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Iran : qui sont vraiment les faucons américains qui poussent Donald Trump à un conflit armé (et ont-ils un meilleur plan post frappes que pour l’Irak...) ?
©ATTA KENARE / AFP

Va-t-en-guerre

Le 21 juin, Donald Trump annoncait l'annulation de frappes contre l'Iran. Des frappes décidées le lendemain de l’interception d’un drone américain par les gardiens de la révolution.

Jean-Eric Branaa

Jean-Eric Branaa

Jean-Eric Branaa est spécialiste des Etats-Unis et maître de conférences à l’université Assas-Paris II. Il est chercheur au centre Thucydide. Son dernier livre s'intitule Géopolitique des Etats-Unis (Puf, 2022).

Il est également l'auteur de Hillary, une présidente des Etats-Unis (Eyrolles, 2015), Qui veut la peau du Parti républicain ? L’incroyable Donald Trump (Passy, 2016), Trumpland, portrait d'une Amérique divisée (Privat, 2017),  1968: Quand l'Amérique gronde (Privat, 2018), Et s’il gagnait encore ? (VA éditions, 2018), Joe Biden : le 3e mandat de Barack Obama (VA éditions, 2019) et la biographie de Joe Biden (Nouveau Monde, 2020). 

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Atlantico : Le 21 juin dernier, Donald Trump annonçait, dix minutes avant son lancement, l’annulation d’une frappe prévue afin de répondre à l’interception d’un drone américain par les gardiens de la révolution la veille. Une frappe qui aurait pu emmener les deux pays sur le chemin de la guerre. En cause, la présence de « Faucons » américains au sein de l’administration Trump. Avant de préciser qui sont-t-ils, pouvez-vous nous dire d’où vient l’expression ?

Jean-Eric Branaa : D’abord, l’expression, chez les Américains, évoque un gouvernement interventionniste. Elle a pris forme autour de la politique étrangère de Ronald Reagan et du « National Security Advisor » - l’équivalent du ministre des affaires étrangères et qu’occupe actuellement Bolton- William Clark. Ils considéraient tous les deux qu’il fallait avoir un « gros bâton », un « big stick », pour se faire entendre.  On arrive autour de la table pour discuter. On va peut-être discuter, d’ailleurs, mais un gros bâton au cas où pour expliquer comment il faut discuter.

Et c’est vrai qu’aujourd’hui on retrouve ce parallèle inquiétant. On est dans une guerre des mots, dans une montée en puissance rapide et forte de cette parole, exactement sur ce même principe : il faut avoir un gros bâton pour se faire entendre. Montrer ce bâton pour faire revenir les Iraniens à la table des négociations et qu’ils acceptent de discuter dans les termes que leur imposent Donald Trump, et ici selon les douze points demandés par Mike Pompeo l’année dernière.

Mais n’est-ce pas un gros bâton qui peut justement leur échapper, et notamment des mains d’un Donald Trump qui annule seulement dix minutes avant une frappe initialement programmée ?

Le bouton peut leur échapper, mais la guerre fait toujours partie de leurs possibilités. Ensuite, le gros bâton est là pour frapper mais aussi impressionner, et montrer que l’Amérique peut se défendre. Derrière, il y a l’idée d’une hégémonie -bienveillante, en ce qu’elle n’est pas pensée agressivement mais quasi sociale pour aider les « petits ». Ici, c’est empêcher une puissance de s’élever sur la scène internationale mais donc aussi affirmer la puissance des Etats-Unis et un refus du déclin de cette puissance. Pour l’instant, cela s’est traduit par une guerre des mots, comme les tweets de Trump l’illustrent. Mais ça allait plus loin, puisque comme Donald Trump l’a dit, il a lui-même dû calmer les velléités de Bolton.

Cette volonté des « Faucons » n’est-t-elle pas paradoxale au sein de l’administration Trump qui lui-même désirait retirer ses troupes des terrains de guerre et prônait la fin de cet interventionnisme ?  

