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L'arrivée de nouveaux acteurs sur le marché du mode de paiement pourrait bouleverser ce secteur.
L'arrivée de nouveaux acteurs sur le marché du mode de paiement pourrait bouleverser ce secteur.
©Reuters

Facile et pratique !

A cause, ou grâce au cloud, votre fidèle carte bleue pourrait bientôt se retrouver à la corbeille. Rassurez-vous, les moyens de paiement du futur sont tout aussi faciles d'utilisation.

Michel Ruimy

Michel Ruimy

Michel Ruimy est professeur affilié à l’ESCP, où il enseigne les principes de l’économie monétaire et les caractéristiques fondamentales des marchés de capitaux.

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Atlantico : Selon un récent rapport de Business Insider intelligence (voir ici), l'arrivée de nouveaux acteurs sur le marché du mode de paiement pourrait bouleverser ce secteur. Dans quelle mesure le paiement par mobile, ou plus généralement le cloud, pourrait-il bouleverser le paysage actuel des modes de paiement ?

Michel Ruimy : Si la réglementation fait bouger les lignes, ce sont la technologie et le marketing qui tirent l’innovation. C’est pourquoi, dans un contexte de vive concurrence, les banques ont toujours adapté en permanence leurs offres aux évolutions du marché afin d'assurer à leurs clients un bon fonctionnement des moyens de paiement.

L’arrivée des opérateurs Telecom dans l’environnement financier influence le business model de cette activité car la gestion de la carte SIM a un coût. Le développement de nouveaux services passe donc par leur large diffusion. La Télécarte avait bénéficié, à son époque, d’un déploiement massif par France Telecom.

Dans ce contexte, si le paiement par mobile n’est utilisé que pour remplacer la carte bancaire, les technologies sans contact et autres progrès techniques ne serviraient pas à grand-chose. Dans le cas contraire, si de nouveaux services sont proposés à la clientèle, cela pourrait impacter le paysage actuel des modes de paiement sous réserve que leur tarification ne soit pas prohibitive.

Quels sont les modes de paiement les plus prometteurs à l'avenir ?

Comparé aux autres pays européens, l’utilisation des moyens de paiement en France présente trois caractéristiques majeures : une faible proportion des transactions en espèces, une forte utilisation de la carte bancaire et un recours toujours important aux chèques.

En la matière, les attentes des consommateurs, des commerçants et des pouvoirs publics sont multiples et parfois contradictoires. La facilité d’usage semble être un élément-clé, de même que la sécurité. Or, la difficulté est de trouver des modèles d’utilisation pratiques permettant d’allier les deux. D’autant que cette sécurité et cette simplicité ont un coût qui n'est pas toujours facile à isoler, ni à imputer. La modicité voire la gratuité du moyen de paiement est souvent avancée par les consommateurs alors que, dans le même temps, les commerçants souhaitent maximiser leurs ventes en ne supportant pas un coût trop élevé de la transaction de la part du système bancaire.

Que sera l’avenir ? En France, le chèque devrait voir son utilisation diminuer. La carte est d'ores et déjà le moyen de paiement privilégié des Français car ils la considèrent comme le mode le plus pratique. Son utilisation devrait donc continuer à augmenter. D’autres modes alternatifs sont apparus : le paiement sans contact et celui par l’Internet. Le premier est appelé à se développer rapidement. Le développement du second, suppose l'implication de l'ensemble des sites de commerce en ligne. D’autres modes, comme les monnaies virtuelles, ont un avenir si elles arrivent à gagner la confiance de leurs utilisateurs. Et la confiance est un facteur critique de l’environnement des paiements.

Quels bénéfices et quels dangers Pourraient présenter, pour le client, ces nouveaux modes de paiement ?

