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Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu est de plus en plus critiqué.
Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu est de plus en plus critiqué.
©Brendan Smialowski / AFP

Rupture

Israël a vécu en ce 7 octobre 2023 des attaques au terrible bilan humain. Dix jours plus tard, Dov Zerah revient sur les conséquences de ces attaques.

Dov Zerah

Dov Zerah

Ancien élève de l’École nationale d’administration (ENA), Dov ZERAH a été directeur des Monnaies et médailles. Ancien directeur général de l'Agence française de développement (AFD), il a également été président de Proparco, filiale de l’AFD spécialisée dans le financement du secteur privé et censeur d'OSEO.

Auteur de sept livres et de très nombreux articles, Dov ZERAH a enseigné à l’Institut d’études politiques de Paris (Sciences Po), à l’ENA, ainsi qu’à l’École des hautes études commerciales de Paris (HEC). Conseiller municipal de Neuilly-sur-Seine de 2008 à 2014, et à nouveau depuis 2020. Administrateur du Consistoire de Paris de 1998 à 2006 et de 2010 à 2018, il en a été le président en 2010.

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Atlantico : Israël a vécu en ce 7 octobre 2023 des attaques au terrible bilan humain. Comment comprendre ces attaques ? Comment ces actes terroristes s’inscrivent-ils dans un contexte international beaucoup plus large ?

Dov Zerah : En lançant une opération de très grande envergure sur terre, sous terre, sur mer et dans les airs, le HAMAS poursuit plusieurs objectifs.

Au début de l’opération, l’objectif déclaré était de récupérer leurs prisonniers dans les prisons israéliennes. Au-delà de cet objectif officiel affiché, il est possible de repérer plusieurs objectifs cachés :

-       Torpiller la perspective d’un accord entre Israël et l’Arabie saoudite. La première réaction du Prince héritier, Mohammad ben SALMANE (MBS), condamnant Israël laisse présager une remise en cause de cet accord. Néanmoins, il est vraisemblable qu’il s’agit d’une déclaration de circonstances tant l’intérêt de la Mecque pour cet accord est primordial ; il est impératif pour MBS de limiter la vulnérabilité de son royaume face à l’Iran. 

-       Profiter de la situation intérieure israélienne traversée de fractures avec le sujet de la réforme judiciaire ; depuis un an, les échanges entre responsables politiques et citoyens israéliens étaient violents, les manifestations rassemblaient des dizaines de milliers de personnes… et, circonstance aggravante, des volontaires ont refusé de faire leurs périodes de réserve… Ces divisions ont probablement été interprétées comme un signe de faiblesse. Néanmoins, dès les premières alertes, tous les réservistes se sont rendus à leur centre, les citoyens se sont rendus en grand nombre dans les hôpitaux pour donner leur sang… Toute la société s’est mobilisée. Le pays s’est ressaisi.

-       Saisir l’opportunité ouverte par les manifestations de faiblesse de l’Occident : destitution du Président du Congrès américain, remises en cause tant en Europe qu’aux États-Unis de l’aide à l’Ukraine, invasion du Haut Karabakh par les Azéris sans réaction occidentale, tensions au Kosovo… La concomitance de tous ces événements laisse présager une volonté coordonnée de POUTINE, d’ERDOGAN et de KHAMENEI de marquer des points, de bousculer les frontières…

Enfin n’oublions pas que la date n’a pas été choisie au hasard, le Hamas a cherché à commémorer la guerre du Kippour déclenchée le 6 octobre 1973 à un jour près pour opérer un jour de Chabat et de la fête de Simhat Torah, jour de congé avec de très nombreux permissionnaires.

Enfin, ces actes terroristes dénotent la détermination inébranlable du Hamas d’appliquer sa chartre qui explicite son objectif de destruction de l’État juif, de refus de tout partage et d’éradiquer toute trace juive dans cette région.

Israël est au pied du mur. Depuis la prise de pouvoir du Hamas en 2007, deux ans après s’être retiré de manière unilatérale de la bande, Jérusalem a cherché à pactiser avec l’organisation terroriste. À chaque cycle d’envois de roquettes, Tsahal a procédé à des représailles sous forme de bombardements ou d’assassinats ciblés de responsables ou à de rares incursions terrestres ; chaque cycle de violences s’est soldé par un cessez le feu et une aide financière qatarie. Dernièrement encore, il y avait des discussions facilitées par l’attribution de visas de travail à des gazaouis. En pratiquant la démarche de la « hudna », la trêve sans renoncement, le Hamas se préparait et Israël baissait la garde. Seize ans après, la stratégie israélienne est un sanglant échec.

