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La droite "hors les murs" : l’autre contestation à laquelle Nicolas Sarkozy devra faire face au lendemain des régionales
©Reuters

Attaqué des deux côtés

Si au lendemain du premier tour des régionales, les critiques ont surtout émergé de l'aile modérée de la droite, le chef des Républicains prête aussi le flanc à ceux qui auraient voulu une position inspirée de la droite dure.

Carole  Barjon

Carole Barjon

Carole Barjon est rédactrice en chef adjointe à la rubrique politique, chargée de l’Elysée et de la droite au Nouvel Observateur.

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Frédéric  Métézeau

Frédéric Métézeau

Frédéric Métézeau est journaliste depuis 15 ans. Il a été journaliste pour France Bleu Nord, basé à Lille, et a présenté les informations sur France Inter avant devenir chef du service politique sur France Culture. Depuis août 2015, il est chef du service politique de France Inter.

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Atlantico : Après les résultats du premier tour des régionales, les critiques à l'égard de Nicolas Sarkozy ont surtout émergé de l'aile "centriste" de la droite. Que ce soit de la part d'Hervé Mariton, d'Alain Juppé ou encore d'Eric Woerth -qui s'est par la suite rétracté-, comment cette critique est-elle structurée, autour de quoi s'articule-t-elle ?

Carole Barjon : Les critiques qui sont adressées au chef des Républicains sont très différentes : Alain Juppé par exemple, brûle de faire le procès de la ligne qu’il juge droitière de Nicolas Sarkozy. Il estime que depuis 2012, l'UMP n’a envoyé que des messages "buissonistes". Autre critique, celle du député de la Drôme Hervé Mariton, qui remet en cause, non pas le fond, mais le leadership de Nicolas Sarkozy, et sa capacité à remporter les élections de 2017. Il  pense qu’une partie de l'électorat de droite rejette désormais Nicolas Sarkozy. Il n’a pas tort. L’analyse des résultats du premier tour révèle en effet une défiance à l’égard du président des Républicains dont témoignent les scores des listes de Debout la France de Nicolas Dupont-Aignan : autour de 5%, et même un peu plus en Ile-De-France. La plupart des politologues s'accordent à dire qu’une partie de ces électeurs de droite cherchaient une offre politique alternative tout en se refusant à voter Front national. En d'autres termes, ce sont des électeurs qui ne voulaient pas voter pour Nicolas Sarkozy. 

Son leadership est donc effectivement en cause. Il l'est d'autant plus qu'il avait dit au moment de son retour que s'il revenait, c'était par devoir, et parce qu'il était le seul à pouvoir contenir -et réduire- le Front national. Au regard de ces objectifs qu’il s’était lui-même fixé, la stratégie de Nicolas Sarkozy est un échec.

Il sera en revanche plus compliqué, pour les représentant de la droite "modérée", d'attaquer Nicolas Sarkozy sur sa stratégie, au moins pour ces élections, puisqu’elle a été définie en commun avec l'UDI-Modem, et que c'était celle qui avait la faveur d’Alain Juppé. Ce qui semble en cause pour ce dernier, c’est plutôt la tonalité des discours. En réalité, le maire de Bordeaux s'en prend surtout au vocabulaire, voire au tempérament du chef des Républicains. 

Mais il faut évidemment attendre le second tour pour tirer des conséquences définitives. Les critiques ne seront pas de même ampleur selon que les Républicains l’emporteront dans 3 ou bien dans  8 régions dimanche prochain. Lors de ce premier tour, les résultats du Front national sont tout aussi considérables  dans les régions où les têtes de liste étaient centristes, comme dans le Centre-Val-de-Loire avec l’UDI Philippe Vigier ou en Normandie avec Hervé Morin, co-fondateur de l’UDI, que dans celles où elles étaient menées par un candidat LR. En Midi-Pyrénées, Dominique Reynié qui a mené une campagne plutôt centriste, est arrivé troisième. Manifestement, l'étiquette centriste ne semble donc pas plus efficace qu’une autre. On imagine assez bien Nicolas Sarkozy utiliser cet argument-là. Ce débat s'annonce donc assez compliqué sur la ligne. Quels que soient les règlements de compte post-régionales, cette question sera en réalité tranchée lors de la primaire pré-présidentielle.

Frédéric Métézeau : On peut globalement regrouper les critiques qui lui sont portées en deux types. D'une part, il y a celles qui proviennent du centre-droit, comme celles de Jean-Christophe Lagarde ou de François Bayrou qui ont tous deux demandé à ce que les listes arrivées en 3ème position dimanche dernier se désistent. C'est-à-dire à ne pas respecter la consigne de Nicolas Sarkozy et tenir un front républicain. De même, mais à l'intérieur du parti cette fois, Jean-Pierre Raffarin s'est ouvertement exprimé en faveur du désistement de la droite à la faveur de la gauche pour empêcher le FN de gagner.

Mais d'autres critiques commencent également à apparaître, plus globalement, sur le leadership de Nicolas Sarkozy. Ainsi, Alain Juppé a demandé une clarification idéologique, tout comme Hervé Mariton. Mais n'oublions pas qu'ils sont tous deux candidats aux primaires, ce qui suppose qu'ils défendent nécessairement une position différente de l'ancien président. D'ailleurs, les projets ne sont pas forcément les mêmes : Hervé Mariton défend une ligne très libérale sur les questions économiques, et conservatrice sur les questions de société, comme on a pu le voir lors des débats sur le "Mariage pour tous". Mais que pense vraiment Nicolas Sarkozy à propos d'une abrogation du mariage pour tous ? Et sur les 35 heures ? C'est peut-être pour toutes ces questions, qui aujourd'hui n'ont pas de réponse, qu'Hervé Mariton demande une clarification.

