Immobilier : qui peut encore acheter à Paris ou dans une grande métropole française ?<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Economie
La façade d'immeuble haussmannien à Paris
La façade d'immeuble haussmannien à Paris
©BOYAN TOPALOFF / AFP

Blocage

Selon le rapport "Les riches en France" publié au début du mois de juin par l'Observatoire des inégalités, la France compterait 4,5 millions de personnes aisées. Pourtant, cet indicateur omet un paramètre essentiel : le lieu de vie. Un personne "riche" peut-elle vraiment espérer se loger et vivre décemment à Paris ou dans les grandes métropoles françaises ?

Charles Reviens

Charles Reviens

Charles Reviens est ancien haut fonctionnaire, spécialiste de la comparaison internationale des politiques publiques.

Voir la bio »

Atlantico : L'Observatoire des inégalités a sorti un nouveau rapport sur « Les riches en France » au début du mois de juin. La France compterait 4,5 millions de personnes aisées. Or ce calcul ne prend pas forcément en compte le lieu de vie, un élément déterminant lorsque l'on sait que le loyer est la plus grosse dépense du budget des Français. Une personne gagnant 3 673 euros par mois, donc « riche », peut-elle espérer acheter un logement à Paris ? Si oui, sous quelles conditions ?

Charles Reviens : L’observatoire des inégalités, clairement positionné à gauche sur le plan économique avec des partenaires comme Alternatives Economiques et la Fondation Abbé Pierre, vient de mettre à jour son rapport sur les riches en France. Il a positionné le niveau de richesse au double du niveau de vie médian, soit 3 673 euros par mois pour une personne seule ou 5 500 euros pour un couple, après impôts, ce qui nous rappelle en partie les propos de François Hollande en 2007 qui avait déclaré qu’il n’aimait pas les riches et qu’on l’était à partir de 4 000 euros de revenus mensuels.

Le seuil fixé par l’observatoire des inégalités distingue donc 7 % de riches et donc 93 % de « non riches ». Cette approche de la richesse par le prisme du revenu ne prend pas en compte la situation du patrimoine (est-on déjà propriétaire de son logement) ni des charges (enfants à charge, prêts en cours…).

Cette approche ne prend pas en compte les très grandes variations du prix du logement en France, avec des prix qui dépassent 5 000 euros du mètre carré dans l’ancien dans 5 département (Paris, Hauts de Seine, Val de Marne, Alpes Maritimes, Yvelines) et sont en dessus de 1 000 euros dans 5 autres (Meuse, Ardennes, Haute-Marne, Creuse). On va même jusqu’à 17 000 euros du mètre carré à Paris où il est vrai qu’on ne construit que 500 logements neufs par an.

Ces différences territoriales sont bien documentées par le conseil général de l’environnement et du développement durable CGEDD qui mesure le prix des logement et le revenu disponible donc le pouvoir d’achat immobilier, c’est-à-dire la quantité de logement ancien que le ménage peut acheter, pour un taux d’effort donné (mensualité rapportée au revenu). En 20 ans le ratio prix/revenu disponible a ainsi augmenté de 1.85 en France, mais de 2.58 à Paris et de plus de 3 à Lyon.

Ainsi une personne gagnant 3 673 euros qui emprunte sur 25 ans à 2,5% et consacre 35 % de son revenu au paiement de son prêt immobilier peut acheter un appartement de 24 mètres carré à Paris au prix de 12 000 euros au mètre carré. Cette personne a la chance d’être riche mais vit dans un petit appartement !!!

Qui peut encore concrètement acheter facilement un bien immobilier à Paris ou dans une grande ville ? Quels sont les critères clés ? Y a-t-il des configurations dans lesquelles un foyer modeste peut encore espérer devenir propriétaire à Paris ou dans une grande ville ? (apport, possession d’un logement …)

Avec l’exemple précédent on voit bien qu’il faut désormais un revenu très important pour accéder à l’immobilier dans une agglomération française. Les éléments hors revenu sont donc très importants et le plus important est de disposer déjà d’un patrimoine sous une forme ou une autre : être déjà propriétaire et pouvoir vendre son logement pour un acquérir un autre, disposer d’un apport personnel par exemple par l’héritage.

