La crise chez les agriculteurs signe la fin d'une époque, et les responsables politiques ne les aident guère à muter <!-- --> | Atlantico.fr
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Le prochain Salon de l'Agriculture sera sans doute celui de la fin d'une histoire haute en couleurs et riche en émotions.
Le prochain Salon de l'Agriculture sera sans doute celui de la fin d'une histoire haute en couleurs et riche en émotions.
©EMMANUEL DUNAND / AFP

Atlantico Business

Les exploitants agricoles sont en colère contre le gouvernement, les industriels, la grande distribution et l'Europe, mais en réalité, ils n'acceptent pas d'avoir à gérer la fin du modèle traditionnel des exploitations familiales.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Le prochain Salon de l'Agriculture sera sans doute celui de la fin d'une histoire haute en couleurs et riche en émotions, car le secteur agricole est bousculé par les mutations inéluctables de la modernité. Cela fait des années que cette révolution couvait à bas bruit. Entre les progrès de la technologie, de la chimie des intrants, de la concurrence étrangère, de la fantaisie des consommateurs, des habitudes alimentaires, du marketing, de la lutte pour l'environnement et du réchauffement climatique, tout cela a entraîné un changement de paradigme et alimenté la grogne et la rancœur des agriculteurs. L'émotion qu'ils sont encore capables de susciter dans l'opinion n'a jamais permis de sauver les exploitations en difficulté ni de protéger les marges et le revenu des agriculteurs. Le prochain Salon de l'Agriculture sera sans doute le dernier des salons issus de la belle époque où l'on célébrait le mariage entre la paysannerie et les populations urbaines.

Sans refaire l'histoire de l'agriculture, la situation actuelle est le résultat de la pression combinée des contraintes écologiques et de la concurrence internationale. Sans refaire l'histoire du modèle économique agricole, l'agriculture d'aujourd'hui souffre d'un manque structurel de compétitivité.

Alors bien sûr, il restera toujours des exploitations spécialisées dans le luxe alimentaire. C'est déjà vrai dans la viticulture, les fromages, les fruits et légumes. Il y aura toujours des niches bien fréquentées où l'on trouvera le foie gras de Noël ou le Champagne du Nouvel An. Mais pour l'essentiel des besoins alimentaires, ils seront satisfaits par de grandes exploitations très productives. Dans cette perspective, le modèle français encore fondé sur des petites exploitations familiales a conservé la sympathie de l'opinion mais perdu ses chances de survivre dans l'économie de marché où la concurrence sert de moteur à l'innovation et à la productivité énergétique. Le respect des normes environnementales coûte très cher, car il oblige à réduire les productions, mais la concurrence tire les prix vers le bas. Et on ne parle pas seulement de la concurrence entre différentes productions ou labels, on parle de la concurrence au sein même du budget familial où l'alimentaire est devenu une variable d'ajustement. On peut le regretter, mais c'est ainsi. 

Tous ces facteurs obligent l'agriculture à agrandir les centres de production. Certains de nos voisins ont construit des fermes de mille vaches, mais l'objectif est de baisser les coûts. En France, on a officiellement renoncé en ricanant, aux fermes de 1000 vaches et plus mais on a assisté désarmés à la mort lente de milliers d'exploitations. 

Aujourd'hui, on s'interroge sur la question des transmissions,- successions mais on finira par regrouper les exploitations et remembrer le tissu agricole parce que c'est le seul moyen d'accroître la productivité et donc la compétitivité, ce qui n'exonère pas la profession de respecter les critères écologiques

L'agriculture de demain n'échappera pas à la concurrence mondiale, ni à la lutte pour l'environnement. Alors le gouvernement de Gabriel Attal peut évidemment essayer de soigner des plaies ouvertes par le prix du gazole, la sévérité d'un agenda climatique, il peut aider certaines trésoreries abîmées par la sécheresse, il peut surveiller les modalités de la concurrence et vérifier la loyauté de nos partenaires européens, il peut bien sûr s'inquiéter de l'évolution des paysages français qui sont entretenus actuellement par les agriculteurs- jardiniers et savoir que ces paysages sont des facteurs d'attractivité. La gouvernance a raison, c'est son rôle que de faire de la politique.

Mais à plus long terme, le rôle de la gouvernance est aussi de préparer les populations agricoles aux mutations inéluctables, et notamment à la disparition programmée de beaucoup de petites exploitations. Les responsables politiques sont assez peu doués pour gérer et préparer les contraintes du long terme. La Lorraine qui a perdu la sidérurgie et le Nord de la France qui a perdu le charbon, ces régions ont mis près d'un siècle à guérir de leurs blessures et oublier le passé.

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