Le Royaume-Uni est-il en train de perdre des pans entiers de son territoire au profit d’islamistes assumés ?<!-- --> | Atlantico.fr
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L'imam Hassanat Ahmed prononce son discours du vendredi via plusieurs plateformes de médias sociaux depuis la mosquée Noor Ul Islam, la veille du début du Ramadan au Royaume-Uni, à Bury, dans le Grand Manchester, le 24 avril 2020.
L'imam Hassanat Ahmed prononce son discours du vendredi via plusieurs plateformes de médias sociaux depuis la mosquée Noor Ul Islam, la veille du début du Ramadan au Royaume-Uni, à Bury, dans le Grand Manchester, le 24 avril 2020.
©OLI SCARFF / AFP

Islamisme radical

Aujourd'hui, on observe que certaines parties de la société au Royaume-Uni sont très fortement influencées par des islamistes.

Alexandre del Valle

Alexandre del Valle

Alexandre del Valle est un géopolitologue et essayiste franco-italien. Ancien éditorialiste (France SoirIl Liberal, etc.), il intervient dans des institutions patronales et européennes, et est chercheur associé au Cpfa (Center of Foreign and Political Affairs). Il a publié plusieurs essais en France et en Italie sur la faiblesse des démocraties, les guerres balkaniques, l'islamisme, la Turquie, la persécution des chrétiens, la Syrie et le terrorisme. 

Son dernier ouvrage, coécrit avec Jacques Soppelsa, Vers un choc global ? La mondialisation dangereuse, est paru en 2023 aux Editions de l'Artilleur. 

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Atlantico : Aujourd'hui, on observe que certaines parties de la société au Royaume-Uni sont très fortement influencées par des islamistes. Peut-on dire que le Royaume-Uni a perdu une partie de son territoire au profit des islamistes ?

Alexandre del Valle : C'est quelque chose d'assez évident et qui se constate depuis au moins les années 90. Les phénomènes de l'islamisation rampante et de l'immigration islamique qui sont arrivés en même temps dans les années 60-70. Mais à partir des années 90, il y a eu une conjonction de phénomènes. Dix ans après l'accession de Khomeini en 1989, la fatwa contre Salman Rushdie a traumatisé l'Angleterre. On s'est rendu compte qu'une grande partie des associations représentative de l'islam en Angleterre, très liées au milieu pakistanais et aux milieux radicaux indiens-musulmans, se sont radicalisées et ont soutenu la fatwa iranienne. Une grande partie de l'opinion publique avait été stupéfaite de voir cette démonstration de force d'islamistes jusque-là paisibles, qui prenaient fait et cause pour un appel au meurtre, et avec un déchaînement de violences, de manifestations, d'intimidations. Vingt à Trente ans après le début de l'immigration islamique, on a déjà une première génération de musulmans anglais, qui commence à être intéressante pour ce que Gilles Keppel a appelé le Muslim Vote. À Bradford, Leeds, et d’autres endroits en Angleterre sont devenus des bastions islamiques, encouragés par la propagande des frères musulmans, par le Pakistan ou par l'appel de Khomeini à punir les blasphémateurs. Ces milieux islamistes, déjà présents, ont été encouragés par les services secrets anglais, qui avaient laissé poindre de nombreux mouvements islamistes en pensant que ça épargnerait l'Angleterre de la violence terroriste.

