Incapable de réfréner vos envies de manger ? Pourquoi vous culpabiliser ne vous aidera pas<!-- --> | Atlantico.fr
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La culpabilité amplifie les problèmes de nutrition.
La culpabilité amplifie les problèmes de nutrition.
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Fin de la faim

Quand il s'agit de dépression, certains individus deviennent impulsifs et peuvent palier leur manque d'intérêt pour leur environnement par des abus de nourriture. Saper l'estime d'une personne dans cette situation devient logiquement contre-productif.

Catherine Grangeard

Catherine Grangeard

Catherine Grangeard est psychanalyste. Elle est l'auteur du livre Comprendre l'obésité chez Albin Michel, et de Obésité, le poids des mots, les maux du poids chez Calmann-Lévy.

Elle est membre du Think Tank ObésitéS, premier groupe de réflexion français sur la question du surpoids. 

Co-auteur du livre "La femme qui voit de l'autre côté du miroir" chez Eyrolles. 

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Atlantico : Pourquoi est-ce que le grignotage n'est pas –comme souvent il y est souvent attribué- qu'un problème d'impulsivité ?

Catherine Grangeard : Grignoter est moins un problème de comportement alimentaire qu’une réponse à un mal être ! Par conséquent, ce n’est pas uniquement une question d’impulsivité.

Dans ces situations, il est plus important de réfléchir avec la personne sur ce qu’elle ressent plus que de rester obsédé par un comportement, quel qu’il soit. On ouvre la question plutôt que la refermer, c’est facilitateur pour trouver des solutions…

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Ainsi le sujet a de nombreuses raisons pour grignoter, nous allons les chercher. D’abord il peut avoir faim. Tout simplement… Imaginons quelqu’un qui a peu mangé, eh bien, son estomac tiraille. Alors, un petit truc par ci, un autre par- là, et on pourrait dire que c’est du grignotage. Or, il s’agit d’une réponse adaptée à une situation : cette personne n’a pas assez mangé, par ex. parce qu’elle suit un régime hypocalorique. Autre ex. , l’ennui, ou les ennuis… Ce sont des situations qui appellent souvent un petit encas. L’ennui, c’est le vide à remplir ; les ennuis, c’est se trouver un petite consolation dans un petit quelque chose à se mettre sous la dent, pour se faire plaisir. Ces deux exemples n’ont strictement rien à voir avec l’impulsivité. Ils sont pourtant très courants.

Pointer l’impulsivité comme cause principale est assez partial. On y repère un jugement moral implicite. L’impulsivité serait signe d’un manque de maîtrise de soi, d’un emportement irréfléchi… Ce serait une caractéristique d’une personnalité immature… Bref, on associe à l’impulsivité du négatif. Je tiens à montrer la perversité de ce type d’approche qui ignore la singularité de la personne. A certains moments, l’impulsivité permet de se dégager de situations "tordues" et il vaut mieux alors en être capable.

Jusqu'à quel point notre humeur peut-elle influencer notre appétit ?

L’influence par l’humeur est capitale. L’humeur est la grande patronne de l’appétit.

Avoir la gorge nouée et rien ne peut passer, par tristesse, par angoisse, c’est un grand classique, comme le fait de mal dormir la veille d’un examen… Au contraire, engloutir, ne pas ressentir de satiété, parce que le besoin de calmer encore une fois de l’angoisse, est un autre grand classique. Et cela dépend des personnes. Il y en a qui ont l’appétit ouvert là où d’autres l’ont fermé. Ce sont les mêmes déclencheurs mais les effets sont différents. Cela dépend de plein de choses. L’enfance a évidemment une importance considérable. Dans certaines familles, la nourriture a servi comme solution à beaucoup de choses… C’est cela qui agit principalement sur l’appétit, cette valeur qui est attribuée à une nourriture par cette personne.

Pour revenir aux grignotages, il est clair que la petite douceur est une solution que la personne s’auto-administre, c’est  l’effet antidépresseur recherché, c’est la soupape de sécurité, c’est pour amortir un choc, c’est pour attendre une nouvelle, c’est pour combler un manque, un vide, c’est une tentative de maîtrise d’une situation pénible, c’est pour tout un tas de raisons… à défaut d’être toujours raisonnable.

Le lien entre le corps et l’esprit est permanent. Les influences sont réciproques. Il est vain (car un peu court) de tenter de résoudre une question comme le grignotage en ne s’intéressant qu’à un seul aspect de la dite question. Ce n’est pas un problème comportemental ! C’est une réponse comportementale à un problème bien plus existentiel. Ce n’est pas idiot de tenter de trouver des solutions pour résoudre des tensions, tout de même…

Pourquoi est-ce qu'il est important de ne pas se blâmer pour ses problèmes de grignotage ?

Si grignoter avait pour but de se soulager d’une pression trop importante, si c’était une solution à une dépression envahissante, il serait malvenu d’en rajouter par un blâme parce que grignoter serait un défaut supplémentaire ! C’est très normatif comme injonction que de ne pas manger entre les repas. C’est très moralisateur de juger que les problèmes doivent être résolus autrement que par un petit quelque chose à grignoter. Et très hypocrite aussi ! pourquoi vendre autant de douceurs alors ? on sait bien que ce n’est pas indispensable au pain quotidien. Non, le grignotage est même encouragé !

Dès l’enfance, on offre des bonbons, des œufs en chocolats, etc… C’est bien pour grignoter, ou je me trompe ? Ainsi, l’habitude est donnée de (se) faire plaisir par des friandises.

Ainsi, grignoter n’est pas un problème en soi. Ce qui pose problème serait l’excès de grignotage, ou encore remplacer les repas par des grignotages… 

A quoi ça sert de blâmer un comportement ? A créer de la culpabilité. Est-ce que cela fait avancer dans un sens intéressant ? S’en vouloir, se mésestimer aboutit toujours à pire…

Pour conclure, il est essentiel de réfléchir aux raisons pour lesquelles le grignotage est à modifier, s’il est régulier, intempestif, devenu compulsif, etc… Et de tenter d’agir en amont sur ce qui pousse à poser des actes que l’on désapprouverait, soi-même.  C’est donc en amont que l’on peut intervenir et résoudre des causes conduisant à des conséquences regrettables.

Il est inutile de regarder uniquement là où le lampadaire éclaire… je vais finir par une blague que j’aime bien. Quelqu’un cherche ses clés sous un lampadaire. Une autre personne pose cette question "vous êtes certain de les avoir perdues ici ?" Et le premier de répondre "pas du tout, ce n’est pas là que je les ai perdues. Mais c’est là où il y a de la lumière"…

Toutes celles ci dans la lignée du sujet : "Incapable de refréner vos envies de manger ? Pourquoi ce n'est pas forcément votre faute."

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