L’euro à son plus bas depuis 20 ans et voilà pourquoi nous aurions intérêt à ce qu’il baisse encore<!-- --> | Atlantico.fr
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L'euro est à son plus bas depuis 20 ans
L'euro est à son plus bas depuis 20 ans
©Capture écran France TV

Euro bas, euro faible ?

Si la faiblesse de la monnaie commune est un handicap économique en plein cœur de la crise énergétique, l’euro fort depuis 20 ans a notamment contribué à étrangler les industries françaises et italienne. Sa nouvelle parité peut-elle être une fenêtre de tir ?

Don Diego De La Vega

Don Diego De La Vega

Don Diego De La Vega est universitaire, spécialiste de l'Union européenne et des questions économiques. Il écrit sous pseudonyme car il ne peut engager l’institution pour laquelle il travaille.

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L’Euro a atteint son niveau le plus bas en 20 ans. Est-ce une bonne chose ?

Don Diego de la Vega : Tout d’abord, il faut préciser les choses. Oui c’est un plus bas depuis 20 ans. Mais aux débuts de l’Euro, on a atteint 0,83. Et si on regarde en euro reconstitué, on a atteint 0,64, en 1985. Donc ce n’est pas complètement anormal d’être en dessous de 1. Le consensus veut qu’on soit autour de 1,20 si on respecte la parité de pouvoir d’achat, la parité d’équilibre fondamental, etc. autant de concepts techniques parfois un peu faiblards. Le consensus devrait se faire autour d’une valeur homéostatique, à laquelle on revient naturellement, or ce n’est pas le cas. il n’y a pas vraiment de valeur d’équilibre. Après la crise de la zone euro, on a moyenné a 1,37 pendant de longues années donc bien loin de ces valeurs. Tout cela pour dire que, s’il fallait tenter une valeur d’équilibre, ce ne serait pas 1,20 ou 1,17, mais plus proche de 0,80. Pourquoi ? Parce que la valeur d’une monnaie contre une autre, c’est le différentiel de rentabilité des capitaux investis. Or personne aujourd’hui ne mise sérieusement sur la zone euro. Personne ne croit que le Crédit agricole vaut mieux que Google, et à raison. L’économie européenne est soviétisée et bureaucratisée. On ne peut plus comparer aujourd’hui les Etats-Unis et l’Europe.  Dans le top 50 des entreprises innovantes, il n’y a quasiment aucune européenne. Il y a l’allemande SAP pour les logiciels et la hollandaise ASML pour la fabrication de machines capables de créer des chaînes pour les semi-conducteurs. On aime bien se gargariser de nos licornes mais la réalité c’est que ce n’est rien. Et c’est pareil dans les autres domaines. Les seuls domaines où nous sommes bons sont des domaines de rentiers. Nous avons des avantages comparatifs historiques dans le luxe. C’est ce qui soutient le CAC 40. Et ce n’est pas dépendant du taux de change car la compétitivité prix n’est pas un sujet. Dans l’industrie de moyenne gamme, nous sommes pulvérisés par un euro trop cher et nous n’avons pas de filière d’avenir. Face à cette situation, présente et future, je m’étonne même que l’euro soit encore à 1. C’est pour cette raison que j’encourage la baisse de l’euro, car tous ceux qui veulent faire travailler leur capitaux évitent la zone euro. Car le mouvement n'est pas valable qu’avec le dollar mais aussi avec le yuan, avec le franc suisse. Sans investissements dans les bons domaines, il n’y a aucune raison que les européens soient plus riches que les Chinois. Donc que l’euro baisse encore me conviendrait très bien. Cela aurait des conséquences complexes à l’heure actuelle car nous sommes dans une crise liée aux hydrocarbures et que ces derniers sont facturés en dollar. Mais sur le long terme ce serait une bonne chose de descendre plus bas, et d’y rester. Il faut que la baisse soit durable pour sauver l’Italie, sauver notre industrie de moyenne gamme, etc. Cela laisserait une petite chance de survie. Donc cette baisse n’est pas encore allée très loin, notamment parce que la politique monétaire de la BCE est encore relativement restrictive, quoi qu’on en dise. Si Christine Lagarde continuait dans sa modération et résistait au clan germanique, on pourrait même espérer que la baisse continue et ce serait une bonne nouvelle.

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Qu’est-ce que serait véritablement un euro bas ?

L’euro sera bas quand les capitaux reviendront vers l’Europe. Ce n’est pas ce qu’on observe pour les investissements, qu’ils soient de capitaux ou de portefeuille. Il sera bas quand on aura des perspectives de demande nominale, de la croissance en Europe, y compris en Italie. Donc à l’heure actuelle, la baisse est bienvenue mais insuffisante. Il faudra aller très bas pour compenser des années d’euro trop fort. C’est possible puisque l’euro n’était pas trop fort pendant les années Duisenberg, avant Jean-Claude Trichet qui a tout dégradé à son arrivée en 2003. Sa lecture du taux de change était que c’est une promesse et que le laisser filer serait manquer à cette promesse. Mais dans une lecture Friedmanienne, le taux de change est un prix et que chercher à le rigidifier nous prive d’une forte souplesse. Or nous avons déjà beaucoup rigidifié l’économie, en imitant le Japon. Mais au moins le Japon est unitaire, nous ne le sommes pas. Nous ne sommes pas les Etats-Unis d’Europe. Jouer avec la monnaie est dangereux. La dévaluer est dangereux mais vouloir l’apprécier par orgueil est encore plus dangereux. Lorsque le marché considérera que les entreprises européennes valent autant que les américaines, on pourra retrouver un euro fort. Face à tout cela, et aux incertitudes sur l’avenir de l’euro. Le passage de la parité de 1,50 à 1, c’est le minimum syndical de ce qu’il faut faire. Donc il faut espérer aller vers 0,80 dans les années qui viennent. Un euro à sa valeur permettrait une régénérescence industrielle de l’Europe. Les tenants d’un euro haut ne comprennent pas que euro fort et euro cher ne sont pas synonymes. L’euro cher fait fuir les capitaux. C’est un euro bas qui serait fort.

Face à la crise énergétique, l’euro sous le dollar va néanmoins être douloureux ?

Il y a toujours un prix à payer. Un euro plus faible, cela veut dire moins de pouvoir d’achat en zone dollar. Toutes les commodities, les matières premières, sont libellées en dollar. Nous sommes dans une crise énergétique très forte depuis deux ans. Et si le taux de change baisse à ce moment-là, cela fait l’effet d’une double taxation. Evidemment, pour ceux qui croient au scénario inflationniste, il n’est pas bon d’avoir une monnaie qui se déprécie. Mais comme je l’ai déjà dit, nous sommes loin de ce scénario. Les problèmes qu’on peut avoir avec un euro trop cher dépassent largement ceux qu’on peut avoir avec un euro trop bas. Donc il faut laisser faire le marché, il n’a pas toujours raison, mais dans l’ensemble c’est le cas. Et c’est ça la vrai orthodoxie budgétaire. Rueff parlait des taux de change comme « l’égout collecteur des droits non gagnés ». Des droits non gagnés, beaucoup ont été distribués en zone euro donc l’égout collecteur devrait faire que l’euro est baissier. Mais avec la parité nominale fixe de l’euro, on a bouché les égouts. Or après 23 ans sans égouts, forcément ça pue. Donc il faut a minima qu'on laisse la soupape de sécurité de la baisse de l’euro.

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