Inflation énergétique : petit bilan des dispositifs publics sur la compétitivité des entreprises<!-- --> | Atlantico.fr
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Malgré ces dispositifs, les entreprises vont rester confrontées à des hausses de prix très fortes. Le choc va être atténué mais pas supprimé.
Malgré ces dispositifs, les entreprises vont rester confrontées à des hausses de prix très fortes. Le choc va être atténué mais pas supprimé.
©Christof STACHE / AFP

Un choc atténué

Olivier Redoules évoque l'efficacité des soutiens publics pour les entreprises européennes face à la crise énergétique.

Olivier Redoules

Olivier Redoules

Olivier Redoules est le directeur des Etudes de Rexecode. 

 

Diplômé de l’École polytechnique et de l’École nationale de la statistique et de l’administration économique (Ensae), administrateur de l’Insee, Olivier Redoulès a débuté sa carrière à l’ Insee en 2008, au sein du département de la conjoncture comme économiste et statisticien, avant de rejoindre la Direction générale du Trésor en 2011.

Nommé conseiller financier à l’Ambassade de France en Suède puis en Turquie, il occupe ensuite les postes de Directeur des études économiques (2017-2019) et de Chef économiste (2019-2020) au Medef.

Avant de rejoindre Rexecode, il était Rapporteur général adjoint auprès du Haut Conseil des finances publiques et Conseiller référendaire en service extraordinaire à la première chambre de la Cour des comptes.

Il est par ailleurs membre du conseil d’administration de la Société d'économie politique.

Olivier Redoules a pris la direction du pôle Etudes de Rexecode en octobre 2022. Il est notamment chargé de l'évaluation de l'impact des politiques publiques sur le système productif, la compétitivité, l'emploi et la croissance.

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Atlantico : Vous avez publié une note Les entreprises européennes face à la crise énergétique: efficacité des soutiens publics et compétitivité pour Rexecode. Quels en sont les principaux enseignements ?

Olivier Redoules : Cette note est une première à notre connaissance. Nous nous sommes posé la question de ce que voulaient dire ces différentes aides pour les entreprises. Certains travaux, notamment ceux de l’institut Bruegel, donnaient une idée des montants budgétaires globaux, mais pas forcément de ce que cela signifiait concrètement pour les entreprises. C’est ce que nous faisons. Nous sommes allés chercher dans les textes et auprès des fournisseurs les informations pour comprendre les mécanismes qui s’appliquaient. Pour autant, ce sont des données à utiliser avec prudence car aucune entreprise ne se reconnaîtra immédiatement dans ces données moyennes, en raison de toutes les circonstances particulières qui peuvent déterminer les prix. Mais cela donne des grandes directions. Par ailleurs, il faut garder en tête qu’en Italie et en Espagne, les dispositifs sont évolutifs et pourraient changer d’ici quelques mois. C’est moins le cas en France et en Allemagne. Les dispositifs dépendent aussi de la situation des marchés: ainsi le plafond décidé par l’Allemagne est aujourd’hui peu utile car les prix du gaz sont inférieurs à ce plafond.

Parmi les principaux enseignements, il faut noter que ce sont des dispositifs nationaux très différents. Ils tiennent compte des spécificités nationales, comme l’ARENH en France ou la relative déconnexion du marché espagnol du reste de l’Europe. Et on retrouve en filigrane les limites budgétaires de chaque pays. Ensuite, il y a bien une contrainte européenne qui est celle de la limite des aides d’Etat. Cela réduit fortement la portée des dispositifs d’aides Allemand ou Italien.

Ensuite, malgré ces dispositifs, les entreprises vont rester confrontées à des hausses de prix très fortes. Le choc va être atténué mais pas supprimé. Même pour les TPE françaises qui peuvent bénéficier du tarif réglementé, qui sont les moins touchées, la hausse de prix de l’électricité est de 25% par rapport à 2019, ce qui est loin d’être négligeable. Pour les autres la hausse sera plutôt comprises entre 100% et 200 % selon les pays parrapport à 2019. Donc il y a un problème de hausse des prix malgré les dispositifs.