Les nouveaux modes de paiement, en particulier celui sans contact, représentent un gain de temps indéniable. On n’a plus besoin de porte-monnaie ! En outre, la technologie utilisée offre un niveau de sécurité équivalent aux paiements par cartes conventionnelles puisque, pour le mode de paiement par mobile, toute dépense supérieure à 20 euros est sécurisée par la saisie d’un code secret. Ce mode de paiement est aujourd’hui en phase de déploiement dans toute la France. La norme retenue est internationale, ce qui est un gage de pérennité et d’interopérabilité.

Tout n’est pas pour autant idyllique ! La protection des données personnelles, qui demeure une obligation légale pour tous les acteurs, est un enjeu majeur pour la confiance. Par ailleurs, concernant le paiement par mobile, si le téléphone peut être mis en opposition immédiatement en cas de perte ou de vol, cette action peut bloquer son utilisation.

Quels sont les acteurs qui pourraient être les grands gagnants et les grands perdants de ces changements ? peut-on s'attendre à en voir émerger de nouveaux ?

Les autorités de la concurrence, au niveau européen et au plan national, souhaitent créer les conditions d’une concurrence accrue dans le secteur des moyens de paiement. En Europe, elles ont déjà mis en place un statut d’établissement de paiement, ce qui a fait disparaître le monopole des établissements de crédit dans la gestion des moyens de paiement. En outre, elles ont imposé la réduction des commissions interbancaires, ce qui remet en cause le modèle français d’interbancarité et fragilise une industrie qui ne peut fonctionner que sur de très importants volumes de transaction. En effet, le modèle continental de banque universelle à réseau tel qu’il existe en Europe, et singulièrement en France, est largement fondé sur les interactions entre les lignes de métiers qui constituent l’activité fondamentale d’une banque : collecte de dépôts, crédit et gestion de moyens de paiement. Aussi, tout changement impactant l’un de ces éléments modifie l’équilibre global.

Or, cet équilibre est remis en cause aujourd’hui par les évolutions technologiques qui favorisent de nouveaux entrants, issus du monde des technologies numériques. La gestion et la mise à disposition de moyens de paiement sont désormais à la portée d’acteurs d’origine non bancaire. Le montant des investissements n’est en rien une barrière à l’entrée pour des acteurs disposant de ressources financières très importantes, plus importantes bien souvent que celles dont disposent des groupes bancaires. Les projets de "wallet" qui se développent en sont l’illustration et peuvent proposer des solutions de paiement aux consommateurs s’affranchissant, au moins pour partie, des circuits bancaires.

Toutes les tendances décrites précédemment ont des conséquences : les usagers commencent à sortir d’une relation de dépendance vis-à-vis de leur banque principale et gagnent en autonomie. S’ils sont encore minoritaires, certains clients profitent déjà des nouveaux canaux relationnels offerts par l’internet. Dans ce contexte, le consommateur va désormais pouvoir profiter des gains tarifaires engendrés par l’industrialisation du monde des paiements, l’accentuation de la concurrence et l’émergence de nouveaux modèles économiques dont il devient un acteur à part entière.

L’enjeu pour les enseignes bancaires traditionnelles est désormais de s’adapter à cette nouvelle donne. Certaines ont déjà commencé à le faire, en occupant par exemple des marchés de niche, dans le domaine de la téléphonie, du "crédit responsable" ou des transferts d’argent. Mais elles doivent également traiter une question centrale dans ce nouvel écosystème : celle de la sécurité des paiements.

Les grandes entreprises de cartes de crédit sont-elles menacées par ces nouveaux modes de paiement ?

Les entreprises de cartes de crédit proposent des solutions de paiement grand public simples, acceptées partout dans le monde. Dans ce nouvel environnement (essor du nombre des acteurs, fragmentation de la chaîne de valeur, explosion du volume des données…), leur cœur de métier ne devrait pas fondamentalement changer à court terme car près de 20 % des transactions dans le e-commerce sont réalisées aujourd’hui via une carte bancaire. En outre, la sécurisation est plus importante sur une puce dans un mobile connecté que dans une carte plastique.

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