Iran : Et si la communauté internationale pour une fois était courageuse<!-- --> | Atlantico.fr
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Des Iraniens manifestent après la mort de Mahsa Amini.
Des Iraniens manifestent après la mort de Mahsa Amini.
©AFP

Révolte

Le monde assiste, depuis le 16 septembre 2022 et la mort de Mahsa Amini, pour un voile mal porté, à une révolution en Iran.

Nathalie Goulet

Nathalie Goulet

Nathalie Goulet est sénatrice de l'Orne depuis 2007. Elle a publié « L’Abécédaire du financement du terrorisme » aux éditions du Cherche Midi en 2022.
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Baraye* : Iran : La révolution des turbans va-t-elle résister à la réalpolitique ?

Ce n’est pas une révolte c’est une révolution, des milliers de jeunes femmes et de jeunes hommes dans les rues bravent la dictature des mollahs, pour dire au monde leur lassitude d’un régime qui ruine le pays par la corruption, la pollution, la terreur de la police religieuse et par une politique qui a mis le pays à genoux et au ban de la communauté internationale. 

Il faut le dire haut et fort la jeunesse iranienne est riche de sa diversité de sa culture de son éducation, dans tous les domaines.

 La société iranienne n’est pas parfaite mais son niveau d’éducation, de culture, de soif de liberté n’a rien en commun avec ses voisins, mais voilà le régime des mollahs étouffe les oppositions et la liberté. 

Portant depuis bientôt 3 mois brandissant le slogan Zan Zendegi Azadi, femme, vie, liberté, les Iraniens se révoltent.

La révolte gagne le bazar et l’industrie pétrolière, les deux secteurs qui ont donné le signal de la chute du Shah.

Un dicton Tehrani dit que si le bazar est en feu c’est le régime qui brûle et ces derniers jours le bazar a montré de nombreuses étincelles.

L’Iran assassine sa jeunesse devant nos yeux !

Un hashtag est apparu sur nos réseaux sociaux « say their name » (dites leur nom).

Il faut dire le nom de ces centaines de victimes de la répression dont des enfants de moins de 10 ans comme le petit Kian Pirfalak, des dizaines de jeunes manifestants arrêtés et violés sauvagement en prison, soumis à une telle violence et une telle pression qu’ils se suicident dès leur sortie des geôles sataniques, comme Yalda Aghafazli 19 ans.

Les manifestations se multiplient les sénateurs français ont marqué leur soutien sur l’air de Barayé l’hymne de la révolution. 

L’émotion est si forte, que le Président Macron a reçu une délégation de femmes iraniennes.

Le Président du Sénat a fait part de l’attention qu’il portait aux victimes de la répression.  

Pour voir la vidéo : cliquez ICI

Mais au-delà de l’émotion, quelles sont les chances de réussite de cette révolution ?

Soyons claires et lucides, ni les anathèmes des Nations Unies, pas plus que de ses commissions, ni les sanctions internationales mêmes sévères n’auront le moindre effet sur la répression et sur le régime qui a organisé depuis tant d’années sa résilience autour de la corruption et de petits arrangements avec des voisins complaisants, un peu usuriers comme la Chine.

Plus récemment l’usage des cryptoactifs a encore facilité le détournement des sanctions.

Néanmoins, il faut des sanctions exemplaires uniques et une communauté internationale solidaire, gel des avoirs, interdictions de visas pour les dirigeants et leurs familles, interdire les espaces aériens à IRAN AIR, attaquer sans faiblesse la puissance économique des Pasdarans.

La révolution est profonde et généralisée et si on connait un peu le pays, on peut noter que la répression s’exerce avec férocité, en priorité contre des minorités Kurdes ou Baloutche.

On peut dès lors s’interroger sur le contexte géopolitique de cette révolution. 

La réalpolitique va-t-elle balayer les espoirs de liberté ? 

L’Iran est une grande puissance, dotée d’une population de plus de 80 millions d’habitants très éduquée, de très importantes ressources énergétiques et ne parlons pas de ses ressources touristiques... Voir Ispahan... Shiraz et Persépolis... On est assez loin des cités en carton-pâte des environs. 

L’Iran est une puissance économique, même sous sanctions depuis un demi-siècle .. Alors imaginons ce que serait l’Iran sans sanction et sous un régime débarrassé de ses mollahs... 

L’Iran deviendrait instantanément une menace et un concurrent pour les pays du Golfe, reprendre possession des gigantesques nappes gazières exploitées pour l’instant par le Qatar, exploiter ses propres ressources minières et pétrolières, exporter mille productions plutôt que l’idéologie mortifère des mollahs. 

Si on pose l’équation en ces termes il est à craindre qu’un Iran démocratique ne soit vu comme un perturbateur de l’ordre établi et bien compris, par ses voisins.

La Turquie en premier lieu qui a déjà réagi flairant une menace, et a repris des bombardements des populations Kurdes en Irak et en Syrie, un front commun, avec l’Iran qui accuse les minorités d’encourager la révolution.

Voilà déjà une grande puissance régionale membre de l’Otan qui verrait d’un très mauvais œil l’avènement d’un Iran démocratique, qui risquerait de favoriser les populations Kurdes, ce qui est purement et simplement inconcevable pour le pouvoir turc.

Les Pays du Golfe, sont eux aussi concernés à des degrés différents.

En dehors de la sémantique sur le nom du Golfe qui sépare la péninsule arabique de l’Iran, Golfe arabique pour les pays du Golfe, et donc arabo-persique pour les courageux diplomates qui ne veulent se fâcher avec personne. Le Golfe est historiquement Persique... C’est ce que l’on appelle en persan « voler l’héritage de l’orphelin ».il existe bien d’autres sujets de tensions. 

Si le Qatar a toujours entretenu de bonnes relations avec l’Iran ,puisque ces deux pays exploitent une nappe de gaz communes et ont maintenu des relations diplomatiques provoquant d’ailleurs des crises au sein du Conseil de Coopération des Pays du Golfe notamment en 2017, il n’en est pas de même pour l‘Arabie Saoudite, les Émirats Arabes Unis, ou Bahreïn.

La menace pourrait aussi être celle d’une expansion du chiisme dans la région où existent déjà des minorités comme en Arabie Saoudite ou à Bahreïn et évidemment au Yémen.

On ne peut pas présumer de la position de la Russie embourbée en Ukraine ou de la Chine, On peut penser que l’Europe et les USA seraient intéressés par un marché porteur, comme ils l’ont montré, au moment de l’accord sur le nucléaire, avec une vague ininterrompue de délégations visitant le Président Rohani.

Tous les espoirs de normalisation ayant été anéantis par le retrait des USA dudit accord, décidé par le Président Trump.

L’Iran assassine sa jeunesse devant une communauté internationale totalement impuissante, mais l’avenir de la révolution se joue peut-être ailleurs que dans les rues iraniennes, elle se joue aussi en Turquie, et dans les pays du Golfe. 

La réalpolitique fait fi du sang versé et des larmes. 

Le Président Macron, si prompt à organiser des conférences pourrait réunir les pays voisins de l’Iran pour préparer l’avènement d’un Iran libéré des mollahs criminels et renforcer l’espoir de changement démocratique au profit de la paix et de la stabilité dans toute la région pour que le slogan Zan Zendegi Azadi (Femme, Vie, Liberté) puisse être inscrit en lettre d’Or sur toutes les ambassades iraniennes dans le monde en signe de victoire de cette révolution qui nous émeut, tant ses acteurs aux mains nues sont courageux face à l’oppression et la barbarie. 

*Baraye l’hymne de la révolution

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