Israël avait la réputation d’être invincible. Comment expliquer cette invasion ?

Les dernières discussions indirectes ont endormi l’establishment politique et militaire israélien, d’autant plus qu’il était focalisé sur ses dissensions internes. Par ailleurs, les tensions à l’est du pays avaient accaparé l’attention et les efforts, et entrainé une diminution de la vigilance à la frontière Sud. Enfin, la concomitance du Chabat et du jour de la fête de Simhat Torah a entraîné des permissions en grand nombre qui ont dégarni les bases autour de Gaza.

Tout cela n’affranchit pas le renseignement pour les défaillances d’anticipation, les politique pour leur myopie. Le moment viendra pour le grand déballage. La catastrophe résulte aussi d’une opération de grande envergure, préparée de longue date et coordonnée simultanément sur terre, sous terre, air et mer.

Ne sous estimons pas enfin l’erreur politique d’avoir laissé s’organiser cette rave party ; quelle méprise psychologique de faire la fête, même pour la paix, à moins d’un kilomètre d’un lieu de misère ! Certains n’ont pas hésité à qualifier cette initiative de provocation qui a coûté la vie à plus de 250 personnes, entrainé plus d’une centaine d’otages sans oublier les blessés.

Au regard de la surprise qu’a représentée cette offensive du Hamas, peut-on dire que les Israéliens se sont endormis sur leurs lauriers de la certitude de leur supériorité militaire ?

Oui, les Israéliens, comme en 1973, ont pêché par excès de confiance dans le dôme de fer (dont on sait parfaitement que le système peut être saturé par un envoi simultané de nombreuses roquettes), la solidité de la barrière de sécurité (alors que depuis plusieurs mois tant celle séparant Israël de Gaza que celle à l’est laissaient apparaître des failles) …

Oui, très probablement, la situation politique a fragilisé les structures étatiques, mais la survenance de l’attaque semble avoir immédiatement gommé les différences, les oppositions.

Quelles conséquences à court terme peut-on imaginer ?

Cette guerre va entrainer des conséquences importantes en Israël à court et moyen terme. On peut même prévoir un véritable tsunami.

Tout d’abord par l’importance des morts. 1 400 morts, plus de 150 otages civils et militaires, 3 000 blessés dont une centaine dans un état grave. Pour Israël, trois comparaisons viennent à l’esprit :

-       En 1948-1949 au cours des 15 mois de la guerre de libération, il y a eu près de 5 800 morts et 12 000 blessés,

-       En 1973 pendant les 18 jours de la guerre du Kippour, les Israéliens ont eu 3 020 morts et 8 135 blessés,

-       La seconde intifada (2000-2005), a occasionné 1 010 morts israéliens et plus de 5 000 blessés…

Au-delà du nombre, la sidération est totale avec les charniers découverts à Bééri ou Kfar Aza, les décapitations, les viols, les personnes brulées vivantes dans leur maison, la femme enceinte éventrée… Personne n’a été épargné, ni personne âgée, ni enfant ! Neuf jours après l’attaque, une centaine de corps n’ont pu être identifiés tant ils sont défigurés. 

La survenance de cette hécatombe en un seul jour a conduit le Président de l’État d’Israël, Isaac HERZOG, à rappeler un des jours sombres de la Shoah. Néanmoins, contrairement à certains, il n’est pas allé jusqu’à assimiler ce 7 octobre à la Shoah ; ce serait une énorme erreur de le faire. Nous sommes face à un pogrom comme :

-       Ceux de Kichinev en 1903 et 1905 ont fait moins de victimes, mais le parallèle tient par l’organisation méthodique des exactions et la nature de celles-ci

-       Le massacre de Hébron en 1929, au-delà des 70 victimes, met un terme à la présence millénaire des Juifs auprès du tombeau des patriarches et matriarches.

Deux constatations s’imposent :

-       Le rêve sioniste a vocation de mettre les Juifs à l’abri des vicissitudes de l’antisémitisme,

-       Pour la 1ère fois depuis sa renaissance, le combat s’est effectué sur son territoire.

Par ailleurs, le décompte actuel n’est pas clos car la guerre est loin d’être terminée. Néanmoins le bilan actuel permet de mesurer le choc subi par les Israéliens. Celui peut être apprécié avec deux autres comparaisons ; c’est comme si, en proportion de la population :

-       Le 11 septembre, les États-Unis avaient enregistré 51 400 au lieu des 3 000 morts,

-       Les victimes du Bataclan avaient été de 1 540 au lieu de 90, ou si la France avait eu un attentat terroriste occasionnant plus de 10 000 victimes !

Il s’agit d’une véritable hécatombe d’une nature exceptionnelle par le nombre et la nature des exactions. Cela va marquer durablement Israël.

Pensez-vous qu’il y aura des conséquences politiques en Israël ?

Oui. Les incroyables défaillances des services de renseignement tout comme les délais de réaction de l’armée vont inévitablement conduire à la création d’une commission d’enquête et à de lourdes conséquences politiques.

Chaque fois qu’Israël a eu à faire face à une crise de cette nature, il y a eu des conséquences politiques :

-       L’affaire LAVON a fini par entraîner le départ de David ben GOURION

-       « La commission AGRANAT » constituée après la guerre du Kippour a conduit Golda MEÏER à céder la place

-       « La commission KAHANE » sur les exactions commises par les milices chrétiennes libanaises dans les camps palestiniens de Beyrouth en septembre 1982 a obligé Ariel SHARON à démissionner et entraîné le départ du pouvoir de Menahem BEGIN.

Certaines rumeurs commencent à courir sur les difficultés du chef d’état-major à rencontrer le premier ministre, l’absence de réunion du cabinet de sécurité, les alertes données par les Américains ou les Égyptiens... Tout cela aura une acuité exacerbée après la guerre.

La mise en place tardive et laborieuse d’un gouvernement d’urgence nationale ou d’union nationale n’a pas amélioré l’image des politiques.

Dans un 1er temps, Yaïr LAPID a marqué sa volonté de constituer un gouvernement d’union nationale à trois, le Likoud de Benjamin NEANAYOU, Kakhol Lavan de Benny GANTZ, et son propre parti, Yech Atid, ce qui aurait entraîné l’éviction des deux partis extrémistes de Itamar Ben GVIR et Betsalel SMOTRICHT.

Benjamin NETANAYOU a refusé, car il a considéré que son gouvernement a une majorité au Parlement et sa remise en cause aurait créé une crise politique ; il a, en revanche, proposé à GANTZ et LAPID de recourir à la formule mise en place en 1967 juste avant la guerre des six jours, à savoir rajouter des ministres sans portefeuille mais participant au cabinet restreint qui prend toutes les décisions sécuritaires. LAPID a refusé. GANTZ a accepté et Avigdor LIEBERMAN a fini par rejoindre l’équipe gouvernementale.

Mais, ne nous trompons pas. Le moment est à l’action militaire, les règlements de comptes politiques ne sont que momentanément différés.

Quelle va être la réaction militaire d’Israël ?

Il y a aujourd’hui une unanimité en Israël, et pas simplement un large consensus, pour éradiquer le Hamas. Même les partisans de la cause palestinienne considèrent qu’il faut éliminer les dirigeants du Hamas pour faire justice mais également pour faire sortir du jeu israélo-palestinien « un empêcheur de faire la paix ».

La réaction sera violente, car Israël doit remporter une victoire nette, flagrante pour décourager toute nouvelle initiative de ce type.

N’oublions pas que c’est l’échec de l’Égypte en 1973 avec les 30 000 hommes de sa 3ème armée totalement encerclés et Tsahal à 101 km du Caire, qui a ouvert le processus de paix aboutissant à la paix entre Jérusalem et le Caire.

Parallèlement, Damas se souvient de la présence de l’armée juive à 35 km de ses portes.

Si nous voulons donner une nouvelle chance pour la paix, au-delà des haines recuites, l’élimination du Hamas est incontournable.

La réaction sera totalement différente de celles connues depuis une dizaine d’années, à savoir une sorte « de jeu de chat et de la souris », attaques de roquettes interceptées par le « dôme de fer » auxquelles Israël répondait par des bombardements et évitant de rentrer avec des troupes dans Gaza. La découverte des horreurs commises conduit certains à dire « arrêtons de parler occidental. parlons arabe »

Devons-nous comprendre qu’il s’agit d’une opération de vengeance ?