C’est vrai en parti. Mais Trump n’est pas un conservateur, plutôt un opportuniste dont la stratégie n’est pas guerrière et qui, comme vous le dites, répétait pendant sa campagne présidentielle vouloir retrier ses troupes des zones de conflit. Mais à l’époque, il évoquait essentiellement le coût inutile -financier et humain- de conflits dont tout le monde se fichait ! En revanche, dans un même temps il affirmait qu’il fallait moderniser l’appareil militaire -ce qu’il a fait, invoquant la sécurité du pays.

Maintenant, s’i estime les intérêts des Américains menacés, cela n’irait pas à l’encontre de ses convictions de s’engager dans un conflit, surtout que l’Iran est après tout classé dans les pays de « l’Axe du Mal ». On revient à la théorie des conservateurs et du gros bâton qu’il faut sortir pour discuter. Mais toujours dans un esprit de « bienveillance », c’est-à-dire trouver une issue pacifique. C’est pour cela que beaucoup de commentateurs, lorsqu’ils commentent à chaud leurs déclarations, évoquent une sorte de douceur, et commentent au premier degré. Mais ce n’est pas du premier degré, c’est de l’emballage ! Le message envoyé est en réalité le suivant : vous êtes dangereux pour moi, si vous voulez me combattre, je le ferai !

Si on revient sur les « faucons » en question. Quel est le profil de Mike Pompeo et John Bolton ?

Les opinions en matière de politique étrangère diffèrent finalement entre les faucons de manière générale.  Avec Bolton, on est dans une politique de guerre préventive, c’est-à-dire qu’on va dans un conflit armé pour montrer notre force. Même s’il y a un coût humain pour le déroulement du conflit, ces vies sont considérées comme un moyen de sauver des vies humaines -notamment américaine- dans le futur. Ce qui compte également avant tout, c’est la prédominance des Etats-Unis à la manière du XIXe siècle – celle du Manifest Destiny- qui exporte la démocratie américaine parce que c’est la meilleure des démocraties et qu’il ne faut pas laisser d’autres valeurs dominer le monde. Bolton est exactement dans cette optique quand on considère ses nombreuses déclarations indiquant la nécessité d’effectuer des frappes en Corée du Nord ou sur l’Iran.

Après, vous n’avez pas besoin d ‘être un « faucon » pour être contre l’Iran. La preuve avec Mike Pompeo qui est beaucoup moins va-t-en-guerre que Bolton. D’ailleurs, il a été beaucoup sur des opérations extérieurs -étant ancien directeur de la CIA. Mais on s’aperçoit que depuis qu’il est ministre des affaires étrangères, il n’y pas un papier de cigarette de différence entre ce que dis Trump et Pompeo. On sent vraiment qu’il colle à l’image du patron.  De nombreux commentateurs pensent que Trump a été séduit par les idées de Pompeo, et qu’il fait exactement ce qu’il lui dit de faire. Je crois que c’est le contraire. Si on observe Trump depuis le départ, il n’est pas un suiveur. Il le dit lui-même : il écoute tout le monde mais prend les décisions in fine.

A côtés d’eux, d’autres responsables sont d’autres « faucons », notamment Gina Haspel -directrice de la CIA- qui est non seulement pour la guerre mais aussi la torture. Depuis elle a rétropédalé et dit que ce n’était pas vrai. Mais toujours est-il qu’elle aussi s’inscrit dans cette vision d’un monde où il y a un « Axe du Mal », les ennemis de l’Amérique, et qu’il faut donc les traiter comme tel. Ces trois-là tranchent finalement avec Trump qui pense qu’on peut négocier avec n’importe qui, même avec son pire ennemi. C’est ce qu’il dit à Kim Jon Il, c’est ce qu’il dit à Ronan Hassani. C’est son côté entrepreneur, dont il est issu, mais aussi sa réalisation de ce que c’est d’être un commandant en chef. Mais comme la diplomatie ne fait pas partie de son langage, il voit cela que une relation d’homme à homme – en bilatéral- où il faut se rencontrer, se mettre autour d’une table et trouver une solution. 

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