“Le projet de loi Macron est un fourre-tout de vieilles idées des années 1980”… Mais de quand datent celles de Cécile Duflot ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Cécile Duflot, pas si novatrice...
Cécile Duflot, pas si novatrice...
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Du vert au rouge

L’ancienne ministre du logement a vertement critiqué le gouvernement dans une tribune publiée dimanche 4 janvier dans le JDD. Ce qu'elle oublie, c'est que les "vieilles idées" se trouvent partout, y compris dans sont parti.

Eddy  Fougier

Eddy Fougier

Eddy Fougier est politologue, consultant et conférencier. Il est le fondateur de L'Observatoire du Positif.  Il est chargé d’enseignement à Sciences Po Aix-en-Provence, à Audencia Business School (Nantes) et à l’Institut supérieur de formation au journalisme (ISFJ, Paris).

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Cécile Duflot n’a pas eu de mots assez durs dans sa tribune publiée dans le JDD pour manifester son opposition à la politique économique du gouvernement :

"Au final, le texte baptisé loi pour l'activité et la croissance, porté par Emmanuel Macron, est en fait un catalogue fourre-tout de vieilles idées des années 1980 enfouies dans les cartons de Bercy. Leur prétendue modernité est un recul. À la vérité, on tourne le dos à la modernité dont notre pays a besoin. La modernité réelle serait d'inventer un nouveau modèle social écologique, capable de répondre aux deux grands défis de notre époque : le dérèglement climatique et la montée des inégalités."

Atlantico : Par opposition aux "vieilles idées" du gouvernement, quelles sont celles de Cécile Duflot ?

Eddy Fougier : Sur le fond, je remarque cette tendance que les Verts ont toujours eue à disqualifier leurs adversaires en considérant qu’ils sont "dépassés". Cette facilité s’est retrouvée à deux reprises sans l’actualité récente : lors des débats autour de la possibilité pour les Etats membres de l’UE de décider d’interdire la culture d’OGM sur leur sol, des écologistes ont déclaré que le modèle d’agriculture défendu par la FNSEA était "dépassé". De même, à propos du projet de Center Parcs à Roybon, Jean-Vincent Placé a fustigé un tourisme "du passé".

Pour Cécile Duflot, les points de vue d’Emmanuel Macron ne font pas exception à la règle. Dans ce genre de cas, et même si elle n’emploie pas précisément le mot dans cette tribune, une mise au pilori du "néo libéralisme" en tant que facteur explicatif de tous les maux est toujours de bon aloi. C’est une constante chez elle : la critique du progressisme du gouvernement sur les questions économiques.

Dans quel corpus idéologique ses prises de position s'inscrivent-elles ?

On voit bien que chez EELV, la tentation de la radicalisation est forte. Il y a certes d’un côté ceux qui espèrent toujours un poste au gouvernement, mais qui en ont été empêchés par Cécile Duflot lors de son départ, et ceux qui, comme elle, regardent plutôt du côté de Mélenchon dans l’idée de créer une majorité alternative, sur le modèle de ce qui s’est fait à Grenoble lors des dernières élections municipales.

Depuis les années 1970, deux projets se font concurrence chez les écologistes français : d’un côté la position "ni droite, ni gauche" défendue par Antoine Waechter, de l’autre la ligne de Dominique Voynet, qui dans les années 80 s’est clairement développée en adhésion aux idées de gauche. Cela a donné Les Verts, qui se sont ralliés à Lionel Jospin.

J’ai le sentiment que le même processus s’est produit chez EELV. Le but initial, conçu par Daniel Cohn-Bendit, était de brasser large, avec des personnalités assez variées. Or la tentation de la radicalisation a été la plus forte, c’est plus la partie "rouge" que "verte" qui l’emporte en ce moment dans les rangs écologistes. Un mouvement qui a été entériné par le départ de Cécile Duflot du gouvernement. Ne dit-elle pas en substance qu’elle veut rompre avec un modèle économique libéral entamé par la gauche depuis les années 80, ce afin de mieux lutter contre les inégalités ? Lorsqu’elle était ministre du Logement, elle mettait l’accent sur la régulation du marché par l’autorité publique, ce qui est une idée de gauche assez classique. Pour résumer, je dirais qu’elle appartient à la gauche radicale sur les questions de société, à l’écologie sur les questions environnementales, et à l’antilibéralisme sur les questions économiques et sociales.

Ces convictions sont-elles profondément ancrées en elle, ou bien sont-elles fluctuantes en fonction du contexte ?

Chez Cécile Duflot, la dimension personnelle et émotionnelle a tendance à l’emporter sur la dimension politique. Elle a une dent contre François Hollande, "le président de personne", et contre Manuel Valls. C’est pourquoi elle a amené les Verts à ne pas participer au gouvernement Valls II, malgré la proposition inédite d’un grand ministère de l’Ecologie. Après avoir été ministre et avoir quitté le gouvernement, elle est peut-être en train d’entrer dans une troisième phase, qui serait la candidature à l’Elysée. Une possibilité qui va faire couler beaucoup d’encre ces prochains mois. Cette dimension personnelle et émotionnelle me semble réellement plus importante que la ligne idéologique : souvenez-vous de la minute de silence caricaturale qu’elle avait demandé en mémoire de Rémi Fraisse à l’Assemblé nationale. Cela relevait plus d’un prêchiprêcha idéologique que d’une vision bien claire.

Manquerait-elle de fond en termes programmatiques ?

Il existe un programme, là n‘est pas le problème. On en a vu l’émanation dans la reconnaissance du concept d’agroécologie par la loi en 2014. Là où je pense qu’elle vire plus au rouge qu’au vert, c’est sur la vision de la société. On se souvient des vifs échanges entre elle et Valls au sujet des Roms.

Au sein de cette gauche radicale écologiste, il existe des tensions entre les partisans de la décroissance et les réformistes, pour reprendre la dichotomie allemande des années 1980. Cette tentation de la décroissance, on la discerne chez des gens comme Cécile Duflot, qui s’inscrit dans une tendance malthusienne très actuelle.

Cécile Duflot dénonce le caractère "fourre-tout" du projet de loi Macron et les "vieilles idées" qui le constituent, cependant le projet écologiste qu’elle défend est-il à l’abri de toute contradiction et incohérence ?

Difficile à dire, dans la mesure où sur la question de la "modernité", chacun voit midi à sa porte : je ne suis pas certain que l’on puisse qualifier de modernistes ceux qui s’opposent à la construction d’un aéroport, d’infrastructures ou de projets porteurs de croissance. Elle a souvent bon dos, la modernité : dans les années 70 un aéroport était considéré comme moderne, et plus aujourd’hui… Pourquoi pas. Modernité et post modernité forment un éternel débat. Et puis le parti d’EELV peut lui aussi être qualifié de "fourre-tout", dans la mesure où le spectre s’étend de l’extrême gauche, avec les Souris grises, jusqu'aux plus modérés, comme Nicolas Hulot. 

Propos reccueillis par Gilles Boutin

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