"La politique échappe-t-elle à l'exigence de vérité ?" : quand le sujet du bac philo prend une connotation d’actualité brûlante<!-- --> | Atlantico.fr
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L'intitulé du sujet de philosophie au baccalauréat sur l'exigence de vérité en politique à une forte résonance avec l'actualité.
L'intitulé du sujet de philosophie au baccalauréat sur l'exigence de vérité en politique à une forte résonance avec l'actualité.
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Référendum sur la constitution européenne de 2005 non pris en compte, déclarations faisant peu de cas de la souveraineté du peuple grec... L'intitulé du sujet de philosophie au baccalauréat sur l'exigence de vérité en politique à une forte résonance avec l'actualité.

Henri-Paul Hude

Henri-Paul Hude

Henri-Paul Hude est écrivain et philosophe français, spécialiste des questions d'éthique et de philosophie politique. Il est également l'auteur de L'éthique des décideurs, 2eme édition, Economica, 2013 ; et de La force de la liberté, Economica, 2013.

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Nous ne pouvons pas vivre indéfiniment dans le mensonge, ou dans l’illusion volontaire (ou involontaire). La réalité finit toujours par nous rattraper. Tel était, en français, le sujet de philosophie au bac 2015. Il n’est pas de sujet plus actuel, en Europe.

Nous avons tous l’impression d’un réveil douloureux et d’être arrivés à une heure de vérité, où les plus dures questions se posent : sommes-nous encore en démocratie ? Dans quelle mesure, d’ailleurs, étions-nous vraiment en démocratie ? L’économie libérale assure-t-elle encore la prospérité ? L’Europe garantit-elle encore la paix ? Est-ce que nous ne sommes pas tous rattrapés par la réalité ? 

>>> Lire également La démocratie, c’est fini ? Quand la peur du populisme (et des peuples) fait perdre la boussole aux élites européennes

Nos démocraties reposent sur l’Idée de la Liberté. Historiquement, la liberté s’est définie surtout à partir de la peur d’une Vérité (idéologique, ou religieuse), qu’on pourrait imposer par la force à ceux qui n’y croiraient pas. Mais une telle crainte ne suffit pas pour faire une culture assurant la paix. Pour que le dialogue ait un sens, et surmonte la violence, il faut curieusement avoir en commun l’idée de la vérité. Et c’est parce que nous sommes capables de chercher de bonne foi des vérités communes, disait Marcel Conche, que nous savons que notre liberté est réelle. Une société libre repose donc sur une culture qui sait harmoniser liberté et vérité. N’est-ce pas d’abord en cela que la réalité rattrape notre culture ?  

Wolfgang Schäuble se lamente : « C’est la démocratie, c’est difficile. » Il faudrait pouvoir forcer les Parlements, la liberté, à se montrer raisonnables. Sans doute a-t-il raison de dire que la Grèce a été gérée n’importe comment. Elle est ruinée. Elle est rattrapée par la vérité. La liberté doit respecter des vérités de bon sens. Mais pour une autre part, il n’a pas raison. Autre chose est le bon sens, qui conseille de ne pas vivre au-dessus de ses moyens, et autre chose l’idéologie libérale qui régit notre univers. C’est une imposture que de présenter cette idéologie comme une science disant la vérité complète et définitive sur l’économie. Ce n’est pas seulement Athènes, mais Bruxelles, et Berlin, Paris, Washington et Wall Street, qui sont rattrapés par la vérité. 

Schäuble est un mélange d’Allemand conservateur, industriel, mercantiliste et autoritaire, et d’économiste libéral, chrétien et créancier impitoyable: rien de cela n’est cohérent. L’Allemagne est rattrapée par la réalité. L’idéologie libérale est aussi absurde que le communisme. Elle est le communisme à l’envers. Pour ce dernier, l’individu n’est rien, la communauté politique est tout. Pour nos libertaires, c’est l’inverse. Cette culture n’assure pas durablement les biens humains : prospérité, répartition équitable, solidarité, liberté, paix. Elle aboutit à un régime ploutocratique et technocratique. Peut-on encore appeler cela démocratie? Et se gargariser de "République" ?

Où est la démocratie, quand on parle de l’abolir pour forcer les peuples à payer des dettes insensées ? L'Europe, est-ce l'abolition de la souveraineté des peuples inséparable de celle des nations ? Va-t-on rétablir l’esclavage pour dettes et transformer les pays débiteurs en vaches à lait ? Seule une politique de force et de dictature pourrait imposer une telle politique. Tous rattrapés par la réalité, c’est bien pour nous l’heure de vérité.  

C’est tout le monde occidental qui est aujourd’hui rattrapé par la réalité. Est-il encore démocratique ? Pourtant, il croit encore en la liberté. C'est dans ce temps que surgit de façon tragique une authentique possibilité démocratique, dans la souffrance des peuples.

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