Hollande, la riposte économique : la feuille de route idéale d’un gouvernement qui aurait gagné le bras de fer à Bruxelles et au sein de sa majorité<!-- --> | Atlantico.fr
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Le gouvernement doit proposer une série de mesures en faveur de l'économie.
Le gouvernement doit proposer une série de mesures en faveur de l'économie.
©Reuters

L'examen des possibles

A l'issue d'un conseil des ministres extraordinaire mercredi 8 avril, le gouvernement doit proposer une série de mesures en faveur de l'économie. Bien que le président ait réaffirmé qu'il ne changerait pas de ligne, le contexte politique l'oblige à faire des compromis.

Gilles Saint-Paul

Gilles Saint-Paul

Gilles Saint-Paul est économiste et professeur à l'université Toulouse I.

Il est l'auteur du rapport du Conseil d'analyse économique (CAE) intitulé Immigration, qualifications et marché du travail sur l'impact économique de l'immigration en 2009.

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Nicolas Goetzmann

Nicolas Goetzmann

 

Nicolas Goetzmann est journaliste économique senior chez Atlantico.

Il est l'auteur chez Atlantico Editions de l'ouvrage :

 

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Dans une première partie, Nicolas Goetzmann reprend les principales réformes à l'échelle macro-économique qui permettrait à François Hollande de faire repartir la croissance. Dans une seconde partie, et dans le cas où le gouvernement était libéré de pressions de la part du Bruxelles et de son parti, Gilles Saint-Paul identifie certaines réformes structurelles qui favoriseraient également une relance.

>> Lire aussi : Nouvelles mesures de soutien à l’économie : ce tribut que l'économie française risque de payer au Congrès du PS

Réforme macro-économiques

Par Nicolas Goetzmann

D’un point de vue macroéconomique, la réponse essentielle à apporter à la crise actuelle est une refondation de la doctrine de la Banque centrale européenne, permettant à celle-ci d’agir plus massivement en soutien à l’économie.

Le diagnostic d’une crise de la demande

La crise qui frappe le continent européen depuis 2008, on s’en est aperçu, n’est pas une simple récession cyclique. A l’instar des années 30, cette crise est une lourde crise de la demande. C’est ce qui ressort, sans ambiguïté, des symptômes économiques suivants: inflation proche de 0, si ce n’est négative, croissance molle ou récession, chômage de masse et problèmes de compétitivité. Ces éléments sont les symptômes d’une seule et même cause : le déficit de demande agrégée au sein de la zone euro. Le traitement d’une telle crise consiste donc à soutenir massivement l’activité économique.

Il ne s’agit pas de relancer par la voie budgétaire, c’est-à-dire par l’emprunt, notamment en raison du niveau d’endettement du pays, mais de relance par la voie monétaire. C’est-à-dire par la stimulation de l’économie par la Banque centrale européenne. Une telle politique est essentielle à tout redémarrage de l’économie, il s’agit véritablement de la mère de toutes les réformes, parce qu’elle rendra possible la suite du "programme" ; c'est à dire la baisse des dépenses publiques ou les réformes structurelles, qui sont attendues par les entreprises.  

La nécessité de réformer les statuts de la BCE

Une telle réforme sera difficile à mettre en place car il s’agit de modifier les traités fondateurs de l’union européenne, de la zone euro. Le mandat de la Banque centrale européenne comporte un volet unique de stabilité des prix. C’est-à-dire que l’unique mission de la BCE est de maintenir les prix à un niveau inférieur mais proche de 2%. C’est ce mandat qui doit être modifié, et cela nécessite l’unanimité. La modification "optimale" serait d’intégrer un deuxième objectif à la BCE, la recherche de l’emploi maximum, sur le modèle des Etats Unis, c’est-à-dire un objectif de plein emploi. Les deux objectifs doivent avoir le même degré de priorité. La maîtrise de l’inflation ne doit pas être prioritaire sur le plein emploi, et inversement. Ce type de réforme, si elle ne correspond à priori à rien de concret, correspond à une bombe nucléaire par rapport à tout ce qui a pu être fait contre cette crise jusqu’à présent. Du jour ou l’objectif de plein emploi est signifié à la BCE, celle-ci aura l’obligation de maintenir le pied au plancher en termes de relance, jusqu’à ce que nous ayons atteint le plein emploi, ou une inflation qui s’accélère au-delà de 2%. Ce qui est une promesse d’un grand coup de fouet sur l’économie européenne.

