Industrie : la Chine a désormais un nouveau rival de poids pour le titre d’atelier du monde et il s’agit de…<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Economie
Une photo prise le 13 octobre 2021 montre des employés travaillent à l'usine de fabrication de Vikram Solar à Oragadam, dans le sud de l'Inde.
Une photo prise le 13 octobre 2021 montre des employés travaillent à l'usine de fabrication de Vikram Solar à Oragadam, dans le sud de l'Inde.
©ARUN SANKAR / AFP

Mondialisation post Covid

Après avoir notamment triplé ses exportations de biens électroniques en 5 ans, un autre pays connaît une progression foudroyante sur la scène économique internationale.

Jean-Marc Siroën

Jean-Marc Siroën

Jean-Marc Siroën est professeur émérite d'économie à l'Université PSL-Dauphine. Il est spécialiste d’économie internationale et a publié de nombreux ouvrages et articles sur la mondialisation. Il est également l'auteur d'un récit romancé (en trois tomes) autour de l'économiste J.M. Keynes : "Mr Keynes et les extravagants". Site : www.jean-marcsiroen.dauphine.fr

 

Voir la bio »

Atlantico : Alors que les entreprises occidentales cherchent un remplaçant pour la Chine en tant qu’usine du monde, les exportations d’objets électroniques fabriqués en Inde ont été multipliées par 3 depuis 2018 pour atteindre 23 milliards de dollars. Quelles sont les principales raisons de cette croissance ? L’Inde peut-elle devenir prochainement la prochaine usine du monde ?

Jean-Marc Siroën : L’ouverture de la Chine a précédé d’une bonne dizaine d’années l’ouverture de l’Inde. C’était trop tard pour profiter d’une mondialisation tirée par la sous-traitance internationale. Revers de la médaille, depuis une dizaine d’années, le modèle chinois a montré ses limites avec, notamment, une hausse des salaires qui pèse sur la compétitivité, un déclin démographique annoncé qui devrait raréfier la main d’œuvre disponible et une fragilité financière menaçante. Cet épuisement pourrait bénéficier quasi mécaniquement à l’Inde qui est un candidat sérieux pour devenir la prochaine « usine du monde » avec néanmoins trois limites, au moins. La première est que la Chine se désengage de ses activités industrielles classiques de sous-traitance notamment dans l’assemblage des produits électroniques avec une stratégie de remontée en amont dans des activités à plus haute valeur ajoutée ce qui signifie aussi pour elle une certaine forme de désindustrialisation. La seconde, est que l’Inde n’est pas la seule en course. Des pays comme le Vietnam, la Malaisie, l’Indonésie, les Philippines ou le Cambodge, voire certains pays africains, sont également des candidats sérieux. Enfin, la crise sanitaire et les incertitudes politiques poussent les donneurs d’ordre à se diversifier (y compris par reconquête de leur marché intérieur) plutôt qu’à concentrer leurs lieux de production. Les investisseurs ne commettront pas avec l’Inde les mêmes erreurs qu’avec la Chine. Si désengagement de la Chine il y a, l’Inde ne serait pas le seul pays à en profiter.

Alors que l’Inde et la Chine se livrent à une forte compétition pour attirer les investissements étrangers dans le secteur manufacturier, quels sont les avantages de l’Inde par rapport à son voisin chinois ?

Les principaux avantages de l’Inde sont la disponibilité et le coût de la main d’œuvre. Mais se polariser sur secteur manufacturier serait réducteur. Par rapport à la Chine, l’Inde s’est davantage spécialisée dans la sous-traitance de services sans nécessairement faire appel aux investissements étrangers. Pour l’instant, le pays reçoit toujours quatre fois moins d’investissements directs étrangers que la Chine (sept fois moins si on inclut Hong Kong). Ses limites sont le faible niveau d’éducation et de formation. Le pays dispose certes d’universités prestigieuses et d’ingénieurs compétents mais les plus brillants … émigrent à l’étranger. Ceux qui restent sont davantage attirés par les services, notamment informatiques que par l’industrie manufacturière. Enfin la législation et les pratiques sont marquées par une persistante méfiance vis-à-vis de l’ouverture aux firmes étrangères.

Apple, Vestas… De plus en plus d’entreprises occidentales se détournent de la Chine pour s’implanter en Inde. Comment expliquer cette volonté ?

Du côté chinois, le durcissement du régime de Xi Jinping, crée une plus grande insécurité sur les investissements avec une crainte croissante sur le « pillage » des technologies des firmes et des pays investisseurs. La brutalité d’une politique « zéro covid » prolongée bien trop longtemps n’a pas épargné les firmes étrangères et le confinement a touché les « expats ».

D’une manière plus générale, la crise sanitaire et, dans une moindre mesure, la guerre en Ukraine, plaident en faveur de la diversification des lieux de production plutôt que leur concentration dans un pays, la Chine en l’occurrence. On peut donc s’attendre à réorientation des investissements vers des pays qui ne sont pas exposés aux mêmes risques, l’Inde, certainement, mais pas seulement.

Depuis 2018, la politique protectionniste des Etats-Unis ciblée sur la Chine et leur offensive contre des firmes chinoises comme Huawei n’incitent évidemment pas les entreprises occidentales à investir en Chine. Et puis, comment ne pas considérer le risque d’une guerre avec Taiwan qui aurait nécessairement des conséquences sur les investissements non seulement des firmes occidentales mais aussi taïwanaises (Foxconn…) ou coréennes (Samsung,…) ? 

Les entreprises occidentales qui se tournent vers l'Inde pour leurs activités manufacturières mentionnent souvent des préoccupations telles qu’une main-d'œuvre peu qualifiée, des infrastructures sous-développées et un climat des affaires pesant. Faut-il s’attendre à une amélioration de ces points dans les années à venir ?

Ces préoccupations sont fondées. Si, sur le papier, l’Inde devrait se situer sur la trajectoire d’un décollage industriel à la dimension du pays, dans les faits, rien n’est acquis. La structure très inégalitaire du pays, les tensions intérieures, un système fédéral mal maitrisé sont d’autres obstacles importants. Le gouvernement actuel, nationaliste, hindouiste et anti-musulman, n’a pas vraiment démontré sa capacité à accélérer les évolutions nécessaires ni sur l’éducation, ni sur les infrastructures. Et puis, comme nous l’avons vu, dans le sud-est asiatique, la Chine n’est pas le seul rival économique de l’Inde.

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !