Le rachat de start-ups par les grandes entreprises est-il bon ou mauvais pour l’innovation ?<!-- --> | Atlantico.fr
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©BERTRAND GUAY / AFP

Recherche et développement

Tom Schmitz a étudié l'impact positif et négatif des acquisitions de startups sur l'innovation et la croissance.

Tom Schmitz

Tom Schmitz

Tom Schmitz est Maître de conférences à l'Université Queen Mary de Londres, École d'économie et de finance.

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Atlantico : Vous avez étudié l'impact positif et négatif des acquisitions de startups sur l'innovation et la croissance. Quels sont les principaux effets que vous avez constatés des deux côtés de l'équation ? 

Tom Schmitz : Nous soulignons deux effets positifs principaux des acquisitions. Premièrement, elles peuvent stimuler la création de startups : les entreprises en place paient de grosses sommes d'argent pour les startups, ce qui peut motiver les gens à créer une startup en premier lieu. Par exemple, vous pourriez être réticent à créer une entreprise si vous prévoyez qu'il sera long et coûteux de transformer votre idée en une entreprise importante et rentable. Si vous n'avez pas à faire tout ce travail vous-même, mais que vous pouvez au contraire vendre votre entreprise après quelques années à un grand opérateur historique, cela semble beaucoup plus intéressant.

Deuxièmement, les entreprises en place peuvent être mieux préparées à commercialiser de nouvelles idées : elles ont plus d'expérience, un meilleur réseau de distribution, plus de ressources financières, etc. On pourrait donc imaginer une division du travail bénéfique dans laquelle les startups trouveraient de nouvelles idées géniales et les opérateurs historiques les mettraient sur le marché.

Du côté négatif, nous considérons également deux forces principales. Premièrement, les opérateurs historiques pourraient ne pas être incités à mettre en œuvre les idées des entreprises qu'ils achètent, parce que ces idées pourraient les priver de leurs propres bénéfices. Par exemple, si vous avez une idée géniale pour un nouveau réseau social, Facebook pourrait ne pas vouloir la développer davantage, car elle détournerait des clients de sa plateforme existante. Si ces incitations sont fortes, les entreprises en place pourraient racheter des start-ups dans le seul but de tuer leurs idées et d'éliminer la concurrence. Deuxièmement, il existe un effet de rétroaction plus subtil dû à une plus grande création de startups. Dans un monde où les startups sont nombreuses, les opérateurs historiques devront constamment s'inquiéter de la concurrence de ces startups, ou devront dépenser beaucoup de ressources pour les racheter. Cela peut les décourager d'investir dans leurs propres projets d'innovation, car les avantages qu'ils pourraient en tirer seront rapidement réduits à néant.

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Comment expliquer que les effets négatifs dominent légèrement ?

Notre étude tente de quantifier les forces positives et négatives à l'aide d'une combinaison de données et d'un modèle macroéconomique. Par exemple, nous mesurons ce qu'il advient des brevets des start-ups après leur acquisition par de grandes entreprises, en essayant de déterminer s'ils sont développés plus avant ou mis de côté. Cela nous donne une idée de la force relative de deux des forces évoquées ci-dessus : les avantages des grandes entreprises en matière de développement (qui, toutes choses égales par ailleurs, impliqueraient que les brevets acquis par les entreprises en place se portent mieux) et leurs incitations à éliminer les idées concurrentes (ce qui impliquerait que les brevets acquis se portent moins bien).

Nous combinons cette analyse de données avec un modèle mathématique des acquisitions de startups et des innovations. Nous pouvons utiliser ce modèle comme un simple laboratoire : lorsque nous le nourrissons d'informations sur l'environnement (combien de startups sont acquises, quel prix atteignent-elles, comment leurs brevets évoluent-ils après l'acquisition), il produit une prédiction sur la manière dont les acquisitions de startups affectent la croissance. Précisément, lorsque nous calibrons notre modèle pour reproduire l'industrie moyenne aux États-Unis, il prédit que les acquisitions de startups réduisent légèrement la croissance.

Cela signifie-t-il que nous devrions, dans une certaine mesure, empêcher les grandes entreprises en place d'acheter des startups ?

Oui, c'est ce que suggère notre étude. Toutefois, nous tenons à souligner que tous les résultats sont préliminaires et n'ont pas encore fait l'objet d'une évaluation par les pairs.

Comment trouver le bon équilibre ?

Notre modèle met en évidence certaines caractéristiques de l'entreprise ou du secteur qui ont une incidence sur l'effet global des acquisitions. Par exemple, les acquisitions dans lesquelles les marchés de produits de l'acquéreur et de la cible se chevauchent largement, ou dans lesquelles l'acquéreur occupe déjà une position dominante, sont plus susceptibles d'avoir des effets négatifs. En revanche, les industries dans lesquelles les startups génèrent une très grande partie de l'innovation globale pourraient être des environnements dans lesquels les acquisitions sont bénéfiques, en raison de l'effet d'incitation positif qu'elles ont sur la création de startups.

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