Le Covid, c’est fini ? Politiquement peut-être. A hauteur d’individu, voilà pourquoi il faut continuer à s’en protéger<!-- --> | Atlantico.fr
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Cette photographie prise le 27 janvier 2022, à Montpellier, montre un masque et un pass vaccinal sur un écran de téléphone portable.
Cette photographie prise le 27 janvier 2022, à Montpellier, montre un masque et un pass vaccinal sur un écran de téléphone portable.
©Pascal GUYOT / AFP

Crise sanitaire

Alors que la guerre en Ukraine masque la 6e vague qui s’abat sur l’Europe, le sujet des conséquences des réinfections et de la faible efficacité vaccinale face aux nouveaux variants demeure essentiel.

Antoine Flahault

Antoine Flahault

 Antoine Flahault, est médecin, épidémiologiste, professeur de santé publique, directeur de l’Institut de Santé Globale, à la Faculté de Médecine de l’Université de Genève. Il a fondé et dirigé l’Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique (Rennes, France), a été co-directeur du Centre Virchow-Villermé à la Faculté de Médecine de l’Université de Paris, à l’Hôtel-Dieu. Il est membre correspondant de l’Académie Nationale de Médecine. 

 

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Atlantico : Alors que la quasi intégralité des restrictions ont été levées en France, on évoque la possibilité - même si le sujet est éclipsé par la situation en Ukraine - de l’arrivée d’une sixième vague. Quel est l’état de la circulation virale ? A quelle ampleur et gravité faut-il s’attendre?

Antoine Flahault : La notion de vague est physique. C’est une onde qui se propage. Lorsque deux vagues se rencontrent, leurs effets peuvent s’additionner et former une vague plus haute, somme des deux. C’est ce qui s’est passé lorsque à la mi-décembre dernier la vague de contaminations dues au sous-variant BA.1 d’Omicron a rejoint la vague Delta à peu près au moment où elle atteignait son pic en France. Depuis la fin janvier, la vague BA.1., montée très haut en France avec près de 350 000 cas par jour au moment de son pic, a entamé une décrue rapide. Mais une nouvelle vague liée au sous-variant BA.2 a débuté début février, venant inverser la tendance à la décrue. Vers la fin février, alors que le nombre de nouveaux cas quotidiens en France était un peu supérieur à 50 000, soit supérieur au pic de la vague Delta du 15 décembre, le rebond est survenu. L’ampleur que va prendre cette nouvelle vague est difficile à prévoir. Le taux de reproduction effectif de cette vague BA.2 de l’ordre de 1,15 est voisin de ce qu’il était le 15 décembre lors de l’arrivée de la vague BA.1, mais atteindra-t-il une valeur de 1,50 quinze jours plus tard comme pour la vague BA.1? On le saura dans 15 jours et cela conditionnera l’ampleur de la vague à venir. Le pic de mortalité de la vague BA.1 (enregistré le 9 février) a donc suivi de 10 jours le pic de contaminations en France. Il est donc un peu tôt encore pour évaluer l’ampleur et la gravité que pourrait prendre cette nouvelle vague BA.2 de COVID-19.

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Le vaccin s’est avéré être une arme efficace dans la lutte contre le développement de formes graves, mais devons-nous miser uniquement sur le fait que notre population soit largement vaccinée pour retourner à la vie d’avant ? Sachant qu'il a été conçu contre les premiers variants du Covid-19 et que les études montrent que son efficacité décline rapidement dans les mois qui suivent l'injection ?

On ne tire peut-être pas assez les leçons apprises par les autres pays qui font l’expérience avant nous d’une vague liée au même variant ou sous-variant. Lorsque l’on voit la Corée du Sud faire face aujourd’hui à une vague de forte ampleur liée aussi à BA.2, on peut se poser des questions sur la protection conférée par les vaccins élaborés contre les premiers variants du COVID-19. Malgré une couverture vaccinale de plus de 87%, constituée de vaccins occidentaux (62% de Pfizer/BioNTech, 20% de Moderna et 17% d’AstraZeneca), le pays connaît une progression fulgurante de ses contaminations avec une incidence de 4300 cas pour 100 000 habitants sur 7 jours qui devrait dépasser 5500 dans une semaine (dix fois supérieure à celle de la France actuellement). Les hôpitaux sont sous très forte tension. La mortalité par COVID-19 y est très élevée et ne cesse d’augmenter. Personne là-bas ne parle de gros rhume en évoquant Omicron. On peut se poser la question de savoir ce que les Coréens auraient fait de faux ? Ont-ils administré leurs vaccins il y a trop longtemps ? Peut-être, mais plutôt plus récemment que les Français. N’auraient-ils pas assez injecté de troisième dose ? Peut-être mais 63% ont reçu cette troisième dose contre seulement 53% des Français…

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Faut-il s’inquiéter de réinfections régulières si l’on décide de laisser circuler le virus dans la population comme la plupart des pays sont en train de le faire ? 

