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Il faut sauver le paysan français
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Editorial

90 heures de travail par semaine, sans congés payés : ce n'est pas en Chine, mais en France

Question : qui gagne parfois moins de 800 euros par mois, pour 80 à 90 heures de travail hebdomadaire, samedi et dimanche compris, en se levant tous les jours à 5 heures du matin ? 

Réponse : un agriculteur, en l'occurence un éleveur de charolaises en Saone et Loire.
Près de 800 000 personnes aujourd'hui en France peuvent être appelées "agriculteurs". Ils étaient 5,5 millions en 1950. 

90 heures par semaine, sans congés payés : ce n'est pas en Chine, mais en France.

Etre agriculteur en ce temps-là, c'était un métier d'avenir. Posséder des vaches, des terres, donnait le statut de notable.  Les jolies filles ne se faisaient pas prier pour monter sur la moissonneuse-batteuse flambant neuve Massey-Fergusson.
Aujourd'hui, plus d'un agriculteur se suicide tous les jours - 400 par an - soit 3,5 fois plus que la moyenne nationale, signe de leur profonde détresse. Le bonheur n'est pas dans le pré, à tel point qu'une émission de télé-réalité est spécifiquement dédiée aux rencontres entre des agriculteurs esseulés, et des jeunes femmes de l'Est, ou d'Afrique, en mal de souteneur. Il faut appeler un chat un chat.
A l'heure du "travailler plus pour gagner plus", la situation d'une bonne partie des agriculteurs français -  la PAC ayant contribué paradoxalement à les infantiliser - est profondément injuste. Ils disposent pour la plupart d'un capital, leur ferme, leurs terres, leurs bêtes, leur matériel, dont la valeur relative tourne en moyenne autour de 800 000 euros. Mais ce capital se trouve pourtant trop souvent incapable de dégager un dividende raisonnable. Un contrat d'assurance-vie du même montant rapporterait 30 000 euros. On est loin des 800 euros de certains... Quand d'autres travaillent pour limiter les pertes de leur exploitation. Jusqu'à ce que leur banquier leur dise stop.
Dans la hiérarchie des besoins humains, se nourrir est pourtant encore pour un temps la priorité absolue. Besoin auxquels les agriculteurs d'aujourd'hui, héritiers d'une tradition millénaire de sociétés agricoles - répondent toujours, faute de salades ou de steak de pétrole. Ne souriez pas ! Des cohortes de savants fous envisageaient sérieusement, avant les chocs pétroliers, faire produire de la viande ou des laitues par des bactéries baignées dans le pétrole, supprimant l'étape "agriculteur".

10 centimes de plus par litre de lait, qui hésiterait ?

Pourtant, leurs revendications, comparées à tant d'autres - par exemple celles des dockers qui travaillent... 18 heures par semaine et partent à la retraite à 58 ans - paraissent très raisonnables. Les producteurs laitiers demandent... 10 centimes de plus par litre de lait. Je suis prêt à payer ma brique de lait 10 centimes de plus pour que le paysan soit rémunéré à sa juste valeur. J'ajoute aussi sans hésiter 60 centimes à mes côtes d'agneau, ce que réclament les producteurs d'ovins.
Nous n'avons pas d'états d'âme à acheter des téléviseurs HD ou des jouets produits dans l'usine du monde, où les conditions de travail laisseraient bouche bée bien des syndicalistes de la CGT, qui n'ont pourtant pas renié leur attachement à l'idéal communiste. Comme la Chine. Ayons au moins des scrupules à consommer des produits agricoles qui ne sont manifestement pas achetés au bon prix à nos paysans, mondialisation oblige.
L'idéal d'une économie solidaire et responsable commence dans nos assiettes.

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