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Un exemplaire de La Constitution est exposé au Salon Napoléon III de l'Elysée, lors des "Journées européennes du patrimoine" à Paris, le 16 septembre 2023.
Un exemplaire de La Constitution est exposé au Salon Napoléon III de l'Elysée, lors des "Journées européennes du patrimoine" à Paris, le 16 septembre 2023.
©Photo de Ludovic MARIN / AFP

Démocratie

Emmanuel Macron devrait prononcer ce mercredi un discours à l'occasion des 65 ans de la Constitution de la Ve République. L'Elysée évoque un "événement particulièrement important".

Rafaël Amselem

Rafaël Amselem

Rafaël Amselem, analyste en politique publique diplômé du département de droit public de la Sorbonne. Rafaël Amselem est également chargé d'études chez GenerationLibre.

 

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Atlantico : Comment se porte la Ve république ? Certains disent qu’elle est épuisée. Vous diriez qu’elle est malade ou simplement usée ? 

Rafaël Amselem : Je dirais qu’elle est malade dans son principe-même. Déjà à son époque, c’est Raymond Aron, qui notait qu’il y avait un déséquilibre palpable entre le Président de la République (l’Exécutif de manière générale) et le Parlement. Les députés sont redevables devant le Président de la République. D’emblée, le Parlement d’emblée se trouve dans une situation de subordination vis-à-vis du Président de la République.

Je pense qu’il y a deux points essentiels qui nous indiquent un problème. Le premier, c’est un déséquilibre institutionnel. Au fond, le Président de la République est dans une position où il est seul. Il est dans une solitude consacrée  au niveau institutionnel avec des contre pouvoirs qui sont assez peu efficaces et ont trop peu de poids pour pouvoir s’opposer à sa volonté. Le Parlement dispose de trop peu de prérogatives. En matière d’évaluation et de contrôle de l’action publique, le Parlement a des moyens qui sont dérisoires face à une armée ministérielle qui dispose d’une administration d’experts. Des effectifs qui leur permettent d’imposer leur narratif. En France, les contre pouvoirs peuvent assez peu jouer leur rôle. On le voit non seulement en période d’urgence. Je pense à la crise sanitaire avec le conseil de défense sanitaire. Outil qui n’a aucune légitimité institutionnelle et qui pourtant a été le cœur de la machine de prises de décisions pendant la crise covid. Et puis le deuxième point, je reprendrai une idée de François Sureau. La 5e République consacre une vision extrêmement verticale de la société. Au fond, on a une vision du politique dans lequel l’intérêt général ne se dégage pas par la confrontation des passions et des intérêts opposés institutionnalisés dans un parlement ; mais au contraire dans une vision où on va dicter depuis en haut quelle est la marche à suivre.Vous avez donc deux versants à cette vision verticale de la société. Une vision géniale, dit françois Sureau, c’est celle du général de Gaulle. Et une vision un peu bête, un peu stupide, un peu technocratique. 

Le problème vient de nos institutions ou du fait que nos intellectuels et dirigeants politiques ont cessé de penser le monde ?

Je pense qu’il y a une dynamique d’inertie entre les institutions et la dégradation des élites institutionnelles. Nous sommes dans une période où nous avons une dégradation du débat politique liée effectivement à des personnes ou des dynamiques électorales. Pour moi, ce qui a extrêmement fragilisé la vie politique française ces dernières années, c’est cette idée selon laquelle on peut avoir une sorte de grand centre qui se pense comme les raisonnables contre les fous, les responsables contre les inconscients. « Moi ou le déluge », c’est ce qui résume le débat.  D’une part, cela enferme le pouvoir dans une sorte de centre mou, pragmatique, qui pense que le réel se suffit et qu’il ne suffit que de faire des raffistolages pour aboutir à une amélioration de la situation. D’autre part, c’est un centre qui n’a pas de grandes ambitions et donc pas de politiques sérieuses.

La République est-elle malade de sa constitution ou de ses responsables politiques ?

Je pense fondamentalement que les deux se nourrissent. Pour résumer, il y a une dynamique qui a été celle de la Macronie entre le centre et les extrêmes. Mais il y a aussi les institutions qui entretiennent cette forme de médiocrité parce qu’on fait fondre le débat d’idées au profit du débat des personnes. Le mécanisme du compromis est grippé. On est soit contre Macron, soit contre Mélenchon. Ça embrouille le débat électoral. 

Par conséquent, est-ce que passer à une 6e république, comme la France Insoumise l’appelle de ses vœux, servirait à quelque chose ? 

Il me semble tout d’abord que tout le monde est d’accord sur l’idée qu’il y a besoin d’une réforme institutionnelle. Je pense qu’il y a deux solutions possibles. La première, c’est celle qui est prônée par l’organisation que je représente (Génération Libre) qui est de dire qu’il faudrait supprimer le suffrage universel du Président de la République. Ce qui aurait l’avantage de conserver la 5e République. Pour le coup, nous n’aurions pas besoin de réforme institutionnelle. Cela aurait aussi l’avantage de dépersonnaliser le débat pour revenir sur des constructions de débat d’idées et de compromis. La deuxième, c’est de défendre une 6eRépublique. Il faut quand même noter que la grande majorité des pays européens sont des régimes parlementaires. Et que ça se passe bien ! Les pays ne sont pas bloqués sur le plan institutionnel. 

Ce que je reprocherai à Jean-Luc Mélenchon sur sa 6e République c’est qu’il n’en donne pas tous les contours. C’est très facile d’être dans de l’incantation. Mais quand on pose la question de la constitution, il faut donner des voies précises. Je doute que les aspérités démocratiques de Monsieur Mélenchon et ce qui pourrait en résulter dans une 6e République, soient vraiment sincères.

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