Une telle réforme sera très difficile à obtenir, notamment en raison de l’opposition allemande, elle même très attachée à la stricte stabilité des prix. Mais il serait peut-être temps de se rendre compte, en Europe, que nous avons un train de retard sur les Etats Unis, et qu’il serait peut-être temps de réagir un jour. Parce que le mandat de la FED est bien plus performant que celui de la BCE, cela n’est que factuel. Le plein emploi et la maîtrise des prix sont atteints outre atlantique. En Europe, nous avons le chômage de masse et l’inflation 0 ; un désastre. Sur cette base, il doit être possible de convaincre nos partenaires qu’il est urgent de modifier le socle de notre politique monétaire.

Les effets économiques à attendre d’une telle réforme

Une relance monétaire permet l’accélération de la croissance nominale. C’est-à-dire de la croissance et de l’inflation. Le phénomène est connu. Si une économie est en situation de faible croissance et de faible inflation, une relance par la monnaie permettra d’abord l’accélération de la croissance puis un rattrapage de l’inflation à son niveau de 2%. Ce type de relance ne marche pas pour toutes les configurations, par exemple celle des années 70, qui se caractérisait par une forte inflation et une croissance 0. Dans un tel cas de figure, la relance monétaire est inefficace, c’est même un durcissement monétaire qui doit lui être préféré. C’est ce qui a été fait en 1983 avec le tournant de la rigueur. C’est l’essentiel pour comprendre ce qui est en jeu, nous sommes dans la situation  inverse de celle de 1983, et nous devons donc agir à l’inverse de 1983 : la relance.

Mais il ne s’agit absolument pas de relancer par la voie budgétaire, ou de creuser les déficits, il s’agit même d’inverser ce processus. Parce qu’avec une relance monétaire, il sera enfin possible de maitriser le niveau de dépenses, notamment grâce à la baisse du chômage et à la hausse de l’emploi, qui bénéficierons aux comptes sociaux. De plus, l’accélération du PIB, permise par le soutien de la BCE, permettra une amélioration de la fonction "dette sur PIB". La dette se stabilise et le PIB augmente, ce qui permettra au ratio de baisser en pourcentage.

De la même façon, il est injuste de prétendre que la BCE est déjà en situation de soutien maximal à l’économie, parce que les taux sont déjà à 0. Les taux d’intérêts ne sont pas un indicateur fiable d’une politique monétaire. Et ce niveau 0 ne fait que traduire la faiblesse absolue de l’économie européenne. Les taux 0 ne sont pas une distorsion de l’économie par les banques centrales, ils ne sont que le symptôme d’une économie anémiée et qui a besoin de monnaie. Il suffit de retourner l’argument pour se rendre compte du non-sens par rapport aux taux 0. La Banque du Brésil affiche un taux d’intérêt à 12.75% tout en ayant une inflation qui s’accélère et qui atteint aujourd’hui 7.7%. Quel rapport ? La banque centrale la plus "accommodante" des deux est celle qui accepte le plus d’inflation, c’est-à-dire le Brésil et ses 7.7% d’inflation contre une Europe à  -0.1%. Et pourtant, le Brésil a des taux à 12.75% contre 0.30% en Europe. Voilà pourquoi les taux ne sont pas un indicateur fiable. Le meilleur indicateur est la croissance nominale, et celle-ci est proche du néant depuis 2008 en Europe.

Avec un plan de relance monétaire, il est possible de retrouver une croissance durable entre 2 et 3% chaque année, avec une inflation de 2%. Ce qui permettra une baisse conséquente du taux de chômage, un assainissement des comptes publics, un retour de la compétitivité et enfin la baisse relative de l’endettement du pays. C’est toujours le même principe ; lorsque l’on agit sur la cause du mal, c’est l’ensemble des symptômes qui sont traités en même temps.

Réformes structurelles

Par Gilles Saint-Paul

Une réforme ambitieuse des retraites qui permettrait d'accroître le taux d'emploi des seniors.

