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France / USA : 
le plus laïc des deux n’est peut-être pas celui auquel on pense !
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Débat sur la laïcité

Alors que la France entend exclure l’expression religieuse de l’espace public, aux États-Unis, la société est pénétrée de religion. A l’inverse, alors qu’aux États-Unis l’État est parfaitement neutre, en France, il ne cesse d’intervenir dans les affaires religieuses.

Erwan Le Noan

Erwan Le Noan

Erwan Le Noan est consultant en stratégie et président d’une association qui prépare les lycéens de ZEP aux concours des grandes écoles et à l’entrée dans l’enseignement supérieur.

Avocat de formation, spécialisé en droit de la concurrence, il a été rapporteur de groupes de travail économiques et collabore à plusieurs think tanks. Il enseigne le droit et la macro-économie à Sciences Po (IEP Paris).

Il écrit sur www.toujourspluslibre.com

Twitter : @erwanlenoan

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Après Marine Le Pen s’attaquant aux « prières de rue », Jean-Luc Mélenchon souhaitant étendre la laïcité, voilà que l’UMP lance un débat sur la place des religions dans la société, dans un concours général d’exemplarité laïque. Régulièrement, diverses polémiques ramènent ainsi au cœur de l’actualité une laïcité qui se veut toujours plus parfaite, notamment en comparaison de pays comme les États-Unis qui seraient, eux, enferrés dans l’omnipotence de la religion. Il se pourrait qu’il y ait pourtant là quelques erreurs majeures d’interprétation …

Un rôle de l'État différent

La laïcité est la conjonction de deux principes : la séparation des Églises et de l’État d’une part, la liberté de culte d’autre part. En vertu du premier principe, l’État ne « reconnaît, ne salarie, ni ne subventionne aucun culte ». Il s’interdit d’intervenir dans leurs affaires internes. En vertu du second principe, les citoyens sont égaux et pratiquent leur foi librement. Ces deux principes sont valables en France comme aux États-Unis, mais ils n’y sont pas respectés avec la même rigueur.

Premier contraste : l’État Américain respecte plus strictement le principe de séparation, s’interdisant d’intervenir dans le domaine religieux, alors que son homologue Français ne cesse de s’en mêler.

Ainsi, l’État français finance directement certains cultes : en vertu du régime concordataire qui subsiste en Alsace et en Moselle par exemple, ou à travers les écoles privées sous contrat. Outre-Atlantique, où le financement public direct d’écoles religieuses n’est pas permis, cela serait inimaginable.

Surtout, en France, l’Etat se mêle directement de l’organisation des cultes. Ainsi, les ministres de l’Intérieur successifs, de gauche comme de droite, ont œuvré à la mise en place du Conseil français du culte musulman. Cette intervention directe illustre une défiance française vis-à-vis de la société : mieux vaut une organisation pilotée par l’État que de prendre le risque d’une population mal contrôlée. Le débat sur la formation des imams relève de la même logique.

Deux cultures laïques bien différentes

Au-delà, certaines autorités politiques françaises ont aussi des rôles religieux. Depuis 1604, le chef de l’État est chanoine d’honneur de la Basilique Saint-Jean de Latran. A Jérusalem, chaque nouveau Consul général de France est accueilli par une messe au Saint-Sépulcre lors de laquelle il est invité à baiser les évangiles et un crucifix (une trentaine de « messes consulaires » sont célébrées chaque année).

Second contraste : le principe de liberté de culte semble mieux respecté Outre-Atlantique. Alors qu’en France l’expression publique des cultes est mal acceptée, elle est banale aux Etats-Unis.

Les débats sur le port de signes religieux « ostensibles », sur les prières dans l’espace public ou sur l’intervention des autorités catholiques dans le débat public ne cessent de le rappeler. Au-delà des anecdotes et des velléités anti-musulmanes, ce qui ressort de ces polémiques, c’est un caractère propre à la vie politique française qui consiste à exclure toute expression religieuse de l’espace public.

Aux États-Unis, au contraire, la religion est omniprésente et les initiatives privées sont légion en la matière. Le port des signes religieux les plus ostensibles est accepté. Le phénomène religieux y est appréhendé de manière moins obsessionnelle : il faut dire que le pluralisme religieux a fondé la liberté américaine.

Les différences entre les laïcités française et américaine sont bien là : la France se vit « laïque » alors que l’État ne cesse d’intervenir dans le domaine des cultes, quand les États-Unis se vivent « religieux » et que l’État y reste neutre. En France, la laïcité n’est plus un régime d’apaisement social, elle est devenue un programme politique. Elle représente désormais la « sortie de la religion », quitte à la provoquer parfois brutalement.

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