrise les habitants de cette zone grise. Ce livre simple, mélancolique, sans être dépourvu d’humour, nous révèle le talent de conteur d’Andreï Kourkov.

UNE PHRASE

- « Quelque chose s’était brisé dans le pays, s’était brisé à Kiev, là où il y avait toujours un truc qui n’allait pas. S’était brisé de telle manière que de douloureuses fissures s’étaient propagées dans tout le pays, comme dans du verre, et que de ces fissures du sang avait coulé. Une guerre avait éclaté, dont la cause pour Sergueïtch, depuis trois ans déjà, restait brumeuse. » p.31 

- « Il n’avait plus d’autre famille à présent que ses abeilles. » p. 261

L'AUTEUR

Né en 1961 près de Saint-Pétersbourg, Andreï Kourkov a vécu son enfance et sa jeunesse à Kiev. Il parle plus de dix langues ! Il a été gardien de prison à Odessa. Scénariste et documentariste, il a écrit des contes pour enfants et il connaît un succès considérable avec LePingouin ( Liana Levi, 2000).

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