Le poids excessif de la fiscalité sur le travail, qui reflète lui-même un Etat-Providence trop généreux. Cette fiscalité sert à financer des gens qui ne travaillent pas, à divers titres: chômage, maladie, retraites. Il n'y a que dix-huit millions de français qui travaillent dans le secteur privé, et les quarante-sept millions restant doivent ponctionner leurs revenus, soit par des transferts intrafamiliaux, soit par la fiscalité. On ne peut donc baisser les charges que si une partie de ces quarante-sept millions de français est transférée vers le secteur privé. Il est donc crucial de réformer les retraites et de promouvoir l'emploi des seniors. Il faut accroître l'âge de la retraite et mettre en place des incitations à travailler plus longtemps, par exemple  en introduisant un système de retraites par points avec droits cumulables avec la détention d'un emploi.

Réduire progressivement le poids du SMIC et le différencier selon les régions

La dérive du SMIC qui, malgré les décennies d'abattement de charges sur les bas salaires, constitue un frein important à l'embauche des moins qualifiés.  La France est un des pays du monde où la proportion de travailleurs payés au SMIC est la plus élevée, ainsi que son niveau rapporté au salaire moyen. Les politiques de baisses de charges ciblées atteignent leurs limitent parce qu'elles pénalisent les employeurs qui désirent augmenter le salaire des employés. Depuis quarante ans, les hommes politiques ne se sont pas contentés d'une progression modeste du pouvoir d'achat du SMIC. Au moyen de coups de pouce, ils ont fait en sorte que celui-ci progresse au même rythme que le salaire moyen. Il aurait été plus judicieux pour l'emploi de faire en sorte qu'il croisse moins vite, ce qui est cependant compatible avec des hausses de pouvoir d'achat pour les smicards. De même, le fait que toutes les régions aient le même SMIC alors que le coût de la vie et les prix auxquels les entreprises vendent leurs services est très différent, est extrêmement pénalisant pour les régions les plus pauvres. Il serait utile d'introduire un SMIC régional.

Simplifier la législation sur le licenciement

La législation sur le travail, et notamment sur la protection de l'emploi, est source d'incertitudes judiciaires et constitue une entrave à la libre gestion des entreprises. Il faut soumettre le code du travail à une simplification et, si l'on considère qu'il faut protéger les travailleurs, imposer des compensations purement monétaires sur la base d'un barème, plutôt que de mettre des entraves réglementaires au licenciement.

Déréglementer les professions qui concernent les pauvres

Il faut remettre en question les entraves à la mobilité professionnelle: conditions de diplômes, licences, numerus clausus, etc. L'allongement de la durée de la vie active passe par des reconversions que le système français rend très difficile. Le fait que certaines professions peu qualifiées  (ouvriers du livre, taxis) soit peu accessibles contribue au chômage et à la pauvreté.

Déréglementer le travail à temps partiel

Il faut revenir sur les entraves au travail à temps partiel introduites dans la loi de sécurisation de l'emploi, qui pénalisent les mères de familles et les travailleurs précaires, qui pourraient par exemple cumuler un tel emploi avec une activité d'auto-entrepreneur.  Cela concerne également les travailleurs âgés, qui pourraient cumuler un emploi à temps partiel avec leur retraite.

Les trois mesures qui précèdent sont importantes, parce que le modèle français de l'emploi à vie en CDI est battu en brèche par le besoin de diversifier sa trajectoire professionnelle à cause de l'évolution des technologies, de la mondialisation et de l'allongement de la durée de vie.  Ces circonstances rendent notre modèle de plus en plus coûteux et créateur de chômage. On voit d'ailleurs qu'il est très difficile de lutter contre les nouvelles formes d'emplois, comme en témoigne l'épisode Uber.  Il faut donc adapter la législation pour tenir compte de ces nouvelles réalités.

Ce qui précède est évidemment une discussion de principe. Je ne m'attends pas à voir ces réformes mises en oeuvre, et leur coût politique est élevé. Aucune n'a des chances de porter ses fruits avant la fin du quinquennat. Les réformes de la loi Macron sont marginales et sont un os à ronger pour Bruxelles en échange de sa bienveillance sur les déficits. On peut s'attendre à ce que le gouvernement se préoccupe de manoeuvres  électorales plus que de réformes structurelles. 

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