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Jean-Luc Melenchon s'exprime lors de son meeting à Montpellier, le 13 février 2022.
Jean-Luc Melenchon s'exprime lors de son meeting à Montpellier, le 13 février 2022.
©PASCAL GUYOT / AFP

Programme électoral

Candidat de gauche le mieux placé dans les sondages, Jean-Luc Mélenchon a détaillé son programme économique lors de ses meetings et via des tracts. Il souhaite notamment augmenter le SMIC et les retraites, s'engager dans la transition écologique et taxer les très hauts revenus.

Nathalie MP Meyer

Nathalie MP Meyer

Nathalie MP Meyer est née en 1962. Elle est diplômée de l’ESSEC et a travaillé dans le secteur de la banque et l’assurance. Depuis 2015, elle tient Le Blog de Nathalie MP avec l’objectif de faire connaître le libéralisme et d’expliquer en quoi il constituerait une réponse adaptée aux problèmes actuels de la France aussi bien sur le plan des libertés individuelles que sur celui de la prospérité économique générale.
 
https://leblogdenathaliemp.com/

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Cette fois-ci, c’est vraiment parti : avant-hier, j’ai reçu le premier tract électoral de la présidentielle 2022 dans ma boîte aux lettres ! C’était un petit mot de notre insoumis national Jean-Luc Mélenchon. Enfin, insoumis… À la façon particulière des politiciens incrustés depuis toujours dans le système. Il fut quand même vingt ans sénateur, ministre de Lionel Jospin (PS), député européen pendant huit ans, et il est actuellement député français depuis 2017. Mais bref. J’avais cinq minutes, j’ai lu.

Et puis il ne faudrait pas oublier que pour Ségolène Royal« le vote utile à gauche, c’est Jean-Luc Mélenchon ». Or Ségolène Royal n’est pas tout à fait n’importe qui« Première femme de l’histoire de France à accéder au second tour de l’élection présidentielle », modèle du Président américain Barack Obama pour sa campagne de 2008 (du moins le croit-elle), spécialiste des Pôles, grande admiratrice de Fidel Castro et lanceuse d’alerte sur les dangers du string à l’école, elle a évidemment beaucoup de conseils avisés à donner aux Français.É

On passera sur l’incroyable cirage de pompes qu’elle a servi à Mélenchon en direct – sa grande culture, son expérience politique, sa brillante campagne, etc. Mais il faut reconnaître que si l’on s’en tient aux chiffres des sondages, elle n’a pas tort. Après tout, il surnage à 10 ou 11 % dans un camp où ses nombreux concurrents, les Jadot, Hidalgo, Taubira, Roussel, Poutou et Arthaud s’échelonnent de 0 à 5 %. Les espoirs de l’union derrière Taubira étant complètement retombés, il reste le seul et unique candidat de gauche à quelques points de l’accès au second tour. 

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Et très honnêtement, chers lecteurs, avec le programme qu’il porte, on se demande vraiment pourquoi il ne parvient pas à percer plus. C’est en tête de tous les candidats qu’il devrait trôner, loin devant Macron et loin devant tous les « austéritaires » qui ne pensent que réduction des dépenses, baisse des impôts et casse du service public ! Car après lecture de son tract électoral, je dois vous le dire : ce n’était pas seulement un petit mot comme je l’écrivais pour commencer, mais un véritable mot doux, un billet doux, calibré spécialement pour rassurer et séduire (voir ci-dessous, recto à gauche, et surtout, verso à droite) :

Résumons : Jean-Luc Mélenchon se propose de faire passer le salaire minimum mensuel net de 1 269 euros actuellement à 1 400 euros. Les retraites aussi, d’ailleurs, et ce, dès 60 ans. Le retour des charges sociales atténuées via le CICE de François Hollande y pourvoira. Dans le même temps, certains prix seront bloqués, le temps de travail sera ramené à 32 heures par semaine, les congés payés passeront à six semaines et une garantie d’emploi sera instaurée.

Mais oui, à la fin, pourquoi seuls les fonctionnaires devraient-ils bénéficier de la garantie de l’emploi alors qu’il serait si simple de décréter l’emploi pour tous ! C’est cela, la justice sociale selon Jean-Luc Mélenchon : harmoniser les régimes du privé et du public en calquant les premiers sur les seconds. Le paradis, ni plus ni moins ! Le grand rêve de Gérard Filoche enfin réalisé !

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Pour ce dernier, pour Jean-Luc Mélenchon et pour tous ceux qui veulent régir a priori la vie de leurs concitoyens, l’économie ne saurait être une activité vivante et évolutive pratiquée par des individus libres et créatifs. Pas du tout. L’économie ne doit rien laisser au hasard. Vous vous rendez compte de l’horreur absolue si certaines personnes parvenaient à s’enrichir ? Et créer des emplois pour d’autres ? Etc. Non, personne ne doit dépasser. Alors pour bien faire, autant tout planifier à l’avance.

