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Incendie de péages en série : zadisation d’une partie des Gilets jaunes ou violences traditionnelles de l’arc méditerranéen ?
©GERARD JULIEN / AFP

Mise en examen

14 Gilets jaunes ont été mis en examen après l'incendie du péage de Bandol dans le Var.

Sylvain Boulouque

Sylvain Boulouque

Sylvain Boulouque est historien, spécialiste du communisme, de l'anarchisme, du syndicalisme et de l'extrême gauche. Il est l'auteur de Mensonges en gilet jaune : Quand les réseaux sociaux et les bobards d'État font l'histoire (Serge Safran éditeur) ou bien encore de La gauche radicale : liens, lieux et luttes (2012-2017), à la Fondapol (Fondation pour l'innovation politique). 

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Atlantico :  Blocages de rond-points, incendies de péages, et maintenant blocage des frontières... La mobilisation des "gilets jaunes" semble se "zadifier". En quoi le mouvement actuel et les ZAD sont-ils comparables ? De quels types de violences parle-t-on dans les deux cas ?

Sylvain Boulouque : Les deux mouvements ne sont pas comparables dans la mesure où la ZAD est un lieu fixe, statique, pour défendre une "zone à défendre". Et, comme dans le cas de celle de Nantes, il y avait une logique particulière : s'opposer à l'installation d'un aéroport dans une campagne. Or, là, les "gilets jaunes" sont mobiles, se déplacent de rond-point en rond-point et, s'ils définissent des axes de fixation, peuvent les changer très fréquemment. Ensuite, les zadistes et les "gilets jaunes" ont peu de points communs, qu'il s'agisse de la physionomie ou de la majorité des parcours politiques des uns et des autres.

Par ailleurs, les "gilets jaunes" agrègent plusieurs formes de violence. La première serait une violence sociale qui se manifeste à travers les différentes dégradations qui ont pu être commises, si bien dans les milieux ruraux que périurbains, ou encore à travers le tag inscrit sur l'Arc de Triomphe. D'autres violences de ce mouvement sont plus longuement inscrite dans la société française, comme celle issue du monde paysan et qui existait dans les années 20 et les années 30 à travers le mouvement dit des "chemises vertes". Une autre violence présente chez les "gilets jaunes" est celle que l'on retrouvait chez les artisans et commerçants et qui se manifestait, par exemple, dans le mouvement de Pierre Poujade dans les années 1950. Elle résidait notamment dans une violence contre les institutions ou les symboles institutionnels. 

Un autre type de violence présent dans le mouvement contestataire est celle de la droite nationale et de la droite radicale qui se manifeste par un certain nombre de violences physiques contre des personnes et de la violence verbale adressée à des minorités. On l'a pu voir sur des ronds-points à travers des insultes racistes, homophobes, et antisémites. 

Enfin, un autre type de violence est anti-institutionnel, plutôt de gauche, que l'on a pu voir se manifester à travers les attaques contre les symboles des différentes institutions : attaques contre la police, graffitis anticapitalistes, etc. On les a vues à des rond-points lors de manifestations urbaines des "gilets jaunes".

Même si c'est un peu réducteur, le mouvement des "gilets jaunes" vient plutôt, au départ, de la droite. Et les formes de mobilisation sont elles aussi plutôt de droite. Pas de gauche. 

On constate aussi, géographiquement, que la mobilisation des "gilets jaunes" se distingue, grossièrement, entre des blocages plutôt de gauche dans la France de l'Ouest et plutôt de droite dans la France du Nord-Est ou Sud-Est est beaucoup plus à droite. Et ça recoupe, grossièrement, la géographie électorale de la France.

En comparant les violences des "gilets jaunes" aux ZAD qu'a connues la France, trouve-t-on des similitudes, d'un point de vue géographique ? Certaines régions de France présentent-elles une propension plus importante à la radicalisation ? Comment expliquer cette radicalité, dans ces régions coutumières des actions violentes ?

Au sein des "gilets jaunes", les mouvements de radicalisation existent un peu partout en France. Des incidents ont été constatés à des rond-points situés un peu partout sur le territoire, à des degrés divers. Par exemple contre des automobilistes qui ne voulaient pas klaxonner face aux "gilets jaunes". On parle de violences verbales ou physiques survenues un peu partout. 

On remarque ainsi qu'un péage autoroutier a été incendié à Bandol, dans le sud, qu'un certain nombre de violences surviennent contre des biens matériels, comme les radars. Les manifestants s'attaquent donc à un certain nombre de bâtiments ou institutions plus ou moins publics. Et ce type de violences se développe sur l'ensemble du territoire, il n'y a pas de spécificité géographique. 

Dans le cas des ZAD, la résolution des conflits est souvent très lente, et peine à être effective. Or, malgré les annonces de l'exécutif (grande consultation nationale, mesures pour le pouvoir d'achat...) la contestation des "gilets jaunes" semble partie pour durer chez une frange des manifestants. Doit-on s'attendre à ce phénomène ?

Oui et non. Oui, on peut s'attendre à une permanence du conflit parce qu'un certain nombre de personnes sont prêtes à rester très longtemps sur place, compte tenu de la structure sociale du mouvement (qui n'est pas du tout la même que celle de la ZAD). 

Mais les "gilets jaunes" ont adopté une forme de mobilisation particulière et les fêtes de fin d'année peuvent faire que des ronds-points se vident à cette occasion. Et d'autre part, alors que les zadistes se concentraient en masse en un point, les "gilets jaunes" sont plus éparpillés. 

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