Israël - Hamas : le très lourd bilan humain des 54 premiers jours de guerre parmi les civils Palestiniens semble sans précédent<!-- --> | Atlantico.fr
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Plus de 10 000 femmes et enfants tués à Gaza depuis le 7 octobre selon des chercheurs.
Plus de 10 000 femmes et enfants tués à Gaza depuis le 7 octobre selon des chercheurs.
©Omar El-Qattaa / AFP

Conflit

Cette première phase avant la trêve humanitaire a-t-elle permis à Israël d’obtenir des résultats qui lui permettraient de préserver les civils désormais ?

François Chauvancy

François Chauvancy

Le général François Chauvancy est consultant en géopolitique. Il est aussi l'auteur de « Blocus du Qatar : l’offensive manquée. Guerre de l’information, jeux d’influence, affrontement économique ».

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Atlantico : Plus de 10 000 femmes et enfants tués à Gaza depuis le 7 octobre selon des chercheurs. L’opération militaire israélienne à Gaza est-elle particulièrement meurtrière ? Quelle est votre analyse ? 

François Chauvancy : Une remarque préliminaire si vous me le permettez. J’ai toujours un doute sur les chiffres qui sont donnés en temps de guerre. Dans ce cas, ce sont des experts internationaux présents à Gaza qui donneraient des chiffres et des éléments d’information. S’il y en a encore beaucoup à Gaza, je serais très surpris vu les circonstances. 

Il est évident qu’il y a des pertes civils. Le Hamas s’est mélangé à la population et a mis ses infrastructures militaires au milieu des habitations. Les civils ne sont cependant pas les cibles des israéliens. 

Cependant, il est surprenant de lire ces chiffres. Le nombre de femmes et enfants tués est énorme. Cela m’interpelle. Ces chiffres, deux tiers de femmes et d’enfants tués contre un tiers d’hommes qui ne sont pas présentés comme des combattants, me semblent démesurés. Cela m'interroge. Est-ce qu’il y a une instrumentalisation des chiffres ? Ont-ils été exagérés ? J’ai l’impression que nous sommes dans ce contexte. Ce qui ne néglige absolument pas le fait qu’il y a forcément des femmes et des enfants qui sont tués.  

Alors, qu'est-ce qui expliquerait ce nombre de morts si élevé ? L'utilisation d'armes lourdes par Israël dans des zones extrêmement peuplées comme des bombes de 2000 livres ?

 Hier, certes il y a bien longtemps, au moins jusqu'avant la seconde guerre mondiale, on se battait armées contre armées, combattants contre militaires et on évitait, autant que possible, les zones où il y avait des civils. les conventions de Genève de 1949 ont taché de remédier à cela. Aujourd'hui, le choix de la guerre menée par le Hamas, c'est de se battre au milieu d'une population et des habitations civiles.

pour ma part, je doute fort que les armes utilisées par les Israéliens aient pu conduire à autant de pertes civiles. Il aurait fallu avoir une masse de munitions phénoménale. Or, les Israéliens sont équipés de quoi ? De missiles guidés et d'artilleries précises. Ce sont des armes de haute technologie qui permettent de limiter les destructions aux alentours des frappes sur les cibles identifiées. Des bombes de 2000 livres ont très peu été utilisées, sauf pour détruire les infrastructures sous la terre à une profondeur importante. Les cibles visées le sont avec l’armement approprié. 

Cette première phase de l'opération terrestre avant la trêve, a-t-elle été bénéfique pour Israël ? Les objectifs de guerre ont-ils été remplis ?

Non. La première ligne d'opération était de détruire le Hamas. La deuxième, c'était les otages. Les pressions politiques intérieures et extérieures pour les doubles nationalités ont contraint Netanyahou à changer son fusil d'épaule. Le premier ministre israélien voulait privilégier l’opération militaire à la libération des otages. Aujourd’hui, les deux opérations sont à peu près au même niveau. Il y a même une pression intérieure qui persiste et qui pourrait amener la libération des otages avant la fin de l'opération militaire. 

L'opération militaire au Nord, globalement, semble avoir réussi. Mais j'ai quand même l'impression que les combattants du Hamas n'ont pas forcément été à la hauteur. On ne parle pas de contre-attaque. On ne parle pas des 20 000 ou 30 000 hommes qui étaient annoncés du côté du Hamas. On ne les voit pas, y compris dans les pertes, d'ailleurs. Est-ce que cette opération, après la trêve, pourra se prolonger vers le Sud ? Personnellement, je vois mal comment Israël pourrait éviter d'aller jusqu'au Sud. 

Donc, pour moi, la première phase n'est pas totalement terminée au Nord. On est dans la trêve. Israël la respecte, ce qui ne veut pas dire qu'elle ne se renseigne pas là où Tsahal est implantée. Pour l'instant, Netanyahou est entravé par l'immense espoir qu'a donné la libération des quelques otages. Il en reste beaucoup.

Cependant, Israël ne peut pas en rester là. Plus l’armée israélienne attendra, plus le Hamas pourra se reconstituer. Actuellement, le Hamas a été très bousculé par les frappes israéliennes et n'est pas capable apparemment de reconstruire une défense coordonnée. Sa seule arme, c'est l'action psychologique par la gestion des otages et sans doute, par ce moyen, de gagner du temps pour se réorganiser.

La trêve peut-elle permettre aux combattants du Hamas de se réorganiser ?

Non. Netanyahou sera obligé de poursuivre l'opération militaire. Plus il attendra, plus l'espoir de l'arrêt des combats se développera et plus le Hamas cherchera à se réorganiser, à reconstituer une ligne de défense et à regrouper ses combattants. Pour l'armée israélienne, les pertes risquent aussi  alors d'être élevées.

Quelle va être la stratégie de l’armée israélienne pour la deuxième phase des opérations ?  Va-t-elle pouvoir cibler davantage et préserver la vie des civils palestiniens ?

Tout va dépendre de ce qui est en face. La question est de savoir si le terrain est plus favorable à l'avancée de l'armée israélienne dans le sud de Gaza. On ne connait ni la valeur des combattants du Hamas ni ses capacités militaires au sud de Gaza mais on pense évidemment qu’une partie de ses éléments s’y sont réfugiés. 

Si le Hamas se mélange avec les civils, Israël ne pourra pas cibler correctement les éléments ennemis. L’armée israélienne ne fera pas preuve de modération car elle doit protéger ses soldats, sa priorité en opération. De fait, les dirigeants du Hamas, tout comme les combattants, se servent des civils pour se protéger. Le Hamas est donc bien responsable des morts civils. A mon avis, il ne peut pas gagner militairement face à une armée entrainée, motivée, équipée et agissant dans un espace géographique restreint (360 km²) même urbanisé. A un moment, il faut savoir dire "stop" d'autant que le Hamas a gagné politiquement sur Israël puisque la solution à deux Etats est reprise par la communauté internationale alors que le processus était au point mort. Reste la question des combattants afin d'épargner la population civile. Pour moi, ils devraient désormais soit se rendre soit quitter Gaza sous une protection internationale. Pourquoi ne pas envisager l'exfiltration des combattants du Hamas comme les Français l'ont fait en 1983 à Beyrouth pour Arafat? La question reste cependant celle-là: quel pays arabe, quel autre pays voudrait accueillir des combattants islamistes terroristes?

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