Il y a aussi les différents dispositifs d’accession sociale à la propriété organisés dans la politique publique du logement : l’achat de son logement HLM, le dispositif de location accession PSLA à prix maîtrisé pour des publics sous condition de ressources, ou le bail réel solidaire qui organise le démembrement entre le foncier et le bâti. Toutefois ces dispositifs sont dans leurs impacts relativement marginaux avec par exemple 10 000 ventes HLM par an à comparer aux 1,2 millions de transactions immobilières, nombre record dans le secteur privé recensé par la FNAIM en 2021.

Quelles sont les conséquences de cette situation ? A quel point cela rend-il la situation toxique et destructrice sur le plan de l’immobilier et pour l’accès à la propriété ?

Avant d’évoquer les conséquences, on peut rapidement évoquer les causes de cette situation d’augmentation des prix dans le secteur privé : les taux d’intérêt bas liés aux politiques de quantitative easing, ou la restriction de l’offre de nouveaux logements liés par exemple aux politiques environnementales : principe du zéro artificialisation nette, impact des mauvaises étiquettes énergétiques… Il n’est enfin pas exclu que la dualité du secteur du logement en France (un secteur social et un secteur privé) et les prix très bas du secteur social liés à des loyers administrés conduisent par effet transfert une augmentation forte des prix des constructions nouvelles privées notamment dans les communes qui ne respectent pas leurs obligations en nombre de logements sociaux sur leur territoire.

Les conséquences économiques sont une forme de stérilisation économique puisque un logement rend globalement le même service quel que soit son prix. L’argent mobilisé pour l’immobilier ne l’est pas pour autre chose et la pression sur l’augmentation des loyers est un enjeu majeur de pouvoir d’achat.

Il y a également des conséquences politiques : les prix élevés conduisent à une exclusion de fait des jeunes de l’accès à la propriété du logement alors que c’est un désir généralisé et qui était tout à fait satisfait il y a plusieurs décennies. Cela contribue probablement au fait que Jean-Luc Mélenchon aient eu 31 % des votes des 18-24 ans et Marine Le Pen 26 % le 10 avril dernier.

Quelles seraient les mesures de bons sens pour tenter d’apporter des solutions à la crise de l’immobilier à Paris ou dans les grandes villes et par rapport à cette dérive des prix ? Y a-t-il d’autres alternatives à certaines politiques comme l’encadrement des loyers ?

Il y les mesures liés aux marché de la propriété immobilière. Il faut avoir en cible un cible à moyen terme d’évolution des prix pour tenir compte du fait que nombreux ménages sont engagés avec un crédit hypothécaire. On peut penser à faciliter l’acte de construction pour libérer l’offre de nouveaux logements : une contribution avait présenté le niveau important de liberté de l’agglomération de Tokyo en la matière, à l’origine d’une développement important des logements construits. Un autre axe peut concerner les politiques d’aménagement du territoire face à l’effet ciseau de déséquilibres offre-demande dans les agglomérations combiné à une augmentation globale de la vacance des logements en France.

Sur le marché locatif, le niveau élevé des prix conduit à justifier l’existence d’un secteur social et même d’un secteur de l’hébergement qui prend en charge les personnes dont les besoins logement ne peuvent être satisfaits aux conditions de marché. Les pressions à la croissance de ces secteurs baissent avec l’existence d’une offre privée à prix abordable, une situation qui existe beaucoup plus en Allemagne qu’en France par exemple.

À partir du mois de juillet la Banque centrale européenne va commencer à augmenter ses taux. En quoi cette remontée va impacter le pouvoir d’achat immobilier des Français dans les prochains mois ? Les Français ont-ils vraiment perdu jusqu’à une pièce en six mois ?

Le pouvoir d’achat immobilier correspond à la mensualité d’emprunt qu’un ménage est capable d’assumer sur son revenu donc avec deux variables de contrôle : le niveau des prix et celui des taux d’intérêt. La société meilleurtaux a publié son baromètre en la matière pour juin 2022, sur la base du calcul suivant : nombre de mètres carré pouvant être achetés pour 1 000€ (soit 3 000 € de revenu) en prenant en compte le fait que le taux moyen d’emprunt est passe de 0,7 % à 1,4 % entre décembre 2021 et juin 2022. La dégradation est particulièrement forte dans les localités où les prix ont monté, souvent des villes moyennes comme Saint-Etienne ou Le Mans. En revanche le pouvoir d’achat immobilier est stable à Paris où les prix se tassent.

Une image contenant table

Description générée automatiquement

A terme le niveau des taux ne peut qu’avoir des conséquences sur les prix de l’immobilier et c’est la combinaisons des deux qui déterminera le pouvoir d’achat immobilier.

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !