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Jérôme Bosch : 500 ans après, la beauté cruelle de l'imagerie des tableaux du maître primitif flamand continue de fasciner
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THE DAILY BEAST

Le documentaire "Jérôme Bosch : Touché par le diable" de Pieter van Huystee est un hommage fascinant au maître hollandais.

Copyright The Daily Beast - par Dale Eisinger

Cette année, 500 ans après la mort de Jérôme Bosch, ce mystérieux peintre de la Renaissance du Nord de l'Europe, le musée néerlandais Noordbrabants Museum organise "Visions d'un génie", la plus grande rétrospective de son œuvre jamais proposée.

Un documentaire tout juste sorti aux États-Unis suit une équipe d'historiens de l'art hollandais voyageant dans le monde entier pour négocier les prêts des oeuvres de Bosch et préparer l'exposition. Si la perspective de regarder des personnes déplacer des tableaux n'est pas passionnante, le film de Pieter van Huystee, Jérôme Bosch : touché par le diable, offre pourtant un mélange captivant de politique internationale, d'Histoire et d'art fantastique.

C'est, pour employer un cliché, une fresque passionnante. Dans les œuvres de Bosch, il y a des démons poissons volants et des êtres en perpétuelle convalescence, des monstres minuscules jaillissant de la gueule d'autres démons, des grenouilles anthropomorphiques voraces et, toujours et partout, des chouettes. Les diablotins sont légion, tout comme les brasiers que l'on voit au loin, et, bien sûr, le contraste saisissant entre paradis et enfer, entre bien et mal.

Dans un musée, à moins de deux mètres de la toile et à travers l'épaisseur d'un verre protecteur, c'est beaucoup d'informations à la fois. Mais en 89 minutes absolument délicieuses, le documentaire de Pieter van Huystee offre une vision détaillée de quelques-unes des œuvres les plus célèbres de Bosch.

Quelques jours après la première du film au Film Forum de New York, lors d'un entretien téléphonique avec le Daily Beast, le réalisateur nous a expliqué : "Je n'avais pas pensé que l'idée serait peut-être difficile à réaliser. Ma décision n'était sans doute pas mûrement réfléchie. Mais, lorsque j'ai vu les peintures, je me suis dit immédiatement qu'il s'agissait de l'équivalent d'un blockbuster hollywoodien du XVe siècle. Il y a tous ces petits détails et fragments bizarres de vie. Je les ai vus comme de petites scènes, un détail après l'autre".

Un nouveau défi surgit et les examens s'intensifient lorsque les chercheurs ont cherché à définir ce qui constituait l'essence d'un tableau de Bosch. On pense qu'il aurait eu un atelier mais que seulement environ 25 œuvres seraient réellement de sa main. Les autres sembleraient avoir été réalisées en partie par des proches ou des apprentis. Afin de déterminer, pour l'exposition et pour le catalogue, quelles peintures sont de la main du maître, l'équipe a adopté une démarche systématique dans l'examen de toutes les peintures. Celle-ci s'appuie sur les techniques de photographie haute résolution et infrarouge, ce qui permet au spectateur de voir de près ces deux rendus. On espère en apprendre le plus possible sur l'œuvre en l'examinant au plus près, pour comprendre les motivations de Bosch, même si le film ne nous renseigne guère sur la biographie de l'artiste. Pieter van Huystee précise : "Comme vous avez pu le voir dans le film, on ne sait rien de lui. Il n'existe pas de portrait le représentant. En tant que réalisateur, vous voulez donner un visage à l'artiste, vous voulez vous plonger dans son esprit. Et je ne voulais pas introduire encore plus d'experts dans le film que ceux que je suivais". Pour les chercheurs néerlandais qui s'y sont consacré avec un budget très limité, l'obtention du prêt des œuvres était cruciale. Ils ont donc proposé d'effectuer un travail de restauration et de catalogage qui leur a permis d'emprunter des tableaux des musées de Paris, de Madrid, de Venise et de Washington.

Les tensions avec le musée du Prado de Madrid ont été exacerbées par un fait historique : Bosch a vécu toute sa vie dans la province néerlandaise qui porte son nom, mais toutes ces peintures merveilleuses ont été réalisées sous domination espagnole des Pays-Bas. C'est pour cette raison que les tableaux de Bosch passèrent des Pays-Bas à l'Espagne et que le Prado possède la plus vaste collection du peintre.

Pour certains Espagnols, Bosch est même un peintre espagnol, connu sous le nom de "El Bosco". "Les Néerlandais ont fait une erreur, bien sûr, reconnaît Pieter van Huystee. Lorsqu'ils ont fini leur étude, ils ont déclaré qu'ils estimaient que deux tableaux du Prado n'étaient pas de Bosch. L'équipe du Prado a vu le film avant sa sortie. Et elle y découvre que ces deux œuvres espagnoles ne sont pas attribuées à Jérôme Bosch. Ils étaient outrés".

Le documentaire présente un aperçu rare de certaines des peintures, en particulier du triptyque du "Jardin des Délices", qui se referme comme des volets sur une fenêtre. C'est un travail époustouflant. Mais s'agit-il d'une seule peinture ? De trois peintures ? De quatre ? De cinq ? De nombreuses questions liées à la classification de l'œuvre de Bosch sont soulevées et plusieurs restent sans réponse. "Vous avez vu leurs hésitations, bien sûr, et le fait qu'ils ont conscience de leur ignorance, commente Pieter van Huystee. Parfois, on observe simplement leur regard. Évidemment, cela n'a pas l'air très vendeur. Mais je le vois comme une série criminelle à la télévision : le corps est sur la table, on ouvre le ventre et on se retrouve au restaurant où la victime a mangé la veille. C'est le même principe".

Dans une séquence, on voit en effet un chercheur examiner un écran d'ordinateur entièrement peuplé des oreilles des hommes sur les tableaux de Bosch. En tant que spectateurs, nous observons un observateur des détails du maître. Tout cela a un caractère voyeuriste, chez Bosch, mais aussi chez nous. "Pour lui, vous devez découvrir votre propre côté obscur afin de vous améliorer, explique Pieter van Huystee. Si vous ne vous examinez pas, comment pouvez-vous vous améliorer et devenir une personne meilleure ? Vous devez prendre le diable au sérieux. Regardez-le, faites-lui face puis damez-lui le pion. Ainsi, vous serez touché par le diable. Ce n'est qu'ensuite que vous pourrez vous libérer et trouver une voix secrète en vous. Car l'enfer vient aussi de l'intérieur".

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