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Jusqu'à présent, comment Nicolas Sarkozy a-t-il géré cette critique ?

Frédéric Métézeau : En premier lieu et traditionnellement on respecte le chef à droite, d'autant plus lorsqu'il a été élu sans irrégularité, et encore davantage lorsqu'il s'agit d'un ancien président. La culture gaulliste et bonapartiste, qui est un héritage du RPR opère toujours. 

Ensuite il ne faut pas oublier l'état dans lequel était l'UMP avant le retour de Nicolas Sarkozy : une mauvaise santé financière, et un parti morcelé et encore douloureux de la séquence Coppé-Fillon... Nicolas Sarkozy a au moins réussi à résorber ces deux problèmes en tant que chef de parti, et les dernières élections départementales lui ont réussi. Il était jusqu'à présent difficile de le critiquer, d'autant qu'il dit avoir accepté d'organiser des primaires ouvertes... Voilà beaucoup d'éléments à mettre à son crédit. 

En revanche, si dimanche prochain les résultats sont de l'ordre d'un tiers pour le FN, un tiers pour les Républicains, et un tiers pour le PS, le scénario de la vague bleu qui avait été prédit sera loin d'être réalisé... Car avec ce relatif échec du premier tour, la formation Républicains-UDI n'est que la deuxième formation politique de France. C'est donc le Front national qui apparaît comme la première opposition à l'exécutif. Souvenons-nous que Nicolas Sarkozy avait dû sacrifier plusieurs têtes de liste de droite au profit des centristes -ce qui avait fait grincer des dents- lesquelles se retrouvent aujourd'hui sérieusement talonnées par le FN. 

Dans le dernier numéro de la revue Eléments, Patrick Buisson évoque une droite "hors les murs", qui ne croirait pas en Nicolas Sarkozy pour incarner leurs idées politiques. Les résultats aux Régionales pourraient-ils être une opportunité pour cette droite de critiquer l'actuel chef des Républicains ?

Frédéric Métézeau : La critique de Nadine Morano, au lendemain des élections régionales, peut s'inscrire plus largement dans la critique de la droite buissonienne de Nicolas Sarkozy. Dans cette ombre de Patrick Buisson, on peut également intégrer Eric Zemmour, ou encore Philippe de Villiers. Parmi leurs critiques, il y l'idée que le parti Les Républicains ne défendrait pas assez l'héritage chrétien de la France, idée qui sonne comme un programme dans la pensée buissonienne. Si Nicolas Sarkozy fait régulièrement allusion à cet héritage, auquel il ne cache pas qu'il est d'importance pour la construction de la France, le chef des Républicains n'est pas charpenté idéologiquement comme pourrait l'être Philippe de Villiers par exemple.

De même, cette droite buissonienne lui reproche d'être pro-européen, mondialisé et cosmopolite... D'ailleurs, si Nicolas sarkozy fait des clins d’œil aux électeurs du Front national, en abordant des thèmes comme l'immigration ou la place de l'islam en France, il n'a pas hésité longtemps avant d'évincer Nadine Morano pour ses propos sur la "race blanche". Il faut bien savoir que Patrick Buisson est très amer quant au quinquennat de Nicolas Sarkozy, sur ce qu'il a fait comme ce qu'il n'a pas fait. 

Ces attaques portées en bloc représentent un certain danger lorsque l'on voit que la tendance lourde des droites en France est de tendre vers le souverainisme, les idées conservatrices, voire même d'extrême droite lorsqu'il s'agit du FN. Nicolas Sarkozy est beaucoup plus à découvert sur sa droite que sur sa gauche. 

Quoiqu'il en soit, tout dépendra des résultats des résultats du second tour : car avec le mode de scrutin actuel, il est possible sur le papier que le FN ne gagne aucune région... Mais est-ce une stratégie convenable de devoir compter sur un mode de scrutin pour remporter une élection ?

Carole Barjon : J’imagine que Nicolas Sarkozy espère qu'elles s'annuleront les unes et les autres ! Entre les attaques du député LR Jacques Myard contre sa ligne trop centriste ou la position droitière de Laurent Wauquiez, l’un des rares à être arrivé en tête devant le FN dimanche dernier, et celles des partisans d’une droite plus modérée, il tentera évidemment de se poser en arbitre !   

Entre ces deux critiques, par nature opposées, laquelle a selon vous le potentiel de nuisance le plus important pour Nicolas Sarkozy ?

Carole Barjon : C'est une situation extrêmement complexe pour la droite. Et très périlleuse. L'installation du tripartisme l'oblige à regarder à droite comme à gauche. Comme Nicolas Sarkozy l’a lui-même résumé en réunion de groupe mardi 8 décembre, il doit convaincre dans le Nord des voix de gauche, et dans le Sud des voix de droite ! Toute la difficulté tient dans le fait que les messages à donner ne sont pas les mêmes en fonction des régions car la sociologie des électorats est très différente. 

Tout dépendra donc des résultats de dimanche. La situation du chef des Républicains peut varier en fonction du nombre de régions gagnées par son parti. Il est évident que le pari d’une confortable vague bleue est d’ores et déjà raté. En revanche, la droite peut  sauver les meubles dimanche prochain : lors des  dernières départementales, le Front national s’était heurté au fameux « plafond de verre », cette barrière invisible qui l’a, jusqu’ici, empêché de gagner les seconds tours des élections nationales ou locales. Le même phénomène peut se reproduire. Si c’est le cas, Nicolas Sarkozy sera en meilleure posture, y compris pour la présidentielle de 2017. Si ce n’est pas le cas, cela risque de tanguer fort.

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