Le troisième enseignement, c’est que les mécanismes de régulation tels que l’ARENH jouent un rôle important dans l’atténuation du choc, mais on sait que  l’ARENH coût très cher à EDF et qu’il va disparaître en 2025. Donc cela pose une question sur l’avenir. Ce que fait l’Espagne marche mais ce n’est pas forcément faisable par les autres pays. Donc il faut réfléchir à un market design et réorganiser les marchés de l’électricité pour qu’ils restent compétitifs. En effet, la hausse que nous vivons ne se retrouve pas outre-Atlantique. On risque de vivre un décalage de compétitivité au détriment de l’Europe.

Comment se place la France par rapport à ses voisins concernant les dispositifs mis en place ?

Ce que la France a mis en place c’est, d’une part, une baisse de la fiscalité énergétique, que l’on retrouve à des degrés divers dans les  autres pays. C’est ensuite un amortisseur électricité pour les PME, qui prend en charge 25% des hausses de prix. C’est pour les entreprises électro-intensives une aide aux paiements. Mais c’est aussi – et c’est l’éléphant dans la pièce – l’ARENH. L’accès à l’ARENH se fait indirectement via le fournisseur d’électricité, ce qui permet aux entreprises de bénéficier pour une partie de leur consommation d’un tarif préférentiel de 42€/MWh. C’est pour cela que les entreprises électro-intensives sont plutôt bien protégées, comparativement aux autres pays.

Lorsque l’on sort des entreprises électro-intensives, le niveau de protection se révèle assez comparable à ce qui s’est fait en Espagne et en Italie et moins bon qu’en Allemagne. L'Allemagne protège mieux grâce à une baisse de la fiscalité plus forte et un plafonnement efficace du prix de l’électricité. Dans l’hypothèse de prix très hauts (400 €MWh), la dynamique est la même. Nous ferions un peu moins bien que l’Allemagne et environ aussi bien que l’Espagne et l’Italie. Le dispositif italien est d’autant moins protecteur que les entreprises sont grosses en raison de la limitation européenne des aides d’Etat : 4 millions d’euros par entreprise. Plus une entreprise est grande, plus elle va consommer, plus sa facture va être haute. Et comme l’aide d’Etat va être plafonnée, et son importance va diminuer, en termes de montant d’aide par unité de consommation.

Arrivons-nous à estimer l’efficience des mesures : le rapport entre la protection accordée et la quantité d’argent nécessaire pour le faire ?

Nous n’avons pas fait ce travail-là. Mais on peut malgré tout voir que le mécanisme espagnol – qui répartit le surcoût effectif du gaz lié la production d’électricité qui l’utilise sur tous les consommateurs d’électricité -, qui ne coûte rien, est relativement efficient. Il est globalement aussi efficace que le mécanisme italien, qui est pourtant beaucoup plus cher. Le mécanisme espagnol peut être une source d’inspiration, budgétairement neutre.

Vous écrivez : « La situation plaide pour une réforme des marchés énergétiques européens favorable à la compétitivité des entreprises. » quelle réforme faut-il ?

Nous nous sommes rendu compte que nous avions au niveau européen une dépendance au gaz russe qui peut être sans doute corrigée avec le GNL,  la relance du nucléaire et le développement du renouvelable. Le rapport annuel de RTE montre aussi que nous avons, en partie, joué de malchance. Mais la malchance c’est aussi d’avoir mal provisionné les risques. Le market design actuel n’incite pas les acteurs à dégager des marges de sécurité. Les fournisseurs et les producteurs d’électricité ne sont pas encouragés à les chercher. Quand tout va bien, le système est très efficace, mais dès qu’il y a un problème, sans marge, cela devient très vite problématique. Cela peut être fait en prévoyant des contrats de long terme, en finançant des surcapacités, en fixant un cadre prudentiel, etc. Il y a plusieurs pistes et outils qui peuvent exister.

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