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Un Hongrois sacré roi des maths
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Prix Abel

Ce mardi, le Roi de Norvège remettra au mathématicien Endre Szemerédy le prix Abel. Généralement considéré comme l’équivalent du prix Nobel pour les mathématiques, il est pourtant très différent de la médaille Fields, emportée en 2009 par le Français Cédric Villani.

Jean-Paul Truc

Jean-Paul Truc

Jean-Paul Truc est actuellement rédacteur en chef de la revue de Mathématiques Quadrature

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La procédure de sélection

D’après les statuts du prix Abel, n’importe quel mathématicien peut proposer l’un de ses confrères pour cette distinction en adressant une lettre à l’académie des sciences et des lettres de Norvège à Oslo. Les propositions sont ensuite examinées par un comité qui transmet ses recommandations à l’académie ; le choix est annoncé au mois d’avril chaque année.

Un mathématicien français a déjà été honoré par ce prix : en 2003 Jean-Pierre Serres, professeur au collège de France, a reçu le prix Abel pour ces travaux dans différents domaines des mathématiques (topologie, géométrie algébrique, théorie des nombres).

Le montant du prix est d’environ 6 millions de couronnes norvégiennes (750 000 euros). La Norvège a alimenté un fond d’environ 25 millions d’euros pour ce prix et les dividendes en sont remis au lauréat. Rien à voir avec les 25 000 euros du Prix Fermat qui sera attribué à Toulouse dans quelques jours ; certes le pétrole de la Mer du Nord ne coule pas chez nous, mais les salaires des footballeurs ne sont pas si bas pour autant…

L'histoire du prix Abel

Les Norvégiens se sont certainement fait un peu plaisir en comblant là une lacune (volontaire) du grand frère suédois, puisque le prix Nobel n’existe pas en mathématiques.

Le prix Abel, crée en 2001, est ainsi nommé en hommage au mathématicien Norvégien prématurément disparu, Niels Henrik Abel (1802-1829), dont les travaux sur l’irrésolubilité des équations du cinquième degré par radicaux font l’un des précurseurs du célèbre Evariste Galois

Eirik Furu Baardsen - Abelprize

Photo : Eirik Furu Baardsen - Abelprize 

Le protocole

C’est dans une capitale pavoisée que se dérouleront les cérémonies. Le lauréat du prix sera d’abord reçu en audience par le roi Harald au Palais royal le 22 mai à midi. Puis, vers 14 heures, accompagné par une fanfare militaire, le roi Harald fera son entrée dans l’université Aula, et après un discours du président de l’Académie des sciences, et de Madame le professeur Ragni Piene du comité Abel, le roi remettra le prix 2012  à Endre Szemerédy. Le lendemain, le lauréat donnera sa conférence à l’université d’Oslo.

Endre Szemerédy

Endre Szemerédy / Photo: Sergio01, CC-BY-SA 

Pourquoi lui ?

Le mathématicien hongrois a été désigné pour ses contributions en théorie des nombres et en théorie ergodique. Il s’est beaucoup intéressé aux mathématiques discrètes et à l’informatique théorique.

A l’inverse de la médaille Fields, qui récompense un mathématicien de moins de quarante ans, le prix Abel récompense l’ensemble d’une  carrière. Retraçons brièvement celle du prix Abel 2012. 

Endre Szemerédy est né le 32 aout 1940 à Budapest et il est attaché à l’institut Alfréd Rényi de mathématiques de Budapest ; depuis 1986, il est également professeur à la Rutger University (New Jersey, USA). Il a également été chercheur invité dans les plus prestigieuses universités (Berkeley, Princeton, California Institute of thechnology, etc.).

Il a pourtant démarré sa carrière tardivement, en envisageant tout d’abord des études de médecine, puis en travaillant en usine pendant une année. Après une maîtrise à Budapest, il a obtenu un doctorat (1970) à l’université de Moscou sous la direction du célèbre professeur Guelfand, avant de retourner en Hongrie. Il a publié à ce jour plus de 200 articles et reçu de nombreux prix.

Le théorème du sacre

Parmi les travaux de Endre Szemerédy, se trouve son théorème concernant les progressions arithmétiques. Une progression arithmétique est une suite de nombres obtenue en rajoutant au premier un nombre fixe r appelé la raison ;  par exemple, avec la raison r=4, et partant de 1, on a la progression : 1, 5, 9, 13, 17, 21,… On peut en extraire la partie 5, 9, 13, 17, qui constitue une progression arithmétique de longueur 4.

Définissons maintenant la densité supérieure d’un ensemble A de nombres entiers. Par exemple pour fixer les idées, A peut être l’ensemble des nombres pairs : B= {2,4,6,8,…}.  Pour un nombre entier N fixé, nous

comptons le nombre d’entiers communs à A et à l’ensemble{1,2,…,N-1,N}, noté ici aN et nous le divisons par N. Nous obtenons un quotient qN  =aN /N.

Dans l’exemple des nombres pairs, et pour N=10, nous trouverons par exemple une intersection formée des cinq nombres 2, 4, 6, 8, 10, ce qui nous fera le quotient  q10 =  5/10=0.5. Pour N=11, nous trouverons q11 =5/11=  0.454545.…Si ces quotients qN  ont une limite quand N devient très grand, on appelle cette limite la densité arithmétique de l’ensemble A et on la note d(A). Par exemple, dans le cas de l’ensemble des nombres pairs, on a visiblement d(B)=0.5.  Si A est un ensemble fini sa densité sera considérée comme nulle : d(A)=0 ; en effet pour N très grand les quotients sont de plus en plus petits.

Pour un ensemble de nombres infini quelconque cette limite n’existe pas toujours et il est plus commode de considérer une autre quantité appelée la densité supérieure, et qui est définie par ce que l’on appelle la limite supérieure des quotients que nous avons introduits.

En 1953, le mathématicien Klaus Friedrich Roth a prouvé que tout ensemble A de densité supérieure strictement positive contient au moins une progression arithmétique de longueur trois.

En 1969, Endre Szemerédy a prouvé en fait qu’un tel ensemble contenait une progression arithmétique de longueur 4, puis en 1975, il démontra son plus célèbre théorème qui dit qu’un ensemble de densité supérieure positive contient des progressions arithmétiques aussi longues que l’on veut ! Ce résultat est connu comme le théorème de Szemerédy.

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