Le poids d'une nation se mesure t-il à la sobre autorité de ses designers automobiles ? <!-- --> | Atlantico.fr
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La 205 : voilà une petite voiture qui était, tout comme la Renault 5, par sa forme, sa consommation, son encombrement, l'épaisseur et le diamètre de ses pneus, la modestie même mais dont la classe traduisait celle du pays qui l'avait produite.
La 205 : voilà une petite voiture qui était, tout comme la Renault 5, par sa forme, sa consommation, son encombrement, l'épaisseur et le diamètre de ses pneus, la modestie même mais dont la classe traduisait celle du pays qui l'avait produite.
©wikipédia

Eloge de la 205

Plus une nation est sûre d'elle-même, plus elle invente son marché, notamment dans l'automobile. Moins elle l'est, plus elle court après le client. L'exemple français depuis la 205.

Christian Combaz

Christian Combaz

Christian Combaz, romancier, longtemps éditorialiste au Figaro, présente un billet vidéo quotidien sur TVLibertés sous le titre "La France de Campagnol" en écho à la publication en 2012 de Gens de campagnol (Flammarion)Il est aussi l'auteur de nombreux ouvrages dont Eloge de l'âge (4 éditions). En avril 2017 au moment de signer le service de presse de son dernier livre "Portrait de Marianne avec un poignard dans le dos", son éditeur lui rend les droits, lui laisse l'à-valoir, et le livre se retrouve meilleure vente pendant trois semaines sur Amazon en édition numérique. Il reparaît en version papier, augmentée de plusieurs chapitres, en juin aux Editions Le Retour aux Sources.

Retrouvez les écrits de Christian Combaz sur son site: http://christiancombaz.com

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Pour qui consent à observer le parc automobile et son évolution depuis trente ans la première chose qui frappe est l'incroyable dérive du système vers le goût clinquant, les chromes, les ellipses, les formes complexes, lourdes, les parebrises interminables, les courbes dodues, les parechocs monumentaux, les optiques de phares géantes qui coûtent le prix d'une semaine à l'hôtel. Quand on compare les anciennes Citroën ou les modestes 205, 305, 306 à leurs équivalents modernes on mesure rapidement l'ascendant qu'ont pris, dans les bureaux d'études, les commerciaux sur les esthètes, les ingénieurs sur les commerciaux, et finalement les programmes informatiques sur tout le monde.

Le cas de la 205 est singulier. Voilà une petite voiture qui était, tout comme sa contemporaine la Renault 5, par sa forme, sa consommation, son encombrement, l'épaisseur et le diamètre de ses pneus, la modestie même mais dont la classe traduisait exactement celle du pays qui l'avait produite. Quand on regarde une 205 on comprend que la France de l'époque sait exactement où elle va, qu'elle produit des objets originaux, sobres, efficaces dont le constructeur définit habilement le cahier des charges pour créer un marché. (Ce fut aussi le cas de la Renault Espace). On pourrait en dire autant de la France entière et d'ailleurs pourquoi s'en priver ?

Il y a un grand paradoxe quand on compare cette époque et la nôtre. On peut le mesurer sur un parking quand par hasard on voit une 205 garée au milieu des voitures récentes : dans la France de la fin de l'époque Giscard, qui jouissait d'une position enviable, une position de soliste, au milieu du "concert des nations", les véhicules étaient à la fois modestes, puissants, efficaces et pour la plupart possédaient de la "classe" dans la modestie, tandis qu'aujourd'hui où notre pays est à tant d'égards relégué au rang de troisième violon, les véhicules qu'il produit rivalisent de lourdeur, de prétention, de complexité et semblent à l'affût du marché au lieu de le créer. Ce n'est plus la classe dans la modestie parce qu'on est une grande nation, mais la prétention dans la vulgarité parce qu'on a perdu dix places dans la hiérarchie. Les chromes, l'importance des logos désormais gros comme un ballon de foot, tout cela semble conçu pour les rues de Shanghai et les nations émergentes comme sur la peugeot 2008 et la gamme Picasso , tandis que la sobre originalité des gens sûrs d'eux, le défaut d'esbroufe malgré une mécanique redoutable se sont réfugiés chez les Allemands, qui curieusement ont aujourd'hui la position dominante en Europe et l'une des premières dans le monde. Le jour où la France recommencera à produire des merveilles comme la gamme Peugeot dessinée par Pininfarina (admirable 406), nous pourrons nous dire que nous sommes tirés d'affaire.

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