Avec Omicron on est entré dans une nouvelle phase de la pandémie. La stratégie zéro Covid est devenue intenable, tant les frontières sont transpercées de toutes part par des sous-variants très transmissibles et l’approche tester/tracer/isoler est rendue non opérationnelle par le très grand nombre de cas identifiés et la très courte durée d’incubation. Ainsi, les gouvernements n’ont pas beaucoup d’autres choix que de préconiser la vaccination et lorsque la situation se détériore brutalement, le port du masque, le télétravail et les jauges dans les grands rassemblements. Le problème que vont rencontrer les gouvernements européens qui ont relâché toutes ces mesures un peu à contre-temps pourrait être une perte de confiance de la population. Les courbes épidémiques sont à des niveaux très élevés, en pleine croissance même. Si les décisions étaient conditionnées à des indicateurs sanitaires plutôt que calendaires, alors la population aurait entendu qu’en fonction de seuils indiqués, il convenait de lever ou d’instaurer les mesures sanitaires. A partir du moment où en dépit des données épidémiologiques défavorables, les gouvernements décident de lever des mesures qui étaient présentées jusque-là comme nécessaires, comment la confiance ne s’éroderait-elle pas ?

A quel point les séquelles du Covid, et notamment les Covid longs, sont ils une menace ? Quelles conséquences ? Quelle est la part de séquelles persistantes et incapacitantes ? Cela augmente-t-il mathématiquement le nombre d’infectés? 

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Les Covid longs représentent une grande inconnue de cette pandémie. De nombreuses études indiquent les dégâts nombreux et sournois sur les tissus profonds de l’organisme, de l’appareil broncho-pulmonaire mais aussi de l’appareil génital, circulatoire ou du cerveau. Il ne semble pas que ces séquelles soient dues à une infection persistante dans l’organisme, sauf peut-être en cas d’immunodépression. Le plus souvent ce sont des atteintes d’origine immunologique post-infectieuses. Sans que cela soit totalement prouvé, il est fort probable que la répétition des expositions au coronavirus, l’importance de la charge virale infectante, et l’absence d’immunité vaccinale, soient autant de déterminants de la gravité de l’infection aigüe comme des séquelles post-infectieuses. C’est une raison supplémentaire de plaider pour le port du masque en lieux clos tant que la circulation du virus est élevée dans la population, comme en cette mi-mars en Europe de l’ouest.

Face à tout cela, quelle protection est possible à hauteur d’individus ?

Même si c’est plus difficile de le faire lorsque l’on est isolé, chacun peut prendre la décision de poursuivre le port du masque en lieux clos en présence d’autres personnes. Ce masque doit être de type FFP2, d’autant que la plupart des personnes n’en portent plus car c’est le masque parmi les plus filtrants de ceux du marché. Le grand chantier qui ne s’est toujours pas ouvert en Europe est celui de l’amélioration de la qualité de l’air intérieur. En attendant que les pouvoirs publics prennent la main sur ce dossier et entreprennent d’établir des normes contraignantes nous garantissant un air intérieur de qualité voisine de celle de l’air extérieur sur le plan microbiologique, nous pouvons œuvrer dans nos propres espaces intérieurs. Il n’est certes pas possible d’intervenir à titre individuel dans les transports publics. Là nous nous équiperons d’un bon masque FFP2 renouvelé chaque jour et nous ne l’enlèverons pas du trajet. Nous pouvons nous équiper d’un capteur de CO2 portable. Au bureau si c’est un espace partagé, une concentration de CO2 supérieure à 800 ppm devra conduire à aérer la pièce, ouvrir les fenêtres et les portes. Au restaurant d’entreprise, à l’espace café, là où l’on enlève le masque, si elle est supérieure à 600 ppm, il vaudra mieux aller casser la croûte dehors par exemple en marchant dans le jardin botanique proche ou au bord du lac si vous vivez là ou j’habite. Rien n’interdit d’installer un purificateur d’air équipé de filtres HEPA ou de lampe à UV dans les cas où l’aération s’avère difficile à améliorer. A la maison, haut lieu de contaminations car on ne peut pas porter de masque en permanence et que les enfants sont de grands pourvoyeurs de coronavirus, on peut aussi s’équiper de capteurs de CO2 pour piloter la ventilation des espaces communs. Les autotests COVID-19 sont d’excellents moyens de vérifier que l’on n’est pas contaminé avant d’aller dîner avec des amis ou en famille, surtout si certains sont à risque dans la fête. On peut privilégier les terrasses de restaurant ou de café en l’absence d’indication d’aération.  Bref, il n’y a pas de raison objective de baisser la garde actuellement, à part si l’on veut croire à un calendrier un peu magique dont on sait juste qu’il ne fera certainement pas reculer l’avancée des variants sur le territoire ni dans nos organismes.

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