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Irak 1, Afghanistan  0 ?
©WAKIL KOHSAR / AFP

20 après

L’entrée des talibans dans Kaboul semble clore une période de vingt ans, ouverte par l’effondrement des tours du World Trade Center et consacrée, sous l’influence des néo-conservateurs américains, à la démocratisation par la force du monde arabo-musulman, alors baptisé Grand Moyen Orient. L’idée simple, voire simpliste, était que la démocratie devait chasser l’islamisme radical.

Guillaume Lagane

Guillaume Lagane

Guillaume Lagane est spécialiste des questions de défense.

Il est également maître de conférences à Science-Po Paris. 

Il est l'auteur de Questions internationales en fiches (Ellipses, 2021 (quatrième édition)) et de Premiers pas en géopolitique (Ellipses, 2012). il est également l'auteur de Théories des relations internationales (Ellipses, février 2016). Il participe au blog Eurasia Prospective.

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Dans ce projet ambitieux, l’Afghanistan puis l’Irak furent deux laboratoires à ciel ouvert, avec d’emblée un avantage pour le premier. Au lendemain du 11 septembre 2001, nul ne contestait la légitimité de la riposte américaine, d’ailleurs validée par l’ONU (résolution 1373). Avec leur islam obscurantiste, les talibans ne suscitaient guère de sympathie. Appuyée par l’Alliance du Nord, l’occupation du pays fut rapide et consensuelle.

L’Irak, deux ans plus tard, fut une autre histoire. Absence de mandat onusien, accusation de mensonge américain sur armes de destruction massive, soutien à la « stabilité laïque » du régime baasiste : la guerre en Irak divisa les Etats, mobilisa les opinions publiques et fit la fortune médiatique de Dominique de Villepin. L’occupation même du pays, en provoquant une quasi guerre civile, abîma l’image de l’Amérique.

Vingt ans plus tard, le bilan semble s’inverser. La « bonne guerre » afghane finit par l’effondrement du régime, quelque peu fantoche, d’Ashraf Ghani. La « mauvaise guerre » irakienne a accouché d’un Etat irakien faible, corrompu, contesté, mais vainqueur tout de même de l’insurrection de l’Etat islamique (EI).

Comment expliquer cet étrange renversement ? Les causes sont aussi complexes qu’est longue l’histoire de ces deux Etats et effroyablement subtile leur composition ethno-religieuse. Mais on peut, malgré tout et au risque de la simplification, en distinguer trois principales.

En Irak, les Arabes de confession chiite constituent la majorité. Ecartés du pouvoir depuis la création du pays sous mandat britannique, ils y sont parvenus avec le renversement de Saddam Hussein en 2003. En 2014, leur mobilisation a vite enrayé la progression de l’EI, appuyé par des sunnites minoritaires. Rien de tel en Afghanistan : les talibans s’appuient sur l’ethnie pachtoune, qui forme une majorité relative et a dominé le pays depuis un siècle, jusqu’à ce que l’intervention occidentale fasse la part belle aux minorités tadjikes (30%), hazaras (15%) ou bien ouzbèkes (9%).

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En Irak, l’Iran voisin s’est réjoui de l’arrivée au pouvoir de ses cousins chiites. Tous les partis chiites ne sont pas pro-iraniens, et le grand leader chiite qu’est l’ayatollah Al-Sistani n’a rien d’un séide de Téhéran, mais l’influence de la République islamique n’en est pas moins considérable. Son intervention a aidé à vaincre l’Etat islamique. Rien de tel en Afghanistan : créateur du mouvement taliban, le grand voisin qu’est le Pakistan n’a cessé de le soutenir, accueillant même son quartier général à Quetta. Leur retour au pouvoir est un triomphe pour Islamabad, soucieux de contrôler sa « profondeur stratégique » face à l’Inde.

Enfin, en Irak, les Occidentaux ne sont jamais vraiment partis. Contempteur de l’administration Bush, Barack Obama a bien évacué le pays en 2011 pour se consacrer à l’Afghanistan, intervention qu’il jugeait plus légitime et plus prioritaire. Mais il a dû revenir en 2014, après que l’autoritarisme du gouvernement Maliki ait favorisé l’éclosion de l’Etat islamique. Donald Trump est resté et a même fait de l’Irak un terrain de rivalité avec l’Iran éliminant en 2020 le général Soleimani à l’aéroport de Bagdad. L’administration Biden a indiqué vouloir soutenir le premier ministre irakien, Mustafa al-Kadhimi, dans sa difficile lutte contre la corruption, le confessionnalisme et l’influence des milices iraniennes. Fort de cet appui, peut-être le sort de Bagdad sera-t-il plus clément que celui de Kaboul ?

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