Hollande, Trierweiler, Gayet, Royal : la galerie psychologique <!-- --> | Atlantico.fr
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François Hollande aime les femmes indépendantes.
François Hollande aime les femmes indépendantes.
©REUTERS/Jean-Paul Pelissier

C'est grave docteur ?

Le type de relation qu'a entretenu François Hollande avec les femmes avait jusqu'ici connu une certaine continuité, sa vie sentimentale étant marquée par des compagnes indépendantes et proches du monde politique. Le choix de l'actrice Julie Gayet (s'il est avéré) semble néanmoins révéler un tournant, qui n'est pas sans rappeler les préférences "traditionnelles" des serviteurs de la République.

Jean-Paul Mialet

Jean-Paul Mialet

Jean-Paul Mialet est psychiatre, ancien Chef de Clinique à l’Hôpital Sainte-Anne et Directeur d’enseignement à l’Université Paris V.

Ses recherches portent essentiellement sur l'attention, la douleur, et dernièrement, la différence des sexes.

Ses travaux l'ont mené à écrire deux livres (L'attention, PUF; Sex aequo, le quiproquo des sexes, Albin Michel) et de nombreux articles dans des revues scientifiques. En 2018, il a publié le livre L'amour à l'épreuve du temps (Albin-Michel).

 

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En octobre 2010, François Hollande déclarait dans Gala : « C’est une chance exceptionnelle… de rencontrer la femme de sa vie. Cette chance, elle peut passer, moi je l’ai saisie. » Fallait-il attendre si longtemps – une bonne moitié de vie – que la chance se manifeste ? Et, pour tuer le temps, choisir par défaut une autre femme et lui faire plusieurs enfants ? Peu après, il corrigeait : « j’aurais dû dire aujourd’hui pour ne pas froisser ma famille ». Une vie se résume donc au jour d’aujourd’hui ? Et La femme d’une vie peut ainsi changer chaque jour ? Une belle manière de garder sa liberté par rapport au temps qui passe.  Et qui engage même ceux qui se croient libres.

Il est devenu moderne de ne pas s’engager pour préserver sa liberté. François Hollande ne serait-il pas aveuglé par ce besoin de liberté idéologique qui nie les évidences ? Lui dont la vie s’est consacrée à l’engagement responsable – depuis sa fonction de délégué de classe jusqu’à celle de président de la République – pense-t-il vraiment que la vie intime puisse échapper à l’engagement ? Certes, la vie intime est privée. Mais l’intimité n’est pas un espace où triomphe librement le désir personnel indépendamment du reste – de tout le reste, ce qui s’est construit dans la durée, le chemin suivi jusque-là, le partenaire impliqué dans une existence partagée. Le contrat social du mariage peut bien être jeté à la corbeille, considéré comme désuet et bourgeois, la vie de couple n’est pas la simple union de deux désirs ; elle répond également au besoin de tisser un lien affectif étroit qui soutient mais aussi entrave. Pour le bonheur de l’attachement, on accepte de sacrifier certaines libertés. Il en est ainsi de tous les liens, pas simplement conjugaux. Et la responsabilité s’accroît quand le lien ne concerne pas qu’un cercle restreint de proches, comme l’homme ordinaire et ses quelques intimes, mais qu’il s’étend à un large public qui prend appui sur soi. Quand on est « marié » avec la France, par exemple.

Mais gardons à l’esprit cette idée de « femme d’une vie » qui justifierait tous les abus, comme un destin qui frappe à la porte, un amour fatal que l’on n’a pas le droit d’ignorer. La vraie femme de notre vie, ne faudrait-il pas aller la chercher à la source ? N’est-elle pas, au fond, celle qui nous a donné la vie ? Je me souviens d’un accident du Tour de France ; le coureur, dans une descente, manque son virage et pendant la chute, on l’entend crier : « Maman ». Ce qui est vrai pour tant d’hommes l’est sans doute encore davantage pour notre président. Inconditionnellement admirative, sa mère déclarait, rapporte L’Express : « Quand on a un fils comme François, on réussit sa vie. On a besoin de rien d’autre. » De rien d’autre : François suffit à tout. Même à oublier un père autoritaire, proche de l’OAS, imposant sa loi à la famille et l’obligeant à déménager d’un jour à l’autre sans explications. C’est ainsi qu’à l’été de ses treize ans, François Hollande a dû oublier sa vie et ses amis de Rouen pour aller s’établir à Paris. On imagine la dette d’amour envers cette mère qui n’a jamais ménagé son soutien et s’est montrée aussi affectueuse, présente et protectrice que le père était absent et rude !  Un autre homme célèbre, l’écrivain Romain Gary, était lui aussi en dette vis-à-vis de sa mère ; pour honorer sa « promesse de l’aube », il lui aura fallu briller et séduire toute sa vie, sans limite. François a-t-il de même une mission ? Doit-il réparer les égarements de la brutalité virile qui ont été douloureux pour sa mère et lui ? On se gardera de conclure – tout en comprenant pourquoi il détestait tant Sarkozy…

