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La France, ce paradis canin
©Decitre .fr capture d'écran

Bonnes feuilles

La maison d'édition "Plon" publie Dans la peau des bêtes, La vie sensible et intelligente des animaux de Aline Richard Zivohlava. Extrait 2/2.

J’habite avec mon maître tout en haut de la rue Saint-Denis à Paris. Cabot parisien parfaitement adapté à son environnement, je suis assez petit pour me tenir à l’aise dans le panier à vélo du grand jeune homme qui s’occupe tendrement de moi. L’autre jour, il neigeait, quel temps de chien! Emmitouflé dans l’un de ses vieux pulls, dont la couleur beige s’accorde bien à ma robe blanche et brune, nous nous sommes rendus à son travail, comme tous les jours.

Vie de chien… oui, mais très urbain ! J’ai bien conscience d’être un privilégié parmi les canidés. Savez-vous qu’il existe, de par le monde, pas loin de 200 millions de chiens, sans compter les sauvages ? En France, nous serions 7,3 millions, soit un pour neuf habitants. Chiens de garde ou de compagnie, on nous trouve surtout dans les petits villages et les grandes villes. Dans la capitale, il y aurait environ 200000 «parichiens» pour 2,2 millions de Parisiens. Certains d’entre nous sommes devenus de véritables accessoires de mode. Un akita inu (chien japonais, nounours, mais costaud) pour les trentenaires du quartier Montorgueil; un chihuahua dans le sac de Madame ; un labrador pour aller courir au bois de Vincennes… le Paris canin est fort sophistiqué. Laisse au poignet (le même que celui de la grosse montre), un bon maître dépense libéralement : dog-sitter, menus bio, hôtels pour chiens, colliers dorés et connectés, comptez un budget archi-minimum de 800 euros par an, bien plus si vous m’aimez vraiment.

Il y a des ronchons qui diront que notre contribution à la vie parisienne est plutôt du genre malodorante avec quelque 16 tonnes de déjections par jour. Sans compter les pipis, élément central de la sociabilité canine. Vous saluez bien vos voisins quand vous les rencontrez à la boulangerie ? Eh bien, nous, nous déposons quelques gouttes d’urine sur le poteau du lampadaire, la patte levée à hauteur pour que les congénères du quartier sachent quel est le petit, ou grand, chien qui est passé par là, son sexe, ou son état sexuel. Pas de quoi émouvoir celles et ceux qui ne nous aiment pas, il en existe ! Le chien méchant dont ont peur les facteurs est une figure de style de la cam‑ pagne française, tout comme la bête aux babines bavantes, enragée pour sûr, qu’il faudra abattre comme un chien. La langue française regorge d’expressions désobligeantes à notre égard : être traité comme un chien, évidemment, cela nous met dans une humeur de chien ! De quoi garder à ces malveillants un chien de leur chienne…

Mais la France est un paradis canin, comparé à ce que l’on nous fait subir ailleurs dans le monde. Ainsi, nous sommes viande de boucherie en Corée, dans la péninsule indochinoise et en Chine, où des chiens, parfois volés à leurs maîtres, finissent dans les marmites des amateurs (le chien braisé, d’essence « yang », est réputé aphrodisiaque). Mais on nous mange aussi en Suisse, le saviez-vous ? En Inde, ce sont les «chiens parias » que l’on maltraite, millions de pauvres bêtes semi-sauvages aux abords des cités. Dans le monde musulman, le clebs (de l’arabe kalb, pluriel kleb) n’a pas non plus bonne presse : le mot est une méchante insulte. Selon l’historien Alan Mikhail, professeur à l’université de Yale aux États-Unis, ce n’est pas tant l’image impure du chien véhiculée par certains passages du Coran qui serait en cause, mais plutôt l’association entre épidémies, dépôts d’ordures et chiens qui s’y nourrissaient qui a entraîné, au début du XIXe siècle, de vastes programmes d’éradication des chiens dans plu‑ sieurs cités du Moyen-Orient.

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