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Jean Castex s'exprime lors d'une séance de questions au gouvernement. Assemblée Nationale, le 16 novembre 2021.
Jean Castex s'exprime lors d'une séance de questions au gouvernement. Assemblée Nationale, le 16 novembre 2021.
©THOMAS COEX / AFP

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Jean Castex a annoncé vouloir donner un coup de pouce fiscal aux maires bâtisseurs. Véritable incitation ou simple nouvelle niche fiscale ?

François Ecalle

François Ecalle

François Ecalle est ancien rapporteur général du rapport annuel de la Cour des comptes sur la situation et les perspectives des finances publiques ;  ancien membre du Haut Conseil des finances publiques, Président de FIPECO et fondateur du site www.fipeco.fr sur les finances publiques.

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En septembre dernier, Jean Castex a annoncé vouloir donner un coup de pouce fiscal aux maires bâtisseurs. Un mois après, les paroles se sont transformées en acte et un amendement au projet de loi finances pour 2022 a été adopté pour inciter à l’investissement locatif. En quoi consiste cette incitation ? Le gouvernement et la ministre du logement sont-ils en train de créer une nouvelle niche fiscale ?

François Ecalle: L’Etat prendra à sa charge les exonérations de taxe foncière décidées par les communes au profit des constructeurs de logements dits intermédiaires (réservés à des ménages modestes mais pas assez pour bénéficier d’un logement social et loués à un prix inférieur de 15 à 20 % au prix de marché). Ces constructeurs bénéficieront d’un crédit d’impôt sur les sociétés de la part de l’Etat au lieu de l’exonération d’un impôt local. En fait, il s’agit de remplacer une niche fiscale dont le coût est supporté par les communes par une niche dont le coût est supporté par l’Etat.

Le Gouvernement prévoit également de prolonger la durée de vie du prêt à taux zéro et de certaines dépenses (niches) fiscales en faveur des investisseurs dans le parc locatif privé : les dispositifs dits Pinel, Censi-Bouvard et Denormandie.

L’actuelle ministre du logement a enfin annoncé une réforme du dispositif dit Cosse ou « louer abordable » qui accorde un avantage fiscal aux propriétaires d’un logement qui le louent à un prix inférieur à celui du marché. L’abattement actuel sur leurs revenus fonciers devrait être remplacé par un crédit d’impôt (remboursable aux ménages non imposés) dont le taux sera modifié et dépendra de la décote accordée sur le loyer par rapport au prix de marché. La niche Cosse va donc céder la place à la niche Wargon dans les offres des agences immobilières.

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Ce dispositif sera-t-il plus efficace que ceux mis en place auparavant ? Lorsque l’on regarde et projette son retour sur investissement, cette niche fiscale ne sera-t-elle pas trop coûteuse pour le budget de l’État ?

Depuis la « réduction d’impôt Quilès » de 1984, qui visait un soutien temporaire à la construction, presque tous les ministres du logement ont donné leur nom à une nouvelle niche fiscale en faveur de l’investissement locatif, parfois révisée chaque année (le « dispositif Scellier » a été amendé chacune des quatre années où il a été en vigueur). A chaque fois, les règles relatives au calcul de la réduction d’impôt, aux zones géographies éligibles ou au plafonnement des ressources des locataires ou des loyers ont été modifiées sans que jamais ne soit trouvée la bonne formule, qui n’existe pas.

Les évaluations de ces dispositifs sont rares, car ils sont généralement remplacés avant qu’elles puissent avoir lieu, mais celles qui ont pu être faites (par exemple une évaluation du dispositif Scellier publiée dans la revue économie et statistique en 2019) montrent qu’ils sont coûteux et inefficaces, leur principal effet étant d’augmenter les prix des logements et les loyers. Dans le projet de loi de finances pour 2022, il y a 49 dépenses (niches) fiscales en faveur du logement et de l’urbanisme dont le coût total s’élève à 9,6 Md€.

Comment expliquer que les ministres du logement qui se succèdent créent presque tous au moins une niche fiscale à l’utilité limitée et au coût élevé ?

Le manque de logements, notamment dans les zones dites tendues, résulte surtout de contraintes sur l’offre : insuffisance de terrains constructibles, encadrement des loyers et protection trop forte des locataires indélicats, taxation trop lourde des biens immobiliers et des revenus fonciers.

Tous les gouvernements ont cru jusqu’à présent qu’ils pouvaient remplacer le jeu du marché en prélevant des impôts sur les propriétaires fonciers, d’un côté, et en leur attribuant des avantages fiscaux, d’un autre côté, à condition qu’ils investissent dans telle zone et louent à tel niveau de loyer et à tel type de ménage. L’expérience montre que ce ciblage des aides n’est jamais satisfaisant et que cette économie administrée du logement ne fonctionne pas, mais les gouvernements français ne l’ont pas encore compris. Ils sont probablement très mal influencés par les multiples intermédiaires qui maîtrisent à peu près la complexité de ces dispositifs et s’enrichissent en conseillant à leurs clients de prendre du Pinel ou du Cosse.

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