Ce qui est certain en revanche, c’est que lorsqu’on a débuté avec une femme qui représente tant, on ne pourra pas se contenter d’une relation tiède. Voilà qui explique que notre président se soit toujours dirigé vers de fortes femmes, des femmes de caractère. Car ce qui rapproche Ségolène Royal et Valérie Trierweiler, outre leur grande beauté, c’est leur tempérament. Chacune d’elle est indépendante et entend se faire respecter. Ségolène, « Miss Glaçon » de la promotion Voltaire, est la seule à ne pas céder aux injonctions de Hollande quand il exige, au nom du Comité d’Action pour la Réforme de l’ENA, qu’elle revienne sur certains avantages de son stage. Elle a par la suite largement confirmé ses qualités d’ambition et de ténacité. De même Valérie Trierweiler a décidé d’imposer sa marque au destin ; elle veut être la première femme à occuper la place de partenaire d’un président de la République en restant libre et indépendante, sans se marier ni quitter son métier de journaliste. Ces deux femmes sont donc très semblables. Pourquoi a-t-il quitté l’une pour l’autre ? Mystère. En pleine crise de couple, un acteur de cinéma marié à une actrice me confiait que la rivalité entre gens d’image rendait la vie impossible. Peut-être en est-il de même entre personnalités politiques. On peut toutefois risquer une autre hypothèse.

Quand une femme a compté autant dans la vie d’un homme que la mère de François Hollande, quand un tel attachement s’est développé, il se produit quelque chose de complexe et contradictoire. Le moment venu, il faut trouver une compagne qui occupe une place comparable, et en même temps prouver à cette femme qu’elle n’est pas tout. Trop de dépendance impose des démonstrations d’indépendance. Ne pas se marier peut être un moyen d’apaiser la crainte d’une dépendance excessive. Mais il existe d’autres moyens. Notamment, j’ai pu mesurer chez certains patients combien une dette très importante par rapport à la mère poussait à rechercher des femmes fortes auxquelles on tente d’échapper dans les bras d’autres femmes – tout aussi fortes, hélas.

Et Julie Gayet dans tout cela ? L’actrice pourrait bien représenter une étape nouvelle. Elle est plus jeune ; elle « joue » la comédie et on la devine plus joueuse que les deux femmes de la vie de François qui l’ont précédée. Peut-être notre président, arrivé à ce point de sa trajectoire, a-t-il besoin de récréation. Peut-être, d’ailleurs, le rôle de maîtresse satisfait madame Gayet, qui n’en veut pas davantage : après tout, il n’y a pas de déshonneur à être une intime d’un homme de cette qualité, et pas que des inconvénients à rester libre en ne formant pas couple. Elle ne sera pas la première comédienne à bénéficier des faveurs d’un homme d’Etat : longtemps, les ministres de nos républiques sont allés chercher réconfort du côté de la Comédie Française.

Le problème n’est d’ailleurs pas que François Hollande tâtonne pour trouver sa voie au milieu des femmes. Il n’y a après tout rien de plus banal. Les femmes sont mystérieuses pour nous, les hommes, et l’expérience montre que souvent, nous ne savons les affronter qu’en leur échappant dans l’infidélité. La fonction de président de la République ne protège pas contre les difficultés des relations entre hommes et femmes : elle nécessite même une maturité toute particulière compte tenu des innombrables propositions auquel tout homme de pouvoir est exposé. Le pouvoir, il faut bien l’admettre, développe l’appétit érotique des femmes.

Non, le problème est plutôt que notre président a voulu s’affranchir de toutes les contraintes ; il a cru pouvoir s’affirmer libre de tout. Que cache donc ce besoin de liberté à tout prix ? Il n’est pas simple, il est même impossible d’être libre dans une vie de couple. Il est encore plus inconcevable d’être libre dans la fonction de premier représentant des Français. Ajoutons une remarque. Privé s’oppose à public ; pour avoir une vie privée, il faut disposer d’une vie publique. Et il faut ainsi assumer d’être un couple public. Paradoxalement, si François Hollande avait accepté de s’unir par une forme d’alliance officielle à sa compagne, il lui serait aujourd’hui plus aisé de faire respecter des frontières entre vie privée et vie et publique. Trop de liberté nuit à la liberté…

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