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L'agression de NKM ou le retour de bâton de la présidentielle du renouveau des élites
©Reuters

Vague de contestation

Faut-il voir dans l’attaque dont à été victime Nathalie Kosciusko-Morizet la traduction en acte des arguments politiques du "dégagisme" et du "tous-pourris" qui ont enflammé certains discours contre les élites politiques au pouvoir durant cette longue année campagne électorale ?

Nathalie Krikorian-Duronsoy

Nathalie Krikorian-Duronsoy

Nathalie Krikorian-Duronsoy est philosophe, analyste du discours politique et des idéologies.
 
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Ce matin, à trois jours du second tour des élections législatives 20017, alors qu’elle tractait à la rencontre de ses électeurs sur le marché de la Place Maubert dans le Vème arrondissement de Paris, Nathalie Kosciusko-Morizet a été victime d’une agression. L’homme, d’une cinquantaine d’années aux allures de monsieur Tout-le-monde comme semblent le montrer les photographies de la scène a tranquillement pris la fuite après son acte, abandonnant le député sortant et ex-ministre, NKM, allongée sur le sol, inanimée.

Interrogée par BFMTV, une militante présente sur les lieux répondait par ce constat : « on voit de plus en plus de haine », qui appelle plusieurs remarques.

Dans une nation au passé révolutionnaire comme la nôtre, ayant autrefois légitimé la révolte, désormais réactualiséepar Jean-Luc Mélenchon, comme moyen d’obtenir de nouvelles conquêtes sociales, il serait bon de rappeler que ce populisme basique d’appel au peuple contre les élites, d’où qu’il vienne, est toujours susceptible de provoquer la violence.

La manipulation politique des passions négatives, comme le « tous pourris » parfois exprimé, souvent sous entendu qui poussait à une stupide et démagogique « Loi de moralisation de la vie politique », ou encore des incitations du genre de celle du leader de La France Insoumise à Marseille, il y à quelques jours, exultant : « Les jeunes, tapez dans le tas jusqu’à ce que le pays se réveille! » constituent un danger pour la paix sociale, comme tout ce qui favorise les divisions dans une nation.

En témoigne encore l’emploi de certains mots durant la campagne présidentielle faisant désormais parti du langage courant dans les médias comme le « dégagisme » pour désigner ce rejet « anti-système » des partis, ayant débouché sur l’élimination électorale de ceux qui, à droite comme à gauche, au Parti Socialiste comme chez Les Républicains, avaient représenté majoritairement, depuis trente ans, la vie politique française.

C’est pourquoi, si elles traduisent sans doute une montée de la violence au quotidien, les agressions dont sont victimes de plus en plus fréquemment les politiques doivent nous conduire à analyser plus sérieusement les profonds bouleversements de la vie politique française récemment traduits par les résultats des dernières élections.

Cette éviction des anciennes élites, fondée sur l’idée déstructurante du « ni droite, ni gauche » et réalisée par l’alliance du Modem et de En Marche, a en effet été plus ou moins instrumentalisée tout au long de cette campagne, par ceux qui souhaitaient occuper les places du pouvoir. Tous animés de bonnes intentions. De la volonté de réformer positivement le pays et de trouver des solutions à la grave crise économique qui le mine.

Ce vaste mouvement de contestation anti-élites a été revendiqué et incarné à des degrés divers par les discours des trois partis en tête des sondages : le Front National, qui fut historiquement le premier et unique parti anti-système sous la Vème, avec l’extrême gauche jadis minoritaire et aujourd’hui réinvestie par La France des Insoumis, et puis, depuis près d’un an an, par le mouvement En Marche, devenu La République En Marche.

Tous trois se présentent d’ailleurs en toute logique comme des mouvements populaires, plutôt que comme des partis traditionnels, dont ils contestent la légitimité à gouverner. Tous trois proposent, comme le traditionnel discours du Front National, un dépassement des partis de droite et de gauche et s’appuient pour cela sur un appel direct au peuple. Et tous trois paraissent devoir leur succès à l’échec flagrant des deux quinquennats précédents.

Les dix dernières années semblent avoir plongé la France et les Français dans un état dépressif, comme en témoigne sans aucun doute le plus fort taux d’abstention à une élection législative dans l’histoire de la Vème République : 51,30% lors du premier tour dimanche dernier.

Il est un fait qu’à droite comme à gauche les électeurs, dans leur immense majorité, se sentent victimes, au plan économique comme au plan moral et politique, d’une déception qui nourrit crescendo une rancune à l’égard des élites qu’ils ont élues depuis une dizaine d’années et auxquelles ils avaient confié le pouvoir durant plus de trente ans.

Cette déception, face à la dureté et à l’incompréhension de l’époque se mue chaque jour d’avantage en une crise de confiance aigüe, en un climat rancunier que la plupart des discours politiques des deux campagne électorales successives ne cessent d’alimenter depuis un an.

Pour conclure ces deux phrases tirées de l’ouvrage de Marcel Gauchet, Comprendre le malheur français, dont le simple constat me parait assez explicite du risque encouru, en démocratie, par cet appel au peuple pour dépasser les corps intermédiaires que sont les partis politiques, uniques garants à mon sens de la pluralité des idées et de leur diffusion, contre toute forme de populisme ou d’autoritarisme : « La France est le pays de la croyance en la politique. Celle-ci comporte deux volets distincts : le rapport au monde extérieur, autrement dit le rôle de la France dans le monde ; et, à l’intérieur, le souci de transformation de la société, de la modération réformiste à la radicalité révolutionnaire. »

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