Non seulement il n'y a rien de nouveau, mais ça a été encore pire dans les années 90. Au moment où les services de sécurités ont serré la visse après les attentats de 2005, beaucoup de djihadistes se sont tournés vers les frères musulmans et l’islam politique qui pratique l’entrisme. On a observé à partir des années 2000 un investissement de groupes islamistes dans la politique, soit dans des alliances avec l'extrême-gauche, comme le mouvement Respect, soit avec des partis de type socialiste, il y a toute une branche qui a infiltré le parti travailliste, un peu comme en Belgique, une alliance gauche-islamiste pro-palestinienne contre la bourgeoisie et les partis qui freinent l'immigration. Il est aussi important de noter que l'Angleterre a une tradition de communautarisme, avec une très grande liberté accordée aux communautés, ce qui est contraire à l'option française l'intégrationniste. Enfin, l'Angleterre a été le premier pays au monde occidental à pénaliser l'islamophobie, avec des organisations islamistes extrêmement actives qui ont commencé à faire passer toute l'initiative de lutte contre l'islamisme comme de l'islamophobie, comme une forme de racisme. Aussi, en Angleterre, il n'y a pas ce droit romain ou napoléonien comme en France, un droit unique pour tous, il y a une grande tradition de jurisprudence, on peut avoir plusieurs sources de droits, ce n'est pas un droit unique, et c'est comme ça que sont apparus dans les années 2000 des cours islamistes de justice parallèles, qui ne sont pas de vrais cours reconnus comme tels, mais elles sont tolérées dès lors que les musulmans qui sont jugés par ces tribunaux islamiques acceptent communément le jugement de la personne qui est un imam ou un caddie, un juge musulman. Pour résumer, ce qui se passe aujourd'hui n'est qu'une des facettes de ce vaste phénomène qui est un entrisme politique, un entrisme syndical, un entrisme partisan, un entrisme associatif. 

Vous avez parlé d'hommes politiques qui ont profité du vote musulman sans être forcément des islamistes. Cependant, on voit de plus en plus de candidats qui se revendiquent ouvertement islamistes et qui font campagne pour obtenir des sièges aux communes ou pour diriger des villes en menant une campagne explicitement islamiste. Quelle est la proportion du phénomène ? 

Il existe deux tendances dans le paysage britannique. D’un côté, ceux qui ne font pas des campagnes ouvertement islamistes. Qui se cachent derrière un communautarisme, une solidarité musulmane, ou tout simplement faire croire qu'on est le candidat de la diversité. La deuxième option, qui a toujours existé et qui est aussi importante que la première :  ceux qui ont un programme ouvertement islamiste radical, comme en Belgique. Ce sont des gens qui jouaient franc-jeu. Et ils séduisent très peu de gens en nombre, mais ils commencent à avoir quelques élus locaux. Pourquoi ? C'est très simple à comprendre. Les frères musulmans ont l'habitude du mensonge, du double discours et de l'alliance avec des forces infidèles, dans le cadre de la taqiya, le mensonge. Tandis que les salafistes purs et durs, sont plus honnêtes. Ils ne font pas de compromis. Tandis que le frère musulman, ce qui compte pour lui, c'est faire grandir la communauté musulmane, y compris par le mensonge ou renier sa propre foi. Le maire de Londres, il est le fruit de ce résultat. Beaucoup de frères musulmans ont appelé à voter pour lui, alors que ce n’est pas un islamiste pur et dur. Mais pour eux, c'était faire avancer les pions d'une communauté musulmane qui, petit à petit, s'habitue à gérer, à être à la tête de gouvernements locaux, de régions, de villes, de grandes communes. C'est ça qui compte. Et ça marche.

La situation actuelle démontre-t-elle l'échec du système communautariste anglais ?

Je ne serrais pas aussi catégorique, cela dépend du point de vue. Globalement, il y a eu beaucoup moins d'attentats qu'en France. Le fait que les organisations antiracistes en Grande-Bretagne aient réussi depuis 30 ans à obtenir que les médias ne diffusent jamais des caricatures de Mahomet ou que les policières ont le droit d'être voilés ou encore d’autre concession a permis de préserver l’Angleterre de la violence terroriste. De notre point de vue intégrationniste français, c'est un échec, puisque la société se fragmente et il y a des Anglais qui n'ont plus rien à voir avec d'autres Anglais. Mais d'un point de vue anglais, habitué à, justement, cette façon d'être totalement ethno-différentialiste, relativiste, où chacun a sa culture, ce n'est pas un gros problème. 

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