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La France va-t-elle mieux qu’elle le croit ? Les indicateurs qui éclairent les arguments de ceux qui voient le pays en pleine dépression sans fondement
©JEAN-CHRISTOPHE VERHAEGEN / AFP

Plongée dans les chiffres

Réponse à l'Elysée qui assure pour convaincre de l'action gouvernementale que la France va mieux qu’elle ne le croit : les indicateurs économiques sont - réellement - préoccupants.

Philippe Waechter

Philippe Waechter

Philippe Waechter est directeur des études économiques chez Natixis Asset Management.

Ses thèmes de prédilection sont l'analyse du cycle économique, le comportement des banques centrales, l'emploi, et le marché des changes et des flux internationaux de capitaux.

Il est l'auteur de "Subprime, la faillite mondiale ? Cette crise financière qui va changer votre vie(Editions Alphée, 2008).

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Noam Leandri

Noam Leandri

Noam Leandri est président de l'Observatoire des inégalités.

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Atlantico : Dans un contexte marqué par la crise des Gilets jaunes, certaines voix se font entendre sur la thématique d'une "France de Macron" qui "irait mieux qu'elle ne le pense", invalidant ainsi la légitimité des mouvements sociaux que connaît le pays depuis plusieurs mois ou plusieurs années. Quels sont les indicateurs qui pourraient venir contrebalancer un tel point de vue ?

Noam Leandri : Il est vrai que la France est un pays riche et qui se porte bien si l’on se compare au reste du monde. La taux de pauvreté (14%) est un des plus faibles d'Europe mais le nombre de pauvres a fortement augmenté sur les 10 dernières années. Selon les méthodes, la France compte entre 500 000 et 1 million de pauvres en plus. Les personnes dans une situation de précarité sont donc en augmentation, notamment au travers d’une nouveau situation de précarité au travail. Ce phénomène des travailleurs pauvres, relativement récent, s’explique par des emplois mal payés ou à temps partiel, subis le plus souvent, ou parce que l’on enchaîne des CDD et des périodes de chômage. Autre sujet d'inquiétude, le chômage en France reste très élevé malgré les dernières années ou la croissance a été plus forte qu’auparavant. On dit que quand le batiment va tout va mais Malgré un pic sur la construction de logements, avec 500 000 logements créés en 2017, cela n’a pas suffit à faire baisser suffisamment le taux de chômage, qui reste à un niveau proche de 9%, contrairement à d’autres pays en Europe ou Outre-Atlantique.

Sur le plan social, les inégalités de revenus sont plus faibles qu’ailleurs, mais elles ne baissent pas. Malgré la légère amélioration sur le front de l’emploi, les inégalités stagnent notamment en raison de la politique fiscale mise en place, baisse des APL d’un côté, ou suppression de l’impôt sur la fortune de l’autre.

Dans un article publié par le Monde, l’économiste François Bourguignon déclarait : « Pour la première fois depuis  la guerre, le pouvoir d’achat a décliné sur une longue période »…

Noam Leandri : La mesure du pouvoir d'achat est un sujet complexe. Il faut aussi considérer la part des dépenses contraintes et déterminer le “reste à vivre”. Quand l’immobilier prend une part de plus en plus importante de vos revenus, cela laisse beaucoup moins de revenu disponible pour vivre. La part du logement dans les revenus est passée en 50 ans de 10% à 25%. Donc même si le pouvoir d’achat augmente ou stagne, les dépenses contraintes augmentent. Il faut également considérer que certains prix comptabilisés dans l’inflation n’ont pas les mêmes effets sur toutes les catégories de la population, comme le prix d'une baguette de pain ou un litre d’essence qu'on achète plus régulièrement qu'un ordinateur ou un meuble. 

Il faut également remarquer que si l'inflation est faible, la croissance des salaires l’est également. Ce qui ne conduit pas à l’optimisme. Selon l’idée de Keynes relative aux “esprits animaux”, l’inflation et l’augmentation des salaires rend plus optimiste sur l’avenir, comme cela a été le cas lors des 30 glorieuses. Dans les années 1970, les ouvriers pouvaient espérer toucher l’équivalent du salaire d’un cadre en fin de carrière. Aujourd'hui, il faudrait plus de deux vies. Cela donne le sentiment de ne pas avoir la possibilité d’améliorer sa vie.   

On peut s’inquiéter que la France a encore un taux de chômage élevé, et un nombre de pauvres conséquent, et qu’en cas de retournement économique, ce qui pourrait arriver si un cycle de 10 ans est respecté, nous nous retrouverons avec un niveau de chômage qui risquerait encore d’augmenter. Une des propositions que formule l’Observatoire des inégalités est de mettre en place un revenu minimum qui soit au moins égal au seuil de pauvreté, de façon à éradiquer la pauvreté. Ce qui coûterait 6 milliards d’euros par an, presque deux fois moins que les mesures gilets jaunes. 

Au regard des derniers indicateurs économiques, dont les PMI publiés ce 22 mars, comment évaluer la situation économique du pays, de la croissance à l'emploi en passant par les salaires ?

Philippe Waechter : Les indicateurs Markit, pour mars et publiés ce 22 mars, suggèrent que le choc subi par l'économie mondiale depuis la fin de l'été 2018 se prolonge et s'accentue au premier trimestre. Ce choc porte sur le commerce mondial et les échanges. L'indicateur, moyenne des commandes étrangères en Zone Euro, au Japon et aux USA, est assez cohérent avec l'allure du commerce mondial. En mars cet indicateur de commandes se contracte pour le 4ème mois consécutif suggérant encore un ajustement à la baisse des échanges internationaux.

Au sein de la zone Euro, l'indicateur allemand se contracte et est au plus bas depuis avril 2013. En France l'indicateur est aussi largement en territoire négatif.

Cet environnement est l'élément clé de la conjoncture car c'est une contrainte sur l'allure de l'activité industrielle proche et donc sur celle des services à un horizon un peu plus lointain. L'INSEE dans sa note de conjoncture fait une hypothèse moins négative sur l'environnement international. C'est le phénomène de différentiation des scénarii globaux.

La conséquence est qu'il ne faut pas attendre une dynamique très forte des exportations ni une reprise de l'investissement des entreprises. Les perspectives négatives sur l'activité à venir ne vont pas inciter les chefs d'entreprise à précipiter leurs dépenses d'investissement. Ils préfèreront attendre un peu que la situation s'éclaircisse. Les conditions financières sont très permissives mais elles ne sont pas, à l'échelle macroéconomique, une condition suffisante pour investir massivement.

L'allure pour l'économie française est positive à court terme en raison des mesures de relance adoptées par le gouvernement et qui amélioreront le pouvoir d'achat via la prime d'activité et la prime défiscalisée. Cependant, l'environnement international risque de rattraper et de contraindre cette trajectoire. Cela ne permettrait pas de maintenir l'allure du premier trimestre tout au long de l'année comme le suggère la nouvelle prévision du gouvernement à 1.4% en moyenne pour 2019.

Le point préoccupant, forcément, est celui de l'emploi. L'enquête Markit donne un signal de stabilité sur l'emploi privé avec une contraction de l'emploi manufacturier.

La situation est préoccupante.

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