Telle entreprise, dûment surveillée par des instances autorisées, s’engagera à embaucher tant de personnes et à produire tant de parapluies de telle date à telle date. Il n’est nullement question d’adapter les horaires et la charge de travail à la demande spontanée des clients. La semaine travaillée doit impérativement se limiter à 32 heures réparties sur 4 jours. C’est ainsi que l’on pourra lutter contre la subordination au travail, et c’est ainsi que l’on pourra combattre le chômage, en partageant solidairement le travail entre tous.

On retrouve ici cette croyance bien ancrée à gauche qui veut que le travail soit un gâteau fini que l’on doit partager entre tous ceux qui veulent travailler pour assurer le plein emploi. C’est exactement l’idée qui présidait à la mise en place des 35 heures par Martine Aubry à partir de l’année 2000. Sans même parler de science économique, l’expérience a montré que non seulement cette loi ne favorisait pas l’emploi, mais qu’elle avait en plus l’énorme inconvénient de désorganiser nombre d’entreprises et de services. Les hôpitaux par exemple.

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Le seul gâteau qu’il est possible de partager, c’est la richesse produite. En langage socialiste, ce partage s’appelle la redistribution. Mais encore faudrait-il qu’il y eût quelque chose à partager. Or le programme de M. Mélenchon réussit le tour de force de limiter autoritairement le chiffre d’affaires des entreprises tout en augmentant considérablement leurs charges et en accroissant l’impôt sur ce qui restera. 

Les « austéritaires » vous diraient qu’il y a du souci à se faire pour la création de richesse. Mélenchon va casser l’économie, s’exclament-t-il ! Il va casser les marges, casser l’investissement et réaliser la performance de plonger le secteur marchand dans le marasme et le chômage.

Vous êtes déçus ? Pas de panique, mes amis, notre insoumis a tout prévu.

D’abord, il va chasser impitoyablement les évadés fiscaux. « Jusqu’en enfer », a-t-il confié cet automne aux étudiants de l’université de Lille. Et puis il va taxer les riches. Autrement dit, ISF, le retour. Mais attention, pas le petit ISF à 3 milliards annuels qu’on a connu avant que le « président des riches » ne le supprime. Un ISF digne de ce nom qui rapportera 8 milliards d’euros par an. N’oublions pas non plus les… 14 tranches (!) de son barème super progressif pour l’impôt sur le revenu. Ouf, le financement du programme est assuré.

Quant au chômage, il n’y en aura pas. En ce domaine, rien ne vaut la bonne vieille martingale à la grecque qui consiste à ajuster l’emploi par des embauches de fonctionnaire. Jean-Luc Mélenchon prévoit justement de créer 1 000 000 de postes dans la fonction publique.

Oh certes, notre école, notre hôpital, sont en grande déshérence, on est d’accord. Mais quand on connait les sommes et les effectifs qu’on y consacre pour des résultats indiscutablement médiocres comparativement à d’autres pays moins dépensiers, un « austéritaire » se pose évidemment la question de l’organisation et de l’allocation des ressources. Mais M. Mélenchon n’est pas du genre de mégoter ainsi sur l’emploi public :

Du reste, pourquoi s’inquiéter ? Si les impôts ne suffisent pas à l’affaire malgré le recrutement de 18 000 fonctionnaires pour traquer l’évasion fiscale, il restera toujours la dette publique. Elle atteint déjà 116 % du PIB ? Aucune importance. Il suffira de demander à la Banque centrale européenne (BCE) de convertir la part de dette des États qu’elle détient dans son bilan en dette perpétuelle à taux zéro. L’annuler, autrement dit. Si on le fait une fois, pourquoi ne pourrait-on pas le refaire un peu plus tard, quand la première fois sera oubliée ? Problem solved.

Comme vous voyez, avec Jean-Luc Mélenchon, la vie est simple. Tout se passe comme s’il existait quelque part une réserve permanente et magique de croissance, de richesse et d’emploi. Comme s’il n’y avait plus qu’à se servir et distribuer le tout à part scrupuleusement égales.

Curieusement, ce conte de fée n’attire plus autant les électeurs qu’auparavant. Si l’on tient compte des éléments plus généraux qui existent aussi dans le vote Mélenchon comme les qualités tribunitiennes du personnage, l’opposition à la personne d’Emmanuel Macron et la révolte contre le pass vaccinal, on ne peut pas dire qu’un score de 10 à 11 % des intentions de vote constitue une grande performance. 

Mais peut-être les Français se souviennent-ils ou, pour les plus jeunes, ont-ils entendu dire qu’il y a 41 ans, un programme très similaire, un programme qui devait faire passer la France « de l’ombre à la lumière », s’est fracassé en deux ans sur les réalités du monde. Il n’est jamais inutile de connaître l’histoire. La vraie bien sûr ; pas celle fantasmée par les marchands d’illusion lyrique.

Et pour ceux qui l’auraient oublié, c’est le moment d’y penser, et pas seulement dans le contexte de la candidature Mélenchon. Le « quoi qu’il en coûte » qui dure et perdure, les promesses de salaires augmentés comme par magie, les allocations mirobolantes distribuées sur les populations méritantes – tout ceci relève aussi du joli conte électoral, mais c’est tout.

Cet article a été publié initialement sur le site de Nathalie MP : cliquez ICI

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