"Kids" : Le jeu des glissements du temps passé (celui de la guerre) au temps présent assumé par une récitante est parfait.<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Culture
Affiche de la pièce de théâtre "Kids" de Fabrice Melquiot
Affiche de la pièce de théâtre "Kids" de Fabrice Melquiot
©Culture Tops

Atlanti-culture

Après la fin du siège de Sarajevo en 1996, huit orphelins se retrouvent livrés à eux-mêmes. Dans un environnement marqué par la destruction et la violence, ils survivent grâce à leur passion pour la musique, jonglant entre un orphelinat dévasté, les égouts et une colline où les balles traçantes les entourent jour et nuit.

Anne-Claude  Ambroise-Rendu pour Culture-Tops

Anne-Claude Ambroise-Rendu pour Culture-Tops

Anne-Claude Ambroise-Rendu est chroniqueuse pour Culture-Tops.

Culture-Tops est un site de chroniques couvrant l'ensemble de l'activité culturelle (théâtre, One Man Shows, opéras, ballets, spectacles divers, cinéma, expos, livres, etc.).

Voir la bio »

"Kids" de Fabrice Melquiot

Création musicale et interprétation live : Nathan Dugray
Mise en scène
François Ha Van
Avec
Montaine Frégeai, Axel Godard, Yann Guchereau, Hoël Le Corre, Sylvain le Ferrec, Julie Bulourde en alternance avec Lara Melchiori, Manon Preterre

INFOS & RÉSERVATION

La Piccola Scala
13, boulevard de Strasbourg,
75010
PARIS
01 40 03 44 30
Jusqu’au 6 avril 2024. Vendredi et samedi à 19h30, dimanche à 17h30
Notre recommandation : 4/5

THÈME

29 février 1996 : après quatre ans de guerre, c’est la fin du siège de Sarajevo. Huit orphelins sont livrés à eux-mêmes : Sead, le chef de bande, Refka « la pisseuse », Stepan la brute et son frère Josip, attardé mental, Nada la plus jeune dont les talents de voleuse n’ont pas attendus le nombre des années, Admira et Bosco, le couple d’amoureux ennemis (elle est musulmane, lui Serbe de Bosnie), et pour finir Amar, le guitariste joyeux à qui même l’air qu’il respire profite. 

Profondément traumatisés, ils survivent comme ils peuvent grâce au chant et à la musique, entre l’orphelinat dévasté par un obus, les égoûts et la colline d’où on voit les balles traçantes la nuit et l’allée des snipers le jour. 

Ils rêvent de départ, ont appris à courir plus vite que Carl Lewis, et se demandent ce que ça fait quand on a des pères et des mères. Leur quotidien de privations et de violence – celle de la guerre, mais aussi de l’après-guerre dans une ville dévastée – est aussi tissé de solidarité et d’une tendresse qui ne s’avoue pas. Chacun promène ses souvenirs, ses morts, ses fantômes, son effroi et ses rêves. 

Fracassés, par l’expérience de la guerre, ils vivent quand même, vigoureusement, habités par le désir d’apprendre « pour ne pas mourir idiot », lisent Dostoïevski, font l’amour sur du gravier et des gravats, et chantent des chansons américaines et anglaises. 

Ils vivent donc, comme des enfants qu’ils ne sont plus tout à fait et, en attendant que les les secours occidentaux, ils organisent une parade pour récolter de l’argent.

POINTS FORTS

Le texte de Fabrice Melquiot est formidable : dense, fin, tragique et drôle. Le jeu des glissements du temps passé (celui de la guerre) au temps présent assumé par une récitante est parfait.

La bande de ces jeunes gens existe intensément comme une meute de chiens fous et sans repères, grâce au talent de chacun des interprètes et au tourbillon produit par la mise en scène : ils sont fougueux, vifs et bondissants, grossiers et poètes.

Les chansons et le son de la guitare électrique viennent apporter une étrange douceur et comme un repère rassurant à ces débordements un peu fous de crainte et de vitalité.

QUELQUES RÉSERVES

Pour dire la panique et la fièvre, évidemment il faut crier, beaucoup. Sauter, courir, gesticuler ce qui nuit parfois à la qualité de la diction. Les répliques ne sont pas toujours très audibles et on le regrette.

ENCORE UN MOT...

12 000 civils dont 1 500 enfants ont été tués pendant le siège de Sarajevo, encerclée par les combattants serbes. Pris au piège, les habitants ont été victimes des obus et des snipers. Des voisins qui vivaient en paix jusque-là, se sont entretués simplement parce qu’ils étaient orthodoxes ou musulmans, Serbes, Bosniaques ou Croates. 

Sarajevo c’est certes l’un des plus longs sièges de l’époque contemporaine, mais aussi le paradigme de ces nouvelles guerres qui tournent le dos au droit international. Mondialement médiatisé et pourtant suivi d’assez loin par la communauté internationale, le siège n’a pris fin qu’avec l’intervention de la Force de réaction rapide (FRR) et de l’OTAN conduisant aux accords de Dayton.

L’essentiel de cette histoire, qui bégaye un peu partout, est montré ici : le malheur des enfants, dans une guerre dont ils ne sont que les victimes innocentes, est toujours et partout scandaleux.

UNE PHRASE

Nada : “Tu iras en enfer ! 
 Sead : J’y suis

« C’est le jour que les arbres se remettent à pousser, c’est le jour que l’on prend son pouls l’air satisfait. » 

« Ce sera facile de vivre sans la guerre ? “la paix on saura bien par quel bout la prendre. »

L'AUTEUR

Ecrivain, parolier, metteur en scène et performer, Fabrice Melquiot a publié une soixantaine de pièces de théâtre, des romans graphiques et des recueils de poésie, collaboré avec de nombreux.ses metteur.se.s en scène. 

Il est artiste associé à de nombreuses scènes françaises après avoir dirigé de 2012 à 2021 le Théâtre Am Stram Gram de Genèveet le Centre International de Création pour l’Enfance et la Jeunesse. 

Souvent récompensé (prix SACD de la meilleure pièce radiophonique, prix Jean-Jacques Gauthier du Figaro, Prix Jeune Théâtre de l'Académie Française pour l'ensemble de son œuvre, prix du Syndicat National de la Critique), Fabrice Melquiot a reçu notamment le Prix de la Presse Avignon OFF pour Kids en 2021. Cette pièce est publiée par l’ARCHE, éditeur & agence théâtrale. 

Culture Tops

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !