La Pologne, nouveau de centre de gravité de l’Union européenne<!-- --> | Atlantico.fr
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Emmanuel Macron, le président polonais Andrzej Duda et le chancelier allemand Olaf Scholz lors de la Conférence de Munich sur la sécurité, le 17 février 2023.
Emmanuel Macron, le président polonais Andrzej Duda et le chancelier allemand Olaf Scholz lors de la Conférence de Munich sur la sécurité, le 17 février 2023.
©ODD ANDERSEN / AFP

Fragilisation de la France

Les propos d’Emmanuel Macron sur la Chine, Taïwan et les États-Unis affaiblissent la position française au sein de l'UE au profit de pays d’Europe de l’Est, comme la Pologne.

Jérôme Quéré

Jérôme Quéré

Jérôme Quéré est Délégué général du think tank Confrontations Europe. 

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Atlantico : La Pologne, souvent désignée comme un mauvais élève en Europe, semblerait jouir d’une nouvelle image depuis le début du conflit en Ukraine. Comment l’expliquer ? 

Jérôme Quéré : Depuis la guerre en Ukraine, l’Europe et le monde ont totalement changé leur vision de la Pologne. Avant le conflit, on disait que la Hongrie et la Pologne étaient les mauvais élèves de l’Union Européenne, notamment en ce qui concerne les campagnes anti-LGBT et anti-migrants. Mais la Pologne est revenue sur certaines de ses décisions, notamment les « LGBT free zone », une pratique qui lui a valu le refus de certaines subventions européennes. En effet, quand la Pologne va un peu trop loin et que l’UE émet des critiques, elle a tendance à revenir en arrière, contrairement à des pays comme la Hongrie. Une autre différence avec la Hongrie est la liberté d’expression et le pluralisme des médias, qui sont mieux respectés par la Pologne. Suite au conflit, la Pologne, qui a une longue histoire commune avec la Russie, a commencé à accueillir de nombreux réfugiés ukrainiens dès le début de la guerre. D’ailleurs, ils ne s’étaient jamais trompés sur la dangerosité de Vladimir Poutine, contrairement à la France ou de nombreuses élites avaient une vision romancée de la Russie. Les Polonais ont toujours appelé à se méfier de Poutine, arguant que la diplomatie ne fonctionne pas avec Moscou. En somme, pendant que la France faisait en sorte que la Russie reste dans le Conseil de l’Europe, la Pologne a toujours été plus lucide vis-à-vis de son inquiétant voisin. 

De plus, les Polonais ont eu souvent du mal à se faire entendre sur la scène internationale. Avec le conflit, nous sommes bien obligés d’admettre qu’ils avaient raison vis-à-vis de la menace russe. Suite à la guerre, le centre de gravité de l’Europe a bougé, le couple franco-allemand n’étant plus aussi fort qu’avant. Les pays de l’Est ont plus de facilités à se faire entendre, notamment en termes de politique étrangère. De ce point de vue, la Pologne prend tout son poids. Notons également que la puissance des États membres de l’Union Européenne se mesure aussi à leur population. Malte ou le Luxembourg auront un poids moindre qu’un pays plus peuplé. À cet égard, si la Pologne est loin de mener le bal en Europe, elle fait partie des grands pays, comme l’Italie ou l’Espagne.  

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Malgré tout, la Pologne incarne-t-elle une forme d’esprit européen, plus que la France et l’Allemagne à l’heure actuelle ? 

L’esprit européen a différentes définitions selon les interlocuteurs. Si on parle de valeurs humanistes, la Pologne est exemplaire au regard du nombre de réfugiés ukrainiens qu’elle accueille. L’État de droit est aussi un socle commun de l’Union Européenne. Mais de ce point de vue, la Pologne frôle avec les limites, notamment du point de vue de l’indépendance de la justice.  

La Pologne peut-elle utiliser son poids actuel pour peser plus qu’elle n’a pu le faire et imposer une dynamique plus favorable à l’avenir ?  

Comme je l’expliquais précédemment, la Pologne a été fortement critiquée sur l’indépendance de sa justice. À cause de ces critiques, elle ne s’est pas vu accorder un certain nombre d’enveloppes dans le cadre du plan de relance européen. Pourtant, l’essor économique de la Pologne est en grande partie dû à l’Union Européenne. À l’avenir, Varsovie peut essayer de peser davantage sur les décisions européennes, être plus convaincante sur les sanctions envers Moscou. À l’inverse, sur des domaines comme l’environnement, elle est loin d’être un bon élève. En fonction des sujets, l’image des pays européen peut radicalement changer.  

À ce sujet, dans quelle mesure les propos d’Emmanuel Macron sur la Chine ou les États-Unis affaiblissent la position française au profit de pays d’Europe de l’Est, comme la Pologne ? 

On commence à être habitués aux sorties d’Emmanuel Macron sur la scène internationale. Quand on fait partie de l’Union Européenne, il convient de se concerter avec les différents États membres, de ne pas faire cavalier seul, que ce soit sur les relations économiques avec la Chine ou les États-Unis. Ainsi, les déclarations d’Emmanuel Macron ont choqué nos partenaires. Flirter ou draguer tel ou tel pays, en se mettant à dos ses partenaires les plus proches, n’est pas la meilleure des idées. Mais d’autres États s’étaient rapprochés de la Chine avant cette guerre, comme la Grèce ou Malte. Ce conflit ukrainien devrait donc permettre une prise de conscience, un rapprochement des pays de l’UE. Par exemple, Angela Merkel a été fortement critiquée lorsqu’elle a négocié toute seule avec la Chine dans le cadre d’un partenariat sur les panneaux solaires. À cause de ce rapprochement, l’Europe aurait pu développer davantage sa filière. L’histoire se répète, et suite aux propos d’Emmanuel Macron, c’est désormais la France qui est critiquée par plusieurs États membres, notamment la République Tchèque. 

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