Non. Certains Israéliens, au premier rang desquels le ministre de la défense, ont eu tort de parler de vengeance. En revanche, il s’agit de rendre justice aux 1 400 victimes, sans oublier la pluie de roquettes qui s’abat de manière aveugle sur les civils israéliens. Les crimes et exactions des terroristes islamistes venus de Gaza ne peuvent demeurer impunis. Aucun État, aucune société ne peut accepter sans réagir.

L’ONU s’est encore une fois déconsidérée en condamnant la réaction israélienne ; elle ferait mieux de s’assurer que ses institutions dans la bande de Gaza n’abritent pas, volens nolens, des équipements du Hamas !

Depuis plus de 2 000 ans, la loi du talion est mise en exergue pour stigmatiser les Juifs. En fait « … Et ceux qui restent entendront et craindront ; et ils ne commettront plus une chose aussi mauvaise en ton sein. Et ton œil n’aura pas pitié ; vie pour vie, œil pour œil, dent pour dent, main pour main, pied pour pied » (deutéronome, chapitre 19 ; versets 20-21) n’est pas la manifestation de la vengeance, mais l’énoncé d’un principe de précaution pour dissuader son ennemi à réitérer ses méfaits ainsi que l’articulation de la règle juridique de la proportionnalité de la peine.

Nous avons failli assister à des scènes tragiques en Israël. Lorsque les Israéliens ont appris que des terroristes étaient soignés dans les hôpitaux publics, ils s’y sont précipités pour les châtier. Heureusement, ils ont été protégés et immédiatement transférés vers des centres pénitentiaires militaires.

Certains Israéliens, au premier rang desquels le ministre de la défense, ont eu tort de qualifier les terroristes du Hamas d’animaux. Non, les animaux ne sont sauvages que pour manger, survivre ; ils ne le sont pas gratuitement. Les terroristes islamistes ont des apparences humaines mais sans humanité. Les psychanalystes devront nous expliquer comment un groupe de personnes en arrivent à avoir collectivement de tels comportements.

Malgré 2000 ans de morts, blessés, meurtrissures, vexations, jamais le peule juif n’a sombré dans le terrorisme ; souvenons-nous que le commandement général britannique avait été prévenu avant l’explosion du King David qui hébergeait son siège.

Malgré les épidémies, les famines, la misère, les Africains n’ont pas utilisé la méthode terroriste ; seule l’arrivée des Islamistes a modifié les modes opératoires.

Rappelons-nous la force de la résistance pacifiste des Indiens face à l’occupation britannique ; la démarche initiée par NEHRU a permis d’obtenir l’indépendance sans trop grande effusion. C’est la partition avec les musulmans et la création du Pakistan qui a engendré des drames humains.

Quels que soient les ressentiments suscités par les exactions, les morts et les prises d’otages, les responsables israéliens doivent garder leur tête froide et bien choisir les termes de leurs discours, d’autant que la bataille de la communication fait rage. 

Ne pensez-vous pas que ce type d’agissements résulte de la misère à Gaza, de l’absence d’avenir, de l’enfermement dans 363 km² ?

Une part de l’explication réside dans ce constat. Néanmoins, deux bémols doivent être apportés : 

-       Rappelons que Gaza a deux frontières, une avec Israël et une seconde avec l’Égypte, et que cette dernière est plus hermétique que la première. Il a fallu attendre 9 jours de guerre pour que le Caire accepte d’entrouvrir le passage de Rafah pour accueillir des Gazaouis.

Même s’ils ont fait quatre guerres contre l’État hébreu (guerre de libération, expédition de Suez, guerre des six jours, guerre d’usure), aidé les fedayin à attaquer Israël à partir du Néguev, ils n’ont jamais été très généreux ou solidaires à leur égard. Cette attitude interpelle !

Après avoir renversé le Président élu Mohammed MORSI, frère musulman, le Président Al SISSI mène un combat impitoyable contre les islamistes qui perpétuent des attentats en Égypte, et principalement dans le Sinaï. Néanmoins, sa volonté de ne prendre aucun risque d’infiltration de terroriste dans le flot des éventuels réfugiés n’empêche pas d’ouvrir la porte aux femmes et aux enfants.

-       Israël n’est pas responsable de la situation économico-sociale des Gazaouis. Leur quotidien aurait pu être différent, totalement différent, si l’argent déversé dans la bande avait été utilisé pour la satisfaction des besoins de la population.

Les Israéliens répètent à satiété deux constats : avec les Accords d’Oslo, ils se sont retirés de certains territoires, et ils ont eu en retour la 2nde intifada ; en 2005, Ariel SHARON n’a pas hésité à déloger militairement 3 000 Israéliens de la bande de Gaza et à la quitter unilatéralement, et ils ont eu en retour un cycle ininterrompu de violences.

Face aux incursions de terroristes et aux tirs aveugles de roquettes, Israël ne fait que se protéger. Il est en fait entré dans l’engrenage de « l’empêcheur de faire la paix » qui refuse le partage de la terre et ne cherche que la destruction de l’État hébreu. L’efficacité du « dôme de fer » nonobstant certaines saturations occulte la vie des Israéliens obligés, à chaque alerte, d’aller se réfugier dans les abris.

Aucun espoir de paix n’est envisageable sans l’élimination des responsables du Hamas.

Jusqu’à présent les bombardements n’ont pas dissuadé le Hamas à poursuivre ses tirs sur Israël. Comment Israël peut-il opérer pour atteindre cet objectif ?

Israël n’a pas le choix. 17 ans de voisinage avec le Hamas n’ont apporté que misère et désolations pour les Gazaouis, victimes et insécurité pour les Israéliens.

Il a fallu d’abord éliminer les terroristes qui occupaient certaines localités, évacuaient les morts et les blessés, les identifier, les enterrer, sécuriser tout le sud du pays et notamment la barrière de défense, mobiliser 360 000 soldats (ce qui ne s’était pas fait depuis 50 ans), les vêtir et les équiper (les stocks, notamment de gilets pare-balles et casques étaient insuffisants), les entraîner… sans oublier de se protéger des envois de roquettes ou missiles venus du Sud ou du Nord… tout en contrôlant strictement le front de l’Est, voire les villes arabes de l’intérieur…

Parallèlement, l’aviation israélienne a bombardé des sites terroristes, des centres d’entrainement ou de commandement, des rampes de lancement, des zones de stockage ou de fabrication d’armes… 

Le moment venu, Israël va alors probablement appliquer la stratégie d’Ariel SHARON en 1970. Des bulldozers blindés avanceraient en râteau pour réaliser sur 3 à 500 m de largeur des trouées ; ils seraient suivis de chars susceptibles d’envoyer un obus sur tout objectif suspect.

Parallèlement, les tunnels en direction d’Israël seraient neutralisés pour éviter d’avoir des terroristes qui surgissent dans le dos des soldats de Tsahal. Ces derniers avanceraient progressivement vers les hôpitaux aux sous-sols desquels se planquent les dirigeants terroristes, quand ils ne vivent pas à l’étranger, notamment au Qatar.

Accessoirement, Israël envisage de réaliser en bordure de la frontière un no mans land pour sécuriser la future barrière de sécurité.

Une opération terrestre n’est-elle pas risquée pour les otages ?

Oui, mais Israël conduira les opérations en s’inspirant de la démarche d’Itzhak RABIN lors de la survenance d’attentats après Oslo. Il disait « poursuivons le processus de paix comme s’il n’y avait pas d’attentats, et combattons les terroristes comme s’il n’y a pas de processus ». L’impérieuse nécessité de se préoccuper des otages ne doit pas détourner Tsahal des objectifs fixés par le Gouvernement.

Il faut savoir qu’en plus des 2 000 à 2 500 terroristes du Hamas, du Djihad islamique ou de Daesh qui sont rentrés en Israël, se sont engouffrés dans les brèches des voyous qui sont allés faire leur marché et accessoirement abuser de femmes ainsi que les membres des Chahida, ces familles de Gaza spécialisées dans les prises d’otages. Il faut espérer qu’en progressant à l’intérieur de la bande, les soldats finissent par les trouver ou qu’en contrepartie de paiements de rançons, certains détenus par ces groupes familiaux pourront recouvrer la liberté.

Israël ne prend-il pas trop de risques d’une catastrophe humanitaire avec les bombardements massifs, le blocus total et les déplacements de populations ?

Israël fait face à un risque existentiel avec les menaces du Hezbollah au Nord et l’Iran. Cela explique l’envoi du groupe aéronaval américain avec le porte-avions Gérald FORD et l’arrivée d’un second ainsi que la présence de navires allemands et britanniques. Leur présence ne signifie que les Américains vont se battre aux côtés des Israéliens. En revanche, ils vont les aider dans la détection des mouvements suspects et surtout dans la défense anti aérienne ; en cas de défense massive et simultanée du Hamas, du Hezbollah et de l’Iran, le système israélien risque d’être saturé et le soutien des Occidentaux pourrait s’avérer salutaire.

Israël ne peut continuer à vivre avec un Hamas dirigeant Gaza. Face à la complexité du terrain densément urbanisé, Israël essaie de trouver la moins mauvaise des solutions et prend le maximum de précautions. Chaque frappe aérienne est précédée d’avertissements aux voisins pour leur permettre de se mettre en sécurité. Les habitants de Sdérot ne sont jamais prévenus avant une salve de roquettes, alors qu’ils n’ont que 15 secondes pour se mettre dans les abris.

Néanmoins, certains Israéliens, au premier rang desquels le ministre de la défense, ont eu tort d’afficher ouvertement la mise en place d’un blocus total. Au-delà de son interdiction en droit international, prendre en otages les Gazaouis, déjà prisonniers du Hamas constitue une erreur stratégique, ne serait-ce que parce qu’il faudra vivre avec eux… Après l’échec du 7 octobre « montrer les muscles » relève de la gesticulation médiatique d’autant qu’il y a une seconde frontière avec l’Égypte et que l’efficacité d’un tel blocus sur le seul côté israélien est à prouver ! Yoav GALANT aurait dû être un peu plus jésuite. 

Enfin, Israël a enfin invité les Gazaouis du Nord de la bande à se replier dans le sud. Ils sont certes obligés d’abandonner leur domicile, mais ils ne risqueraient pas d’être une victime collatérale et ou d’être pris comme bouclier humain par le Hamas ; l’organisation terroriste ne s’y est pas trompée en essayant d’empêcher les migrations. Heureusement que plus de la moitié des Gazaouis du Nord de la bande ont réussi à se replier.

Dans le même temps la situation des Israéliens du Nord et du Sud ayant quitté leur habitation n’est pas plus enviable.

Pensez-vous que les Palestiniens de Cisjordanie vont aussi se sentir en guerre ? Quid par ailleurs des Arabes israéliens ?

Malgré les appels du Hamas au soulèvement des Palestiniens de Jérusalem et des territoires, la situation reste sous contrôle nonobstant des manifestations palestiniennes qui ont occasionné une cinquantaine de morts, probablement à cause de la modification récente des conditions d’intervention des forces de sécurité. Quant aux arabes israéliens, ils ne réagissent pas pour le moment.

En revanche, la rue arabe a été plus expressive dans d’autres pays dont l’Irak, l’Iran où les rassemblements ont été très importants. Parmi toutes les réactions, deux sont à signaler ; celle du Roi ABDALLAH de Jordanie qui a critiqué Israël, probablement de crainte d’une réaction des Palestiniens qui représentent les deux-tiers de sa population ; en revanche, les Émirats arabes unis ont dénoncé les massacres du 7 octobre, ce qui dénote la solidité des Accords d’Abraham. 

Ce 7 octobre 2023 porte un potentiel de dérapage beaucoup plus large dans le cadre de la confrontation grandissante entre démocraties occidentales et régimes autoritaires ?

Une extension du conflit au Hezbollah est possible d’autant que ce mouvement terroriste n’arrête pas depuis plusieurs jours de provoquer l’armée israélienne ; celle-ci réagit à chaque fois et n’a laissé aucun incident impuni. Cela dénote la détermination israélienne et pourrait entraîner une confrontation avec l’Iran. 

Il est fort probable que la HAMAS ait bénéficié d’un appui logistique, technique du Hezbollah et de l’Iran.

De plus en plus de voix s’élèvent en Israël pour considérer que la mobilisation de 360 000 réservistes effectuée, le moment est venu de frapper le Hezbollah. Soit à cause de l’intervention terrestre à Gaza ou d’une confrontation avec le Hezbollah, la probabilité d’une confrontation avec Téhéran est de plus en plus probable.

En tout état de cause, même si l’Iran ne bougeait pas, cette situation pourrait conduire l’État juif à saisir l’opportunité de frapper les sites nucléaires iraniens, alors qu’ils sont sur le point de détenir la bombe… Dans ce cas de figure, la boite de Pandore serait ouverte et le Proche Orient serait connecté avec tous les conflits existants ou potentiels en Europe et en Asie.

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