Le principal think tank britannique en matière de sécurité et défense vient de publier un rapport alarmant sur la restructuration des services de renseignement russes en vue de mener des actions de déstabilisation en Europe<!-- --> | Atlantico.fr
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L’année 2024 est décisive pour la Russie, aussi bien au niveau intérieur que diplomatique.
L’année 2024 est décisive pour la Russie, aussi bien au niveau intérieur que diplomatique.
©Gavriil Grigorov / SPUTNIK / AFP

Déstabilisation

Et voilà les enseignements qui figurent dans les travaux menés par le Royal United Services Institute For Defence And Security Studies.

David Colon

David Colon

David Colon est enseignant et chercheur en histoire à Sciences Po et auteur de La Guerre de l’information. Les États à la conquête de nos esprits (Tallandier, 2023).

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Atlantico : RUSI, le principal Think Tank en matière de sécurité Britannique, publie un rapport alarmant sur la restructuration des services de renseignements russes. En quoi consiste cette restructuration ? 

David Colon : Selon ce rapport, les services de renseignement russes sont en train de se préparer à mener des actions de déstabilisation en Europe. Le renseignement militaire (GRU) semble ainsi avoir réorganisé le recrutement et l’entraînement de ses troupes spéciales et rebâti son appareil de soutien – affaibli en Europe en 2022 par l’expulsion dans plusieurs pays dont la France d’officiers sous couverture diplomatique. Son but est de pouvoir infiltrer des agents subversifs dans les pays de l’Union européenne. Le GRU a également repris l’essentiel des fonctions du groupe Wagner et s’emploie en Afrique à étendre son influence au détriment des pays occidentaux. Enfin, toujours selon ce rapport, le dirigeant de la Tchétchénie, Ramzan Kadyrov, serait utilisé par le renseignement russe pour construire un vaste réseau d'influence parmi les populations tchétchènes et musulmanes en Europe et au Moyen-Orient, dans le but de contribuer à la subversion des intérêts occidentaux.

Quels sont les objectifs de cette restructuration ?

L’objectif immédiat a été exprimé très ouvertement par le vice-président du Conseil de sécurité russe Dmitri Medvedev en personne le 4 février : « Nôtre tâche, déclare l’ancien président russe à propos des forces politiques « antisystème », est de soutenir de toutes les manières possibles ces hommes politiques et leurs partis en Occident, en les aidant apertum [ouvertement] et secretum [secrètement], pour obtenir des résultats corrects aux élections ». Le Kremlin a en ligne de mire les élections européennes de juin prochain, avec pour objectif d’affaiblir le soutien à l’Ukraine. En semant le chaos, le doute et la division au sein des sociétés européennes, en amplifiant nos fractures et en piratant notre débat public, il espère favoriser les partis qui partagent ses vues. A plus long terme, il s’agit également pour Vladimir Poutine d’affaiblir mortellement les démocraties libérales, dont les valeurs représentent à ses yeux une menace pour sa propre survie politique. 

L’année 2024 est décisive pour la Russie, aussi bien au niveau intérieur que diplomatique. Est-ce que par cette restructuration, la Russie commence à préparer l’après-guerre ? 

Le Kremlin intensifie et accélère aujourd’hui ses opérations de guerre informationnelle. Depuis le 24 février 2022, la Russie a prolongé sa guerre d’agression contre l’Ukraine par une guerre de l’information contre tous les États qui soutiennent les Ukrainiens. Elle s’efforce en effet d’obtenir dans le champ informationnel les victoires décisives qu’elle a été incapable, jusque-là, d’obtenir sur le champ de bataille. Nous assistons donc en ce moment à une intensification sans précédent des opérations hybrides russes, qui associent des provocations verbales, des comportements agressifs contre nos forces armées, des cyberattaques, des actions subversives et des opérations de manipulation de l’information sur Internet. La menace est prise très au sérieux par nos autorités, comme en témoigne par exemple l’appel à la vigilance lancé hier aux forces de l’ordre par la DGSI, qui redoute non seulement de nouvelles opérations comme celle des étoiles de David mais également des « actions de nature violente ».

La France qui a dénoncé le 15 février « une stratégie coordonnée de guerre de l’information menée et assumée par Moscou », est une cible prioritaire de la guerre de l’information du Kremlin. Depuis juin dernier, notre pays, qui dispose désormais d’un appareil très efficace de veille et de détection avec Viginum, n’hésite plus à dénoncer publiquement les manœuvres du Kremlin. Toutefois, la réponse la plus efficace ne peut être apportée qu’à l’échelle internationale, car les manipulations de l’information russes ne s’arrêtent pas aux frontières et touchent toutes les démocraties. Le 16 février 2024, les Etats-Unis, le Royaume-Uni et le Canada ont publié une déclaration commune dans laquelle ils appellent à « adopter une approche collective de la menace que représente la manipulation d'informations étrangères, en créant une coalition de pays partageant les mêmes idées et s'engageant à renforcer la résilience et la réponse à la manipulation d'informations. » Le 4 mars prochain, l’OCDE dévoilera son très important rapport « Facts not Fakes », consacré à la lutte contre la désinformation et signé par les 38 États membres de l’organisation internationale. Les États démocratiques ont donc entrepris de faire front commun, mais l’expérience des pays Baltes, de l’Ukraine et de la Finlande nous apprend qu’une mobilisation de l’ensemble de la société civile est nécessaire si l’on veut faire échec à la guerre hybride du Kremlin. Il faut bien prendre conscience que la guerre de l’information concerne très directement chacun et chacune d’entre nous et appelle de notre part un sursaut.

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