Le vrai prix de la contrefaçon : 10% des ventes et des centaines de milliers d’emplois, un poids énorme pour le secteur européen de la mode <!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Economie
La contrefaçon coûte chaque année des milliards d'euros à l'économie française.
La contrefaçon coûte chaque année des milliards d'euros à l'économie française.
©Reuters

La mode sous pression

Le marché de la mode souffre très largement de la contrefaçon. Sans même que l'on s'en doute, elle est partout. Et quand bien même il ne s'agirait pas de contrefaçon à proprement parler, s'y ajoute les géants du prêt-à-porter de moyenne gamme prêts à copier les tendances lancer par les grands de la couture et les couturiers qui eux-mêmes se copient sans cesse.

Antoine Chéron

Antoine Chéron

Antoine Chéron est avocat spécialisé en propriété intellectuelle et NTIC, fondateur du cabinet ACBM.

Son site : www.acbm-avocats.com

Voir la bio »

Atlantico : La contrefaçon coûte très chère au milieu du prêt à porter du luxe. Quel est l'impact économique de celle-ci sur les grands du luxe à la Française ? Peut-on en quantifier l'impact sur l'économie du pays ?

Antoine Chéron :  En matière de prêt-à-porter du luxe, la contrefaçon a des conséquences très importantes, sur les grands du luxe à la française, son impact est tant direct qu’indirect. L’impact direct concerne la diminution importante des ventes dans le secteur des vêtements et des chaussures. L’impact indirect concerne quant à lui la diminution des achats par le secteur subissant les pertes de vente, lequel achète moins de produits et services à ses fournisseurs. Selon une étude réalisée par l’Office d’Harmonisation du Marché Intérieur (OHMI) sur l’année 2014, la perte annuelle s’élève à 26,3 milliard en Europe (ce qui représente en France à 3.520 millions d’euros) c’est-à-dire 9,7% des ventes (9,3% en France).

De telles pertes affectent nécessairement l’économie du pays, sur lequel l’impact de la contrefaçon est notable. En France, l’impact total de la contrefaçon s’élève à une perte de 5,103 milliards d’euros, ce chiffre étant retenu en additionnant les pertes de ventes sur le sol français et dans l’ensemble de l’Union Européenne.

Si la contrefaçon a un poids très lourd sur l'économie, elle se répercute également sur le marché de l'emploi. Peut-on en quantifier les conséquences ? Ses effets se font-il sentir sur d'autres secteurs liés au prêt-à-porter ?

La contrefaçon se répercute évidemment sur le marché de l’emploi : selon l’étude précitée de l’OHMI en 2015, la perte d’emplois directement liée à la contrefaçon de vêtements et de chaussures de luxe s’élève à 363 000 en Europe (25 763 en France), et la perte totale d’emplois résultant de cette contrefaçon du point de vue direct et indirect est estimée à 518 000 en Europe (36 567 en France). Le manque à gagner est conséquent important pour l’État, qui perçoit moins de sommes résultant des cotisations sociales et impôts.

La contrefaçon a indéniablement des répercussions sur les secteurs liés au prêt-à-porter, ce qui constitue son effet indirect. En effet, le secteur subissant les pertes de ventes en raison de la contrefaçon achètera moins de produits et services à ses fournisseurs, ce qui fera baisser les ventes et aura des effets subséquents sur l’emploi dans d’autres secteurs, tels que l’agriculture, l’industrie chimique, le transport terrestre, le textile, voire l’électricité et le gaz.

Outre la contrefaçon la plus commune, il faut également prendre en compte les magasins moyenne gamme qui copient les plus grands créateurs. Leur impact est-il comparable à celui de la contrefaçon telle qu'on l'entend traditionnellement ?

L’INSEE définit la contrefaçon comme « la reproduction, l'imitation ou l'utilisation totale ou partielle d'une marque, d'un dessin, d'un brevet, d'un logiciel ou d'un droit d'auteur, sans l'autorisation de son titulaire, en affirmant ou laissant présumer que la copie est authentique ». Bien que la contrefaçon soit très médiatisée s’agissant du prêt-à-porter du luxe, de multiples formes de contrefaçon existent, qui touchent tous types de biens (médicaments, pièces détachées automobile, etc.).

Les enseignes de prêt-à-porter de moyenne gamme copient également les plus grands créateurs, ce qui impacte de façon également l’économie mais de façon moindre. Cette contrefaçon est moins fréquemment sanctionnée par le juge, qui considèrera souvent en matière de chaussures que le modèle initial n’est pas protégé au titre du droit d’auteur. Ainsi, la Cour d’Appel de Paris a considéré dans une décision du 8 février 2013 que les bottines créées par la société ASH ne constituaient pas une contrefaçon de celles initialement créées par Christian Dior Couture, dans la mesure où ces dernières n’étaient pas originales (CA Paris, pôle 5, ch. 2, 8 févr. 2013, n° 11/02407, Sté ASH Distributions c/ SA Christian Dior Couture).

Sait-on d'où est originaire cette contrefaçon (pourcentage) ? A-t-on idée de ce qu'elle rapporte à ses fabricants ? N'existe-t-il pas de moyens judiciaires d'en réduire l'impact ?

La contrefaçon de produits de prêt-à-porter du luxe est en majeure partie issue de Chine, considérée comme le plus grand producteur de biens contrefaisants. Cette contrefaçon est d’autant plus lucrative qu’un grand nombre de produits de prêt-à-porter proviennent d’usines chinoises. Or, une même usine produit fréquemment les pièces originales et les pièces contrefaisantes, ce qui les rend similaires voire identiques.

En effet, la main-d’œuvre utilisée est la même, de même que les matériaux nécessaires à l’assemblage des biens. Il est complexe d’évaluer les revenus générés par la contrefaçon chinoise sur les fabricants, et il est très difficile actuellement d’en réduire l’impact, dans la mesure où cela relève de règles de droit pénal international complexes à appliquer. En pratique, les poursuites sont quasiment impossibles.

Comment un pays peut-il contenir les effets de la contrefaçon ? La solution est-elle seulement économique ?

Jusqu’à présent, aucun pays n’a réussi à juguler les effets de la contrefaçon, même si plusieurs efforts ont été entrepris en ce sens. Même en instaurant un protectionnisme renforcé, les risques de contrefaçon ne seraient en aucun cas évincés, dans la mesure où celle-ci viendrait de l’intérieur. Le seul résultat intéressant pour réprimer la contrefaçon réside dans les méthodes des services de vidéo à la demande (plateformes VOD et SVOD), qui imposent pour accéder aux contenus protégés de se connecter avec un identifiant